Les entreprises de propreté ne sont pas prioritaires pour être livrées en masques. Pourtant, certains agents interviennent dans des endroits à risque. Exemples en Bretagne.
"Nous aussi, on est en première ligne, pourtant on n'a aucun masque, parce que nous sommes des travailleurs de l’ombre" regrette Erwan Le Gourrierec, dirigeant de la société LS Nettoyage à Lorient. Au début de la crise, il a trouvé deux boîtes de masques dans ses placards, il les a données à une infirmière libérale : "on pensait qu’elle était plus prioritaire que nous". Aujourd'hui, il se retrouve avec des masques gentiment fabriqués par un commerçant voisin, mais le patron souhaite des masques plus conventionnels. Dans les jours qui viennent, il attend la livraison d’une centaine de masques en tissu, mais continue de s'étonner, quand il croise en ville tant de personnes avec des masques.
Je leur tire mon chapeau
Erwan Le Gourrierec est touché par le "sang-froid" et le "sens des responsabilités remarquable", dont font preuve ses salariés. "Je leur tire mon chapeau, dit-il. On a des immeubles à nettoyer, des entreprises contaminées, on ne peut pas se permettre de les lâcher".
Les salariés de LS Nettoyage ont des gants, des combinaisons, c'est tout. Comme ceux de la société Neveu Nettoyage de Rennes. Yves Neveu, le dirigeant a poussé un coup de gueule sur les réseaux sociaux en début de semaine.
"Grâce à ça, on a réussi à récupérer entre 300 et 400 masques", explique Léo, le fils qui dirige l'entreprise avec son père, c’est plus pour un sentiment de sécurité que pour une protection réelle, car ce sont des masques chirurgicaux que nous avons". Il faut les changer toutes les trois ou quatre heures. Le père et le fils regrettent de ne pas pouvoir protéger davantage leurs salariés : "vous savez, sans eux, les médecins ne pourraient pas travailler, ils vont faire le ménage dans leur cabinet".
Un sentiment partagé par Jocelyne Martin, représentante de Force Ouvrière, section nettoyage et propreté dans les Côtes d'Armor. "On est les oubliés de cette crise, explique-t-elle, on a oublié les agents de propreté, pourtant, nous avons aussi un rôle central dans cette crise et nous sommes l’un des seuls secteurs à ne pas être équipés de masques". En tant que syndicaliste, elle a reçu beaucoup de coups de téléphone de salariés inquiets. Inquiets pour leur santé et pour leur avenir aussi.
Nous avons perdu 30% de notre marché
Car au problème de sécurité sanitaire, s'ajoute le risque économique pour toutes ces entreprises de nettoyage. Elles perdent des clients chaque jour et emploient des salariés qui ont souvent des petits salaires, travaillent à temps partiel et parfois pour plusieurs employeurs. Sur 140 salariés que compte LS Nettoyage, 80 continuent à travailler aujourd'hui. La société de nettoyage a perdu 30 % de ses marchés, le directeur a mis plusieurs personnes au chômage partiel et a dû dispatcher ses équipes sur les chantiers qui lui restent.
C'est aussi le cas de la société Neveu Nettoyage. "Nous prenons nos décisions au jour le jour explique Julien Jégo, car un jour tout le monde arrête de travailler et le lundi suivant, on a des clients qui réouvrent..." Le jeune dirigeant a dû rappeler des salariés pour qu’ils reviennent travailler, après les avoir mis au chômage partiel. Sur 130 salariés, 75 sont au chômage partiel aujourd’hui et 15 sont arrêtés pour garde d’enfants ou arrêts maladie.
"Nous ne savons pas ce qui va se passer, explique le patron de LS Nettoyage. Comme tout le monde, nous sommes dans l'attente et on fera tout pour qu'il n'y ait pas de casse économique, ni sociale".