Expulsé par erreur en Afrique malgré sa bi-nationalité franco-ivoirienne, Patrick est forcé de vivre depuis 6 mois en Côte d'Ivoire

Patrick Loret-Decroix a été expulsé vers Abidjan le 4 mai 2024, sous le coup d'une OQTF, obligation de quitter le territoire français. Son avocate, Julie Dallois-Ségura avait pourtant découvert qu'il possédait la double nationalité franco-ivoirienne, mais cet habitant du Cher est toujours coincé dans un pays dans lequel il n'a pas grandi.

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"Il ne s'adapte pas, il est tout le temps malade". Ce sont les premiers mots de Julie Dallois-Segura, l'avocate de Patrick Loret-Decroix, spécialisée dans le droit des étrangers et basée à Vierzon. Patrick Loret-Decroix est à Abidjan et vit chez une cousine éloignée depuis maintenant six mois. En mai 2024, il a été expulsé vers la Côte d'Ivoire, un pays où il est né, mais où il n'a quasiment jamais vécu. L'imbroglio judiciaire démarre avec une histoire d'amour qui a mal tourné. En juillet 2023, il est incarcéré à la prison du Bordiot, à Bourges, suite à une condamnation pour des violences intrafamiliales. Au cours de l'audience devant le tribunal correctionnel du Cher, on lui notifie son obligation de quitter le territoire, une OQTF qu'il a seulement 48h pour contester. À ce moment-là, Patrick Loret-Decroix a un titre de séjour expiré qu'il n'a pas pu renouveler à cause du Covid, malgré ses demandes de rendez-vous en Préfecture. Il purge ensuite une peine de prison, bien que sa compagne ait depuis retiré sa plainte et le soutien aujourd'hui dans ses démarches.

Il découvre être français en détention

C'est au parloir lors de sa détention que Julie Dallois-Ségura, son avocate, écoute pour la première fois son histoire. Lorsque Patrick Loret-Decroix lui confie être né d'une mère Ivorienne et d'un père français, l'avocate comprend alors que son client est français par filiation. "Il a été surpris. Il n'avait jamais entendu quelqu'un venant du droit le lui dire aussi formellement. Il avait toujours fonctionné avec des titres de séjours valables dix ans, sans se poser la question de ses papiers français". Arrivé en France à l'âge de 7 ans, Patrick Loret-Decroix avait pourtant fait toute sa vie en France, où il vivait depuis 40 ans. En CDI chez un concessionnaire automobile, il a deux enfants nés sur le territoire français. Julie Dallois-Ségura lance alors une demande de certificat de nationalité française, mais se rend très vite compte que l'OQTF ordonné en juillet 2023, ne pourra plus faire l'objet d'un recours. "Il a tenté de contester dans le délais de 48h après son audience, mais la personne à qui il a confié le courrier n'a jamais fait la démarche". Malgré les tentatives de l'avocate pour alerter la préfecture, rien n'y fait. "Je leur ai dit qu'ils allaient expulser un français, mais ils ont fait fi du Code civil en me rétorquant que sans ses papiers, je n'avais aucune preuve", raconte Julie Dallois-Segura. À sa sortie de détention, une escorte attendait Patrick Loret-Decroix. Contrairement à ce que son avocate espérait, il n'a pas été placé en centre de rétention, mais directement dans un avion pour Abidjan. "Les Officiers de police judiciaire lui ont conseillé de résister s'il ne voulait pas monter dans l'avion. Ce qu'il a fait. Les membres de la PAF (police aux frontières) l'ont tabassé. Il s'est fait casser des côtes, des dents, ils l'ont plaqué au sol, marché dessus… Ils l'ont traité de babouin et de vendeur de bananes… Y'a un grave problème", s'indigne Julie Dallois-Segura. "Il est arrivé dans ce pays sans être vacciné donc il a attrapé une forme de paludisme. Il est hébergé par une cousine éloignée et partage un 30m² avec 4 autres personnes".

L'espoir du certificat de nationalité

Médiatisée au moment des faits, l'affaire n'a pas manqué de faire réagir. "On m'a beaucoup rétorqué après la parution des articles et reportages qu'il avait été condamné pour violences conjugales. Et que donc implicitement, c'est de bonne guerre qu'il soit renvoyé en Côte d'Ivoire. On voit bien là la dangerosité de ce type de discours ! Il a purgé sa peine et puis encore une fois, il est français ". Aujourd'hui, sans certificat de nationalité française, Patrick Loret-Decroix est sous le coup d'une interdiction du territoire d'une durée de trois ans. Son avocate se heurte à la lenteur de l'administration française pour obtenir le fameux sésame. De son côté, Patrick Loret-Decroix regrette amèrement de ne pas avoir demandé sa carte d'identité française plus tôt. "En Côte d'Ivoire, c'est comme si j'étais un migrant. Mon CDI en France a été suspendu. Ici, il n'y a pas de travail et les salaires proposés équivalent à 70€ en France". Patrick Loret-Decroix souffre aussi d'être séparé de sa famille. "Mon fils à seulement deux ans. Ma fille de 20 ans pleure tous les jours en me demandant "tu reviens quand Papa"… Ma maman commence à avoir des problèmes de santé… Ce qu'ils m'ont fait est incompréhensible. C'est la première fois que j'ai eu un acte de violence avec ma copine, un échange de coups sans que cela n'aille loin et on m'a jeté en prison puis renvoyé ici alors que je n'ai aucune attache familiale". Les dossiers comme celui de Patrick Loret-Decroix, sur des OQTF lancés par la Préfecture du Cher, s'empilent sur le bureau de Julie Dallois-Segura. Quant à son client, il se dit en souffrance psychologique. "Je mets tous mes espoirs dans ce certificat".

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