Radicalisme islamique dans le sport : fantasme extrapolé ou réalité menaçante ?

Le débat sur la lutte contre la radicalisation islamiste a refait surface depuis l'assassinat de Samuel Paty. Le député du Cher, François Cormier-Bouligeon, s'est engagé contre l'intégrisme dans le milieu du sport. Un fait régulièrement dénoncé, mais sur lequel les données manquent.

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Depuis l'assassinat de Samuel Paty par un islamiste tchétchène de 18 ans à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre, le débat sur le radicalisme religieux a fait son retour en force dans la sphère politique ou sur les réseaux sociaux, alors même que le gouvernement est en pleine préparation de son projet de loi contre le "séparatisme"

Certains ont notamment pointé du doigt le monde du sport. L'assassin du professeur d'histoire avait en effet été licencié dans un club de lutte de la région toulousaine, club soupçonné de rapprochement avec la mouvance islamique radicale.

Dans un reportage de France 2, daté de 2018, une adhérante témoigne : "Le président du club m’a dit : 'Quand quelqu’un relève ton tee-shirt quand tu luttes, on voit ton ventre, on voit ta peau, il y a des gens que ça dérange ici.' Petit à petit, [les responsables du club] nous ont demandé de mettre des tee-shirts de moins en moins échancrés avec des pulls ras du cou."

Un phénomène généralisé ou un cas isolé ? Un sujet d'inquiétude tout du moins, à en croire le député LREM du Cher François Cormier-Bouligeon :

Plusieurs terroristes étaient adhérents et actifs dans des clubs de sports, c'est le signal le plus fort. Un signal faible mais alertant, c'est que la pratique a été modifiée dans les clubs et les associations sportives.

François Cormier-Bouligeon, député LREM du Cher

Le sport, fondement du vivre-ensemble

Avec la sénatrice Françoise Gatel, le député du Cher a rendu en 2019, au Premier ministre d'alors Edouard Philippe, un rapport sur le sport pour tous, pour lequel il a "réalisé un tour de France des bonnes pratiques". Un tour de France durant lequel il affirme avoir constaté que "des comportements avaient changé. Ca peut aller de la prière avant et après un entrainement, jusqu'au refus de prendre sa douche nu avec des jeunes d'autres religions.

Ce qu'il interprète comme une défaite des valeurs sportives et de la mission sociale de la pratique. "Le sport construit autant le corps physique que le corps social. On construit le rapport à l'autre et à la société, on alimente le vivre-ensemble", estime-t-il. D'autant qu'il ne reste, selon lui, "que peu d'endroits où on forge du commun en France depuis la raréfaction de la vie de village. Pour les jeunes, il reste l'école et le sport."

Selon un rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation daté de juin 2019 et rendu par les députés Eric Diard et Eric Poulliat, "le nombre d’individus inscrits au [Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste] et faisant l’objet d’un suivi actif, et pour lesquels une pratique sportive est identifiée, serait d’un peu moins de mille" sur les presque 13 000 fiches actives recensées. Dont des encadrants et des sportifs de haut niveau. Ce qui ne signifie pas pour autant que le milieu sportif sert au prosélytisme. 
 

Des données précises difficiles à obtenir

Au-delà de ces données, le rapport reconnait que "la radicalisation" est "difficile à quantifier" dans le sport. Selon le texte, ce manque d'informations découle de "la difficulté pour les services de renseignement à pénétrer ce milieu", alors que "les remontées d'informations de la part des fédération et des clubs paraissent également faibles".

Antonio Teixeira, président de la Ligue du Centre Val-de-Loire de football, affirme par exemple "ne pas avoir connaissance" de cas d'intégrisme dans les clubs de foot de la région, alors même que "nos équipes techniques sont souvent présentes dans les clubs" et seraient donc en mesure de constater de tels phénomènes.

Même constat par Mustapha Ettaouzani, président de l'Union des Associations Musulmanes de l'Orléanais. "Je ne dis pas que je suis un grand sportif, mais je n'ai jamais observé sur Orléans des formes de radicalisation par le sport", témoigne-t-il, considérant qu'"avoir une lecture avec le prisme du fait religieux sur tout le quotidien" est dangereux.
 

Sensibilisation et formation des éducateurs

"De tout temps, les garçons un peu pudiques prenaient leurs douches avec leur caleçon, estime-t-il. Et on ne mettait pas d'étiquette sur eux." Pour lui, la priorité pour lutter contre la radicalisation est de "chercher ensemble les premiers signes" et "d'institutionnaliser l'Islam". 

Du côté de la Ligue du Centre Val-de-Loire de football, "on reste attentifs" à la potentielle émergence de cas de radicalisation au sein des licenciés ou des encadrants. La Ligue - dont "la priorité est le vivre-ensemble", note Antonio Teixeira - milite pour que tous les éducateurs aient un diplôme, après une formation et une sensibilisation contre tous types de violences et discriminations, avec un rappel des valeurs laïques. 
 
François Cormier-Bouligeon ambitionne quant à lui un doublement des crédits alloués à la lutte contre les violences (sexuelles, homophobes, discriminantes, etc.) dans le sport, doublement qu'il espère faire inscrire dans la deuxième partie du projet de loi de finances 2021.

Sur tous les fronts, le député du Cher souhaite également "entamer des auditions d'experts universitaires, des présidents de fédérations et de clubs" en vue de la loi contre le "séparatisme". Selon le gouvernement, le texte devrait arriver à maturation et être promulgué d'ici fin 2021.
 
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