Les députés ont adopté, ce lundi 4 décembre, une proposition de loi visant à limiter les contentieux entre nouveaux installés en campagne et agriculteurs déjà présents.
"C'est une proposition de bon sens." Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, avait presque l'air de s'ennuyer dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce 4 décembre, tant ce qui était discuté lui paraissait naturel. Y était présentée une proposition de loi, portée par la députée Renaissance Nicole Le Peih, visant à "adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels".
Les premiers seront les premiers
Plus concrètement, le texte souhaite inscrire dans la loi des principes restés jusque-là définis par la jurisprudence, et laissés à l'appréciation du juge lorsqu'il était en charge d'un dossier du genre. En l'occurrence, ce que le texte appelle un "trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage", plus simplement les troubles anormaux de voisinage. Pour résumer, "nul ne doit causer à autrui" un tel trouble, où "seule importe la démonstration d'un fait dommageable" et "excessif", a précisé le garde des Sceaux.
La loi sur les troubles anormaux du voisinage de @NicoleLePeih a été adoptée à l’@AssembleeNat.
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) December 5, 2023
C’etait un texte attendu par le monde agricole et nous sommes au rendez-vous de nos obligations : celles d’améliorer la vie de nos compatriotes. pic.twitter.com/xImZW3kY9J
Encore plus concrètement, au-delà de fixer un grand principe, la proposition de loi, et de manière très assumée, vise les néoruraux qui, une fois installée à la campagne, attaquent en justice le propriétaire d'un coq qui chante le matin ou un agriculteur qui passe sa moissonneuse-batteuse près de là.
Le texte prévoit ainsi qu'un trouble anormal de voisinage ne peut pas être caractérisé s'il provient d'activités "qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal". Pour résumer, si le trouble est le résultat d'une activité légale (industrielle, artisanale, commerciale, agricole...), était déjà là avant et ne s'empire pas, il n'est tout simplement pas anormal. De quoi compléter la loi de 2021, qui créait la notion de patrimoine sensoriel des campagnes françaises.
Un "droit de polluer" ?
Dans l'hémicycle, la proposition de loi a été adoptée par 78 voix pour, contre 12 voix opposées au texte. Ce dernier a notamment été soutenu par les groupes de la majorité, mais aussi par Les Républicains, le Parti communiste, le Parti socialiste et le Rassemblement national.
Seule La France insoumise a voté contre, tandis que les écologistes se sont abstenus. "Ce texte ne doit pas offrir un droit à polluer aux industriels et aux gros exploitants", a ainsi plaidé la députée EELV Sandrine Rousseau à l'Assemblée.
La parlementaire a également fait part de ses réserves quant aux personnes qui n'auraient plus "la possibilité de trouver les moyens d'un recours". Car le texte, qui vise avant tout les néoruraux, peut aussi s'appliquer aux personnes choisissant de s'installer dans un appartement au-dessus d'un bar en ville, et qui resterait ouvert une bonne patrie de la nuit. Mais, selon Sandrine Rousseau, "les personnes les plus pauvres sont les plus soumises aux nuisances sonores, on choisit rarement d'habiter à côté du périphérique ou près d'une gare".
Après son vote à l'Assemblée, le texte va désormais passer entre les mains des sénateurs.