Le député Loïc Kervran, élu pour la première fois en 2017, a annoncé ce vendredi 18 décembre sa décision de quitter le mouvement présidentiel pour rejoindre Agir ensemble, groupe de centre-droite composé de politiques "Macron-compatible".
Nouvelle défection au sein des rangs de La République en Marche. Le député du Cher Loïc Kervran a annoncé ce vendredi 18 décembre qu'il quittait le parti et le groupe politique de la majorité. Un parti qu'il continue d'appeler, dans son message d'adieux, un "mouvement", comme incrédule devant "l'institutionnalisation de LREM".
Alors, pour celui qui avait accédé aux bancs de l'Assemblée nationale pour la première fois en 2017, la désillusion est grande :
En Marche a été mon premier engagement en politique, pour le dépassement des clivages partisans que le mouvement offrait. Aujourd'hui, je tire les conséquences de son institutionnalisation. En devenant un parti, il en a adopté les travers.
Et en premier lieu, "l'esprit partisan, qui implique trop souvent de défendre tout ce qui vient de son camp". Une logique clanique qui empêcherait les voix dissonantes de s'exprimer. En mai dernier, la députée du Bas-Rhin Martine Wonner avait été exclue du parti pour avoir refusé de voter le plan de déconfinement présenté par Edouard Philippe, alors encore Premier ministre.
40 députés de moins qu'en 2017
Depuis les législatives de 2017, le groupe LREM a, entre départs volontaires et exclusions pour dissidence, perdu plus de 40 membres. Et avec eux, la majorité absolue à l'Assemblée (que le parti présidentiel conserve grâce à ses alliés du groupe MoDem notamment).
C'est dans ce contexte que le député du Cher avoue avoir mûri sa décision pendant plusieurs mois, le temps de voir "s'il était possible de changer les choses de l'intérieur". Et s'il assure qu'aucune goutte d'eau n'a fait déborder un vase déjà bien rempli, plusieurs exemples ont ajouté de l'eau à son moulin.
Notamment "l'affaire Blanquer, assez emblématique". Médiapart et Libération avaient révélé, au cours du mois de novembre, que l'association "chouchoute" du ministre de l'Education nationale dilapidait les subventions qui lui étaient allouées, en plus de servir les intérêts du ministère tout en se déclarant apolitique.
"Il n'est pas anormal qu'il y ait des opinions différentes"
Des enquêtes journalistiques menées par "les méthodes des fascistes", avaient alors jugé une trentaine de parlementaires LREM, dont le député d'Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, dans une tribune publiée sur Atlantico.
"Une classe politique qui se respecterait et respecterait les journalistes se grandirait", avait réagi Loïc Kervran sur Twitter, à total contre-courant de son camp. Avant d'enfoncer le clou : "mon rôle de parlementaire est de contrôler l’action du gouvernement, pas de défendre un ministre en affaiblissant la démocratie".
Thread #AvenirLyceen
— Loic Kervran (@LoicKervran18) November 24, 2020
Sur la #forme. Rien ne sert de traiter ses opposants politiques ou les journalistes qui font leur travail d’enquête de « fascistes ». Une classe politique qui se respecterait et respecterait les journalistes se grandirait. C’est aussi cela la #République 1/5
"Il n'est pas anormal qu'il y ait des opinions différentes", assène aujourd'hui le député, qui a refusé de voter la polémique loi de sécurité globale portée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, "à cause de l'article 24 notamment".
Historiquement, l'Assemblée nationale regroupe des députés qui font remonter à Paris les problèmes des territoires. Le parti, c'est la logique inverse : Paris dit ce qui est bien ou pas, et on doit en faire la promotion dans les territoires.
Oublier l'étiquette
Alors, par cet affranchissement de LREM, Loïc Kervran espère retrouver une part d'indépendance, influencé par son expérience de conseiller municipal dans le petit village d'Orcenais. "Dans les petites communes, on ne regarde pas l'étiquette", afirme-t-il.
Pour cette raison, le député ne souhaite pas s'encarter chez la concurrence, et assure même conserver "de l'admiration et de la fidélité pour Emmanuel Macron", qu'il considère comme un "chef d'Etat exceptionnel". En revanche, pour faciliter son travail parlementaire, il a décidé de rejoindre le groupe Agir à l'Assemblée.
Ancré centre-droit et considéré comme faisant partie de la majorité, Agir compte notamment dans ses rangs des ex-LR "Macron-compatibles". Mais "il y a aussi d'anciens LREM passés par le parti socialiste", rappelle Loïc Kervran, déterminé à dépasser clivages partisans et cases politiques.
Le groupe Agir ne pèse pas très lourd dans le débat public. Mais pour le député du Cher, ce nouveau départ devrait lui permettre "de porter encore plus les attentes de ma circonscription" : "Quand le Premier ministre reçoit le groupe LREM, il a 270 personnes face à lui. Alors que quand il reçoit Agir, il a 20 députés, donc c'est plus facile de se faire écouter."