Les résultats des élections européennes et présidentielles font ressortir un décalage entre le discours européen du maire et les préférences politiques d'une partie de la population.
Deux spectres hantent la commune d’Amilly, les spectres du Rassemblement National et de l’abstention. Bien que la municipalité s’affiche comme la plus europhile de la région, les résultats du scrutin de dimanche ne se différencient pas de la tendance nationale.
La poussée europhobe, couplée à un fort taux d’abstention, a eu raison de la tradition européiste de la ville de 13 000 habitants, située près de Montargis.
Le parti europhobe de Marine Le Pen se confirme en tête avec 27,28% des votes (1165 voix), suivi par l'européiste LREM avec 22,69 % des préférences (969 voix), puis LR en troisième position (10,02%, 428 voix) et EELV (9,32%, 398 voix).
Mais la vraie gagnante des ces élections à Amilly semble être encore une fois l’abstention, bien que le taux de participation aux elections europénnes n'avait jamais été si haut en France depuis 1994. 49 % des Amillois ont préféré rester à la maison hier, contre 51,51% qui se sont rendus aux urnes, soit 4437 sur 8698 inscrits.
Ces résultats sont-ils surprenants dans une commune qui depuis 2005 organise tous les ans une fête consacrée aux valeurs européennes ?
"On se demande si on ne prêche pas dans le désert"
Pas vraiment, si l’on en croit les résultats des précédentes élections législatives et européennes. En 2014, le parti de Marine Le Pen remportait le scrutin avec 27,94 % des votes, tandis que la droite traditionnelle de l’UMP s’imposait en deuxième position avec 22,48 % des préférences.
"On peut effectivement s’inquiéter de l’implantation de l’extrême droite aux élections européennes à Amilly. Aujourd’hui je peux le dire, on se demande si on ne prêche pas dans le désert" se tourmente le maire sans étiquette Gérard Dupaty, aux manettes de la commune depuis trente ans.
Malgré son constant engagement pour promouvoir ce qu’il n’hésite pas à définir "les valeurs européennes", il doit reconnaître qu’aujourd’hui, l'élan européiste s’affaiblit dans sa commune : "C’est désolant. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour favoriser les échanges, mais le resultat n’a pas évolué", se désole le maire de la commune jumelée avec la ville allemande de Norwalde, de Vilanova del Cami (Espagne) et Calcinaia (Italie).
"On espérait que notre message passe"
Cette volonté du maire de propulser l’Union européenne dans la vie des Amillois ne se traduit pas forcement par l’expression d’un vote pro-européen. Aux législatives de 2017, Marine Le Pen avait encore une fois récolté la majorité des suffrages, juste devant François Fillon et Emmanuel Macron, qui avait fini par remporter le deuxième tour 61 % contre 38%.
Gérard Dupaty est tiraillé entre l’incompréhension et la déception : "Certes, ce n’est pas une surprise, mais on espérait que notre message passe, mais ça n’a pas été le cas", réfléchit celui qui analyse les résultats du scrutin de hier par un prisme national. "Le vote pour le RN est d’abord l’expression d’une colère sociale liée aux politiques nationales. Mais l’Europe n’est pas responsable de tout ce malaise", veut-il croire. Et de ne pas vouloir oublier son ambition européenne: "Tant que je serai maire, je continuerai à encourager le développement de l’esprit européen."