Avenir ou grand gâchis ? Trois questions sur les petits réacteurs nucléaires, adoubés par Emmanuel Macron

Le président de la République a promis d'investir 1 milliard d'euros d'ici à 2030 sur la technologie des petits réacteurs nucléaires. En Centre-Val de Loire, faut-il miser sur ce qui ressemble à une promesse radieuse, ou se méfier des belles paroles ?

Emmanuel Macron a enfin levé le voile ce mardi 12 octobre sur des financements pour développer les "petits réacteurs nucléaires", cette technologie qui, à contrepied du gargantuesque EPR, propose des réacteurs classiques mais en modèle réduit. Une technologie sur laquelle la France n'est pas en avance.

Le président de la République a promis un investissement d'un milliard d'euros dans l'énergie nucléaire d'ici 2030, pour développer des "technologies de rupture", notamment ces petits rédacteurs modulaires, ou SMR pour small modular reactors.

Un SMR, c'est quoi ?

Un petit réacteur nucléaire contient presque toutes ses promesses dans son nom : voilà un rédacteur format poche, dont la puissance ne dépasse pas les 300 mégawatts, contre plus de 1 000 MW pour les réacteurs nucléaires classiques. Ils sont modulables, conçus pour être fabriqués en série en usine puis transportés sur le lieu de leur exploitation. Théoriquement, leur installation reste relativement simple.

Ils ont la particularité d'aller dans le sens contraire de l'histoire officielle du nucléaire, qui prêche le toujours plus grand comme avec l'EPR de Flamanville et ses surcoûts, ou le passage à la fusion nucléaire, l'énergie qui fait briller les étoiles et qui permettrait de produire de l'électricité en plus grande quantité et sans déchet. Les SMR promettent, eux, un retour à de la fission traditionnelle, la même qu'à Bonneville, Dampierre et Saint-Laurent, mais à la taille du dessous.

A l'heure actuelle, seul un avant-projet de petit réacteur nucléaire baptisé "Nuward" est en cours de développement en France, et doit permettre la création d'un prototype à l'horizon 2030. Avec comme objectif final : l'export. Le pays affiche cependant du retard dans la course, défié par la concurrence étrangère. La Russie a ainsi déjà mis en service deux SMR flottants pour alimenter en électricité des zones reculées, et des démonstrateurs devraient voir bientôt le jour aux États-Unis et au Canada.

Pourquoi ça plaît ?

La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a estimé vendredi sur Europe 1 à 20% la croissance de la demande d'électricité d'ici 2025 et relevé qu'il n'y avait "pas le temps de construire une centrale nucléaire", poussant à trouver d'autres solutions. Ces SMR pourraient se rendre utiles en tant que "réacteurs d'appoint", assure Claude de Ganay, député Les Républicains du Loiret et ancien maire de Dampierre, où se trouve une des trois centrales nucléaires du Centre-Val de Loire. Une région "détentrice de savoir nucléaire", sur lequel il souhaite "investir".

Très favorable à l'atome de façon général, il estime que "du savoir-faire a été perdu à force de critiquer l'énergie nucléaire, et on dit aux jeunes ingénieurs brillants de ne pas s'y diriger parce qu'il n'y a pas d'avenir". Le député espère ainsi que ces connaissances seront ravivées par de nouveaux investissements, avec "des opportunités certaines de relancer complètement cette filière".

L'opportunité serait ainsi, selon lui, de placer rapidement la région comme un acteur industriel et théorique du développement des SMR voulu par le président de la République. Pas forcément pour fournir le Centre-Val de Loire lui-même d'ailleurs, mais pour envoyer de potentiels futurs petits réacteurs dans des pays en demande d'électricité. 

Faut-il s'en méfier ?

Car pour le moment, ces réacteurs ne sont bien qu'une vision d'avenir dans l'Hexagone, même si la technologie est déjà concrétisée en Russie. "C'est une très mauvaise idée de parier sur une technologie qui n'existe pas en France", assène Charles Fournier, élu Europe Ecologie-Les Verts et vice-président de la région chargé de la transition énergétique

Pour lui, investir sur les SMR est "une perte de temps, parce qu'on ne les aurait qu'en 2035". Alors que "ce sont les dix prochaines années qui vont être décisives et sur lesquelles il faut concentrer notre énergie pour la transition énergétique". Il regrette que le milliard promis par Emmanuel Macron au nucléaire n'aille pas "plutôt sur des projets de transition où on nous dit à chaque fois qu'il n'y a pas assez d'argent pour les réaliser" :

Dans le nucléaire, on nous annonce une solution révolutionnaire tous les 5 ans, comme l'EPR et la fusion, et à chaque fois c'est reculé. C'est du temps qu'on perd.

Charles Fournier, vice-président à la Transition énergétique de la région Centre-Val de Loire

Il estime également que ces réacteurs ont exactement les mêmes problèmes que les réacteurs classiques, à savoir "un problème de gestion des déchets radioactifs" et des risques industriel importants. Car là où les hérauts de la technologie soulignent des risques réduits en cas d'avarie ou de malveillance car la taille est moindre, Charles Fournier, lui, prophétise que, "puisqu'ils seront disséminés un peu partout sur le territoire, ça demandera des défis énormes de sécurité, et des risques plus importants face aux actes de malveillance".

L'élu du conseil régional vise plutôt une diminution de la consommation d'électricité de manière générale, de sorte à convertir peu à peu le nucléaire en renouvelable sans avoir besoin de produire plus pour combler les besoins du pays. "Il s'agit de rendre l'argent public efficace", plaide-t-il. Il assure d'ailleurs qu'il s'opposerait à la distribution de subventions à de potentielles futures entreprises qui souhaiteraient développer la technologie des SMR et en construire en Centre-Val de Loire.

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