Traditionnellement terre de gibier et de chasse, la Sologne est aujourd’hui mondialement réputée pour son caviar. Un mets d’exception produit par une famille de pisciculteurs qui a réussi à acclimater l’esturgeon en Val de Loire.
Considéré comme un des aliments les plus chers au monde, le caviar est constitué d'oeufs d'esturgeon, un poisson préhistorique sur la liste des espèces menacées de disparition à brève échéance.
Après des années de surexploitation, la pêche est désormais interdite dans la mer Caspienne d’où provenait l’un des caviars les plus réputés. Aujourd’hui le caviar provient de poissons d’élevage.
La France est le troisième producteur mondial derrière la Chine et l’Italie. Les exploitations se situent essentiellement en Aquitaine mais il y a une quinzaine d’années, une famille de pisciculteurs solognots a décidé de tenter l’aventure pour acclimater une des 27 espèces d’esturgeons, le Baerii, dans des étangs situés autour de Saint-Viâtre, dans le Loir-et-Cher.
« Pour sauver la ferme piscicole, nous avons décidé de tenter d’élever de l’esturgeon dans nos étangs »
Dans la famille de Vincent Hennequart, on est pisciculteur de père en fils depuis le XIVème siècle.
Dans la centaine d’étangs qu’il gère avec sa sœur Patricia, pas de carpes ni de brochets. Chaque semaine, entre septembre et mai, on pêche l’esturgeon.
« En Sologne, l’esturgeon vit dans des conditions proches de son biotop naturel, en Sibérie »
De fait, les esturgeons solognots sont dix fois moins concentrés en individus que dans les élevages traditionnels.
Lors de la pêche, les hommes sont dans les étangs avec de l’eau jusqu’à la taille. Les esturgeons sont ramenés dans de grands filets de nylon, puis Vincent pratique une échographie sur chaque femelle pour évaluer la taille des œufs.
Après trois semaines en eau claire, les poissons sélectionnés sont d’abord assommés, puis on prélève les œufs dans le laboratoire de la ferme piscicole de Saint-Viâtre.
[Vidéo] Vincent Hennequart détaille les opérations de fabrication du caviar qui dureront 45 minutes avec le salage qui constitue le secret de fabrication.
20% de la production est vendue en direct, sur place, aux particuliers, aux épiceries fines et aux chefs de la région.
Christophe Hay, le jeune chef étoilé du restaurant « La maison d’à côté » à Montlivault, près de Chambord, travaille ce caviar comme un produit d’exception.
[Vidéo] Christophe Hay nous présente sa recette de "caviar de Sologne, radis du jardin et mousse de fanes".
Pour le reste, environ 80% de la production, direction Gennevilliers, dans la banlieue parisienne, dans les laboratoires de la Maison Nordique, un distributeur spécialisé dans le saumon fumé et le caviar.
Les boîtes sont ouvertes, scrutées puis goûtées par Simone Sury, une experte depuis 30 ans.
« Lorsque nous avons goûté le caviar de Sologne, je me suis dit : encore un nième mauvais caviar d’élevage. Mais la première bouchée m’a tout de suite rappelé les grandes heures du caviar sauvage iranien ».
Les œufs sont triés d’abord pour les tables triplement étoilées des grands chefs comme Guy Savoye, Joël Robuchon, ou Eric Fréchon, les palaces comme le Bristol ou le Georges V. Selon leur goût, les chefs préfèrent le caviar de couleur gris clair ou au contraire presque noir.
Un mets qui reste cher, le caviar de Sologne est revendu à Paris entre 2000 et 2800 euros le kilo selon la variété, loin des 5000 euros du caviar sauvage, mais tout de même inaccessible à la plupart des bourses. Il faut dire que pour produire le caviar, il faut être patient... Les œufs d’esturgeons sont récoltés lorsque les femelles Baerii ont entre 7 et 8 ans, 11 ans pour la variété Osciètre.