Au total 18 personnes, dont 14 bretons, sont jugées cette semaine à Rennes pour leur participation supposée au transport illégal de clandestins albanais de la France vers l'Angleterre. La procureure de la république a requis de six mois à trois ans de prison pour les marins bretons.
Près de 3 ans après l'ouverture de l'enquête, 18 personnes sont poursuivies par la justice pour leur implication dans un trafic de clandestins entre la France et l'Angleterre. Parmi elles 10 skippers bretons et un entrepreneur paimpolais. La procureure a requis de 6 mois à 3 ans pour les marins bretons, 7 ans pour le chef d'entreprise et un intermédiaire kosovar. La magistrate, Anne Fourmel, a également requis 8 ans contre le chef albanais du réseau toujours en fuite. Un autre ressortissant albanais également recherché risque quant à lui 5 ans.
A l'origine de l'affaire, l'interception de Koo 2 Boll
Le 12 janvier 2013, deux jeunes marins bretons sont contrôlés au large de Cherbourg. A bord de leur voilier, le mal nommé Koo 2 Boll, les douaniers découvrent 14 clandestins albanais. S'ouvre alors une affaire qui va révéler un trafic de très grande ampleur entre l'Albanie, la France et l'Angleterre.Après des mois de recherche en Bretagne, en Normandie mais aussi en Angleterre et en Belgique les enquêteurs ont mis à jour une organisation criminelle d'envergure. Selon eux au moins 127 albanais auraient ainsi traversé la Manche.
Un réseau albanais, un relai breton
Le trafic trouve ses racines en Albanie où la filière d'immigration clandestine est particulièrement bien implantée. C'est de là que vient la supposée tête Edmond Rapi, ainsi qu'un autre homme du réseau, tous deux poursuivis par la justice française mais toujours recherchés. Un mandat d'arrêt a été lancé.Ces hommes s'appuyaient pour leur trafic sur un entrepreneur breton qui était en charge de trouver les skippers et de transporter les clandestins jusqu'aux ports de départ. Cet homme de 57 ans originaire de Paimpol avait ainsi recruté une équipe d'une dizaine de jeunes skippers locaux par le biais de son entourage.
Des responsabilités diverses
Pour la procureure il ne fait aucun doute que le chef d'entreprise est impliqué dans l'ensemble des voyages, bien que ce dernier nie avoir tiré profit de ce trafic. Elle demande donc 7 ans de prison, 150 000 euros d'amende ainsi que la confiscation de son patrimoine.Quant aux skippers la magistrate a requis de 6 mois (pour une tentative de convoyage) à 3 ans de prison et 500 euros par clandestin. Des peines proportionnelles au nombre de voyages effectués. Ces dix marins âgés majoritairement d'une vingtaine d'années et originaires des Côtes d'Armor, du Finistère ou encore de la Manche se connaissaient sûrement tous. Des amis ou des connaissances de proches, appâtés par des missions faciles et juteuses. Ils recevaient 1000 euros par clandestin transporté. Les albanais qui souhaitaient gagner l'Angleterre payaient quant à eux en moyenne 6000 euros par personne.
Les plaidoiries
Les avocats des prévenus ont demandé du sursis ou des peines plus légères pour leurs clients qui ont déjà passé pour la plupart plusieurs mois en prison. L'avocat d'un skipper interpelé en mer a lui plaidé la relaxe totale estimant que la procédure n'était pas en règle avec le droit.Selon les mots de la procureure rennaise, ce procès est celui de "l'exploitation de la misère humaine" alors que "des gens ont l'espoir de quitter leur payer pour trouver leur eldorado en Grande Bretagne"
Une femme et un marin, tous deux poursuivis, se sont suicidés au cours de l'instruction.
Le jugement, quant à lui, est attendu ce jeudi soir.
Reportage : Gilles Raoult, Serge Lenauld, Pascal Nau et Hervé Tiercelin.
Interviews :
- Hubert soland, avocat Lille ;
- Frederic Birrien, avocat Rennes ;
- Jean Luc Picard, avocat Paris ;
- Hubert Soland, avocat Lille.