Les éleveurs et les maraîchers en agriculture biologique font face à une crise sévère. Un fond d'urgence de 10 millions d'euros a été débloqué au niveau national, soit 265 000 euros en région Centre-Val de Loire. Les exploitants peuvent déposer leur dossier d’aide du 1er mai au 31 mai. Deux agriculteurs racontent leurs galères.
Adrien Guellier élève une soixantaine de vaches laitières dans le Loir-et-Cher. Titulaire d’une licence professionnelle en agriculture biologique, il a repris en 2018 la ferme familiale à Azé (10 km de Vendôme). Les premières années, il était sur un système autonome : ses 120 hectares lui suffisaient pour alimenter son bétail. Désormais, il lui faut acheter 80 tonnes de foin par an.
Le coût de l'inflation
En revanche, la demande de lait bio ralentissant depuis un an et demi, ses revenus ont nettement baissé. "Les coûts de l’énergie et le prix demandé par les prestataires de services ont explosé", explique-t-il. "La consommation bio ne repartira que lorsque l’inflation diminuera, pas avant 2026. Il va y avoir de la casse."
Comme lui, de nombreux éleveurs et maraîchers en agriculture bio font face à une crise sévère depuis 2022, que l'inflation continue d'aggraver. Un fonds d'urgence de 10 millions d'euros a bien été débloqué, mais une fois répartie dans les régions et les départements, cette somme fond vite.
En outre, il est toujours "délicat" pour les agriculteurs de demander de l'aide, même quand ils en ont besoin poursuit-il. "J’ai peur qu’il soit dit que si on ne demande rien, c’est qu’on n’en a pas besoin." Et cette aide elle-même ne représente pas beaucoup plus qu'une "goutte d'eau" : "à l’échelle de l’ensemble des exploitations bio : cela ne fait que 150 euros par structure !"
Une aide modeste, mais "ciblée"
La Confédération Paysanne avait demandé 15 000 euros par ferme, alors que le montant de l'aide s’élève à 265 000 euros pour toute la région, à répartir entre les différents départements : le Loir-et-Cher touchera 40 000 euros. "C’est une petite enveloppe", concède-t-on à la Direction Départementale des Territoires (DDT). "Nous ciblerons les producteurs les plus en difficulté, les 100 % bio, ceux qui ont bénéficié de l’aide au maintien jusqu’2022, et les jeunes nouvellement installés."
Éleveur de porcs bio dans le Loir-et-Cher depuis 2014, Paul-Emmanuel Boulai est éligible aux aides, mais tempête.
Je trouve ces aides ridicules, c’est un pansement sur une jambe de bois ! On nous donne juste de quoi survivre, alors que quand l’Etat soutient l’agriculture conventionnelle, c’est plutôt 100 millions !
Paul-Emmanuel Boulai, éleveur porcin
"Il faut repenser la filière bio, la structurer", insiste-t-il. "De 2016 à 2019, il y a eu beaucoup de conversions, mais derrière, la restauration dans les crèches et les maisons de retraite n’est pas passée au 100% bio"
Récemment, il a divisé sa production par trois. Faute de débouchés, son cheptel a diminué de 600 porcs à 200 aujourd’hui. "Beaucoup de gens sensibles aux questions environnementales ne mangent pas de viande ou rognent sur l’alimentation. Ils préfèrent conserver leurs loisirs. Nous sommes directement impactés", regrette-t-il.
Les deux agriculteurs en viennent aux mêmes conclusions : "Nous traversons une crise, mais il ne faut pas douter de la pertinence de travailler en bio. Nous devons nous mobiliser, interpeller l’Etat et aller chercher de l’argent où il y en a !"
Afin de compenser la fin de l'aide au maintien, de nouvelles pistes sont proposées, comme des subventions à l'actif plutôt qu'à la surface, ou encore un soutien de la filière au titre de la défense de la bio-diversité.