Des livreurs des plateformes internet Uber Eats et Deliveroo ont arrêté le travail dimanche soir. Ils demandent à être mieux rémunérés. Et au passage, un peu de respect de la part des clients et des restaurateurs. Leur mouvement se poursuit aujourd'hui.
Jean-Luc*, 32 ans, est de la vieille école. Il livre les repas, à vélo, à la seule force du mollet. Cela fait cinq mois qu'il travaille pour la plateforme de livraison internet Uber Eats, à Rennes.
Je travaille à temps plein, du lundi au vendredi, dans la vente de matériaux pour le bâtiment. Mais, financièrement, je suis pris à la gorge. J'ai un remboursement d'emprunt... Alors, tous les soirs en semaine et le week-end, je fais des livraisons à vélo.
Quand il a commencé, il gagnait un peu plus de 420 euros par semaine. Quatre mois plus tard, c'est "entre 100 et 200 euros", la semaine.
"Le tarif des courses a énormément baissé. Nos bonus aussi ont baissé et les objectifs sont plus difficiles à atteindre. Avant, on touchait 35 euros de bonus pour onze courses réalisées entre 19 heures et 21h30. Ce soir, le bonus est à 11 euros", constate-t-il, dépité.
Un dimanche soir sans livraisons
Avec une quarantaine d'autres livreurs, il a manifesté dimanche 4 avril, esplanade Charles de Gaulle, à Rennes.
"Pour une course, d'un bout du centre-ville à l'autre, c'est 3,5 euros. Mais parfois, on attend longtemps avant de récupérer le repas à livrer et on n'est pas payés pendant ce temps-là. Les spécialistes, c'est Mc Do ! Il m'est arrivé d'attendre pendant une heure une commande repas", peste-t-il.
Jean-Luc est bon rouleur mais ça ne suffit plus. Et il n'est pas le seul. De plus en plus de livreurs adoptent le scooter. Mais là non plus, ce n'est pas la panacée.
"J'ai commencé ce travail en 2017. Au début, je livrais à vélo. Plus les tarifs de livraison on baissé, plus on a cherché à aller plus vite pour compenser. C'est pour ça que j'ai pris un scooter. Ca permet d'en faire plus en étant moins fatigué", explique Mickaël*, 36 ans.
"La livraison de repas, c'est mon job à plein temps. 61 heures par semaine. En deux ans, j'ai perdu 40% de revenus avec leurs baisses de tarifs. Uber Eats, Deliveroo, Stuart... La façon dont ils calculent votre paie change tout le temps et est très opaque", ajoute-t-il.
Manque de respect des restaurateurs
Mal payés et peu respectés, aussi. Car du côté des restaurateurs, le client est roi mais certainement pas le livreur...
Il y a des restaurateurs qui nous parlent mal. Ils nous laissent attendre dans le froid, sous la pluie, comme des chiens.
Sans parler des clients qui récupèrent les repas pour ensuite déposer une réclamation auprès des plateformes internet de livraison, en se plaignant de ne pas avoir été livrés... Une astuce pour ne rien payer.
"Eux, ça leur fait un repas gratuit. Nous, on se retrouve radiés du jour au lendemain des plateformes de livraison, sans explication. On n'a plus de job, sans autre forme de procès", se lamente Mickaël.
Une négociation à venir
Dimanche soir, la livraison de repas à domicile était quasi impossible, à Rennes. Le rapport de force engagé a payé.
"Un responsable de chez Uber va nous recevoir dans les jours à venir. En attendant, on a recommandé à tout le monde de reprendre le travail. On va essayer de trouver un terrain d'entente avec eux", conclut-il.
Mais pour une partie des livreurs, la coupe est pleine. Pas question d'attendre plus longtemps. Lundi midi, ils manifestaient à nouveau, place Saint-Michel, à Rennes.
(*) : les prénoms ont été changés à la demande des personnes interviewées.