Taxe d'habitation : les départements en colère dénoncent "une promesse électoraliste d'Emmanuel Macron, mal préparée"

Au moment même où l'Assemblée nationale adoptait la réforme de la taxe d'habitation, les départements ont rejeté avec force vendredi le dispositif de compensation mis en place par le gouvernement et dénoncé un "monologue gouvernemental" sur le sujet.
 

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L’Assemblée nationale a validé, vendredi 18 octobre, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des ménages en 2020, et 100 % en 2023, en assortissant la mesure de gestes envers les collectivités qui vont perdre cette ressource. C'est la réforme des finances locales la plus profonde depuis la suppression de la taxe professionnelle il y a dix ans. 

Réunis en congrès à Bourges, les présidents de conseils départementaux ont massivement quitté la salle, en guise de protestation, durant le discours de la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault, venue défendre le projet gouvernemental.


Plusieurs dizaines d'entre eux ont entonné La Marseillaise dans le hall du centre des congrès, estimant que le gouvernement ne répondait pas à leurs préoccupations. En l'absence du Premier ministre Edouard Philippe -pas invité à ce congrès que l'Assemblée des départements de France (ADF) avait promis très offensif-, Mme Gourault a défendu un schéma de compensation "juste et adapté aux besoins des collectivités".

"Certains présidents de Conseil départemental préfèrent quitter la salle. Et parmi eux... tous ceux qui ont soutenu avant 2017 la loi NOTRE, la baisse des dotations aux collectivités territoriales et même le projet de suppression des départements" a raillé le député du Cher François Cormier-Bouligeon sur Twitter. 


"5 milliards € de pouvoir d’achat rendus aux Français"

La suppression de la taxe d'habitation est "un engagement de campagne" d'Emmanuel Macron, a-t-elle rappelé :

Le président de la République a tenu sa parole pour les Français, vous ne pouvez pas lui reprocher d'avoir tenu parole.

La suppression de cette taxe doit être compensée par le transfert aux communes de la part de la taxe sur le foncier bâti (TFB), jusque-là la principale ressource fiscale des départements pour 14,5 milliards d'euros par an, ces derniers recevant en compensation une part de TVA. "Aujourd'hui le dialogue est un peu rompu", a déclaré à l'AFP le président du Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine Jean-Luc Chenut (PS). "Ce qui est incompréhensible, c'est qu'on supprime la taxe d'habitation perçue par les communes. On nous dit la TVA est une bonne compensation, alors pourquoi ne pas compenser la taxe d'habitation des communes en leur donnant de la TVA à elles ?", fait-il valoir.
 

Un appel à plus de décentralisation

Si la majorité a soutenu la suppression de la taxe d'habitation (TH), Droite et Gauche se sont prononcées contre. La suppression de la TH est "une promesse électoraliste du président, mal préparée", qui va entraîner "une rupture entre le citoyen et sa commune", a dénoncé Christine Pirès-Beaune (PS). Eric Woerth (LR) a accusé le gouvernement de "nationaliser les impôts locaux". 

Au-delà du dispositif de départ, le gouvernement s'était engagé à attribuer dès 2021 aux départements "une fraction de TVA supplémentaire, d'un montant de 250 millions d'euros" et un amendement en ce sens a été adopté à l'Assemblée. Mais ce montant a été jugé "très insuffisant" par les départements "au regard des dépenses engagées pour le compte de l'Etat "qui s'élèvent à 11 milliards d'euros (9 milliards pour les Allocations individuelles de Solidarité et 2 milliards pour les MNA)", les migrants mineurs non accompagnés. 

Côté gouvernement, on souligne au contraire le dynamisme de la TVA, qui gagne environ 3% par an, et doit permettre aux départements de disposer des recettes nécessaires pour assurer leurs missions. "Que l'on soit riche ou pauvre, que la dynamique foncière soit importante ou faible, chaque département verra progresser de la même manière ses ressources chaque année" a déclaré Jacqueline Gourault.
Conclusion des élus de l'ADF dans leur motion finale: "la concertation proclamée urbi et orbi s'est résumée à un monologue gouvernemental". Le dispositif de compensation nie selon eux "totalement le principe fondamental d'autonomie financière" des collectivités et les privant de leur pouvoir de taux.
Le gouvernement peine également à convaincre les élus sur la future étape de décentralisation annoncée par l'exécutif pour 2020. "La France crève d'un excès de centralisation", a asséné le président de l'ADF, Dominique Bussereau, qui a "conjuré" le gouvernement de ne pas décevoir les attentes des collectivités.
Ces dernières -Régions, communes, départements- affichent leur unité sur le sujet et la décentralisation sera au coeur du Congrès de l'Association des maires de France (AMF), du 20 au 22 novembre à Paris, devant lequel Emmanuel Macron est cette fois attendu.
 
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