Le groupe des députés LR qui a participé à la commission d'enquête juge le rapport biaisé et anti-filière nucléaire. La rapporteure du rapport s'en défend et le juge comme un instrument de débat.
Le rapport parlementaire sur le nucléaire n'a sans doute pas fini de faire des vagues. Récemment rendu public, il est le fruit du travail d'une commission d'enquête transpartisane sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.Si son président, Paul Christophe, juge que "la commission d'enquête n'est pas tombée dans le piège d'un débat pour ou contre le nucléaire", ce n'est pas le cas de certains de ses membres, et notamment le groupe Les Républicains.
Le député du Loiret Claude de Ganay a notamment fait diffuser ce 11 juillet un communiqué de presse, très critique vis-à-vis du document. Il le juge "biaisé" et le qualifie de "manoeuvre grossière" des anti-nucléaire.
Directement nommée : la rapporteure Barbara Pompili, ancienne vice-présidente du groupe écologique à l'Assemblée Nationale et aujourd'hui députée de la Somme sous l'étiquette LREM.
Deux poids, deux mesures ?
"Moi j'ai été fortement déçu : je considère que c'est un rapport à charge. Je dirais que l’ensemble des membres de cette commission ont fait preuve d’une certaine objectivité, voire d’une certaine neutralité. On a un compte rendu qui ne correspond pas à ce qu’on a entendu, ce n'est pas logique" attaque d'emblée le député, interrogé par France 3.
Pourtant, le rapport a été voté, c'est-à-dire approuvé par la commission d'enquête à 15 voix pour, 6 contre et 2 abstentions et ce à l'issue d'une dernière discussion qui figure en intégralité à la fin du document. On y retrouve d'ailleurs une intervention de Mr de Ganay allant dans ce même sens.
C. De Ganay (LR) indique un « certain malaise face à ce rapport et ses contradictions ». Un autre député LREM dit n’avoir lu qu’un tiers du rapport la veille au soir et demande davantage de temps.
— François Dos Santos (@frdossant) 6 juillet 2018
"On a recensé 697 lignes de citations pour les anti-nucléaires, dont 91 pour un seul expert, face à 188 de citations directes pour les opérateurs du nucléaire" poursuit le député du Loiret.
Une critique absurde pour Barbara Pompili, également contactée par notre rédaction. "Sur 43 auditions, 15 concernent des personnes d'une mouvance critique envers le nucléaire. Pourquoi les retranscriptions des "contre" sont-elles plus longues ? Mais parce qu'alerter, critiquer prend de la place. Pour le reste, on nous disait : "Tout va bien". Quand on posait plus de questions, on tombait parfois sur le secret défense. Certaines auditions étaient rassurantes, nous l'avons indiqué, que peut-on dire de plus ? Cela me paraît logique...." expose-t-elle.
Toutes les auditions sont par ailleurs intégralement retranscrites - exceptées celles réalisées à huis clos - en fin du rapport qui, pour Barbara Pompili, "a été voté parce qu'il a été jugé utile au débat."
Accusé de vouloir tuer le nucléaire
Mais Claude de Ganay, au-delà d'un déséquilibre, y voit une réelle attaque contre la filière nucléaire. "Ça travaille pour déstabiliser une filière, en l’obligeant à débourser beaucoup plus d’argent pour la sûreté, en démontrant que ça n’est pas sûr. De cette manière, on arrive à un seuil de dépenses qui va permettre de dire : vous voyez, on disait que le nucléaire est bon marché et ce n’est pas vrai, donc il faut arrêter le nucléaire. C’est une manœuvre habile, mais qui n’est pas intellectuellement honnête."
Un argument qui agace la députée Pompili. "La question du pour et du contre le nucléaire est utilisée par des gens qui veulent détourner le débat, pour ne pas parler de ce qui est pointé sur le fond. Plutôt que de dire : "mais cette personne est contre le nucléaire", je préférerais qu'on regarde ensemble les failles, et comment y répondre. Ça me paraît beaucoup plus constructif. Où est le problème de poser un certain nombre de débats ? On pourrait débattre de tout, mais pas du nucléaire ?"
.@christophe_p :"Le rapport dit que le risque zéro n'existe pas, il retranscrit exactement ce qui a été dit pendant les auditions (...) il permet de réintroduire le débat autour du nucléaire" #CVR #LCP #SuretéNucléaire pic.twitter.com/xyogP2Krtd
— LCP (@LCP) 5 juillet 2018
Pourtant tout deux sont d'accord : le nucléaire, quel que soit le chemin qu'il prenne à l'avenir, est implanté sur notre territoire pour encore un long moment.
"On doit débattre sur l’avenir du nucléaire, on est tous conscients qu’on va vers un mix énergétique, on n’est pas des obsédés ! Il faut travailler sur les énergies d’avenir, mais aujourd’hui on n’en est pas là", juge Claude de Ganay.
Barbara Pompili, elle, se veut pragmatique : "Que l'on soit pour, ou contre le nucléaire, nous avons encore des centrales, des installations, et des transports de matière sur notre territoire pour des décennies. Si là, maintenant, aujourd'hui, le gouvernement décide d'une sortie d'une nucléaire, ça ne peut se faire que sur un horizon de 25 à 30 ans."
Si chacun estime être l'oeil raisonnable sur la situation, leurs conclusions en revanche diffèrent : pour le député LR du Loiret, ce rapport accuse ; pour la députée LREM de la Somme, il pose des questions.
Les préconisations font consensus
Un point rassurant pour tout le monde, députés comme population, les propositions du rapport, qui visent à renforcer la sûreté au sein des centrales font consensus ou presque.Ainsi, sur la question particulièrement délicate de la sous-traitance dans les centrales, Claude de Ganay s'estime globalement "d'accord". "Je pense qu’il y a énormément d’efforts à faire avec les sous-traitants, peut-être qu’il y a un problème de statuts, de reconnaissance. Le débat existe depuis que le nucléaire existe : certaines opérations de maintenance sont réalisées par des sous-traitants, mais qui sont extrêmement compétents ! Je suis d’accord qu’on ait plus de transparence, qu’on puisse mieux les protéger du contact de la radioactivité, qu’ils soient aussi bien contrôlés que les agents EDF…."
"La rédaction du rapport est une chose, les préconisations en sont une autre " conclut l'élu.
Quant à Barbara Pompili, elle a hâte de voir s'éteindre la polémique. "Que ce soit Pierre, Paul ou Jacques qui l'ait rédigé, on s'en fiche. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on regarde ce qui est marqué dedans. Ce sont des faits, ce sont des déclarations sous serment. Et par ailleurs, l'IRSN, qui est un organisme scientifique, et avec qui nous avons travaillé, a estimé que le rapport était très riche. Voilà."