Après une année 2020 difficile, les problèmes du secteur de la restauration ne se sont pas arrêtés. Malgré les solutions de la livraison ou les clientèles autorisées par dérogation, comme les routiers, le couvre-feu pèse comme une chape de plomb.
Depuis bientôt un an, c'est le même refrain pour le monde de la restauration : fermer, réouvrir timidement, fermer encore, réouvrir un peu. Peu de temps après la fin du second confinement, le couvre-feu est entré en vigueur, d'abord dans plusieurs départements, dont le Cher, puis au niveau national. A l'heure actuelle, et sans savoir quand ils pourront réouvrir pour de bon, les restaurateurs doivent s'en tenir strictement à la livraison (ou au "click and collect"), à la restauration collective en régie et sous contrat, et aux professionnels du transport routier ou, dans certains cas, du bâtiment.
"Depuis le début, je suis persuadé, en suivant la logique de ce gouvernement, qu’on n’ouvrira pas avant le printemps", craint Jerry Gras, propriétaire du restaurant "Paul & Juliette" à Orléans et délégué de la branche restauration au sein de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie du Loiret (UMIH). Or, explique-t-il, "Si on a des investissements à faire, si on doit se réorganiser, il faut qu’on ait une date : ça change tout. Je peux comprendre que la situation soit compliquée, parce qu’ils n’arrivent pas à savoir. Mais qu’on arrête les sauts de puce."
Ça a quoi comme sens de fermer à 18h ? Soit-disant éviter que les gens se croisent ? On sait plus sur quel pied danser. Pour l'instant on croise les doigts et on continue de toucher les aides. Mais après, qui va payer tout ça ? Ça va repartir comment ?
Cette situation tendue n'empêche pas un peu d'optimisme pour Sandrine Ferrand, restauratrice ét gérante du "Rhinocéros" à Saint-Laurent-Nouans dans le Loir-et-Cher et présidente régionale de l'UMIH. "On gagne du terrain petit pas à petit pas" estime-t-elle, espérant "une légère relance" pour les restaurateurs grâce à la parcelle d'activité qui leur est permise. Pour elle comme pour son collègue orléanais, la seule solution pérenne passe par un retour le retour au travail souhaité par les restaurateurs. Car en attendant, les solutions de la livraison ou du "click and collect" (jusqu'à 18h) ne suffisent pas pour tout le monde.
La livraison, "pas le même métier"
"Pour certains ça fonctionne parce qu’ils ont un emplacement, et une méthodologie", tranche Jerry Gras. "Pour d’autres, dans des rues piétonnes par exemple, ça ne fonctionne pas très bien." Lui, par exemple, ne fait "pas du tout d'emporté". "La viande et le poisson, tout est fondé sur la cuisson. Les légumes et tout ça, une fois réchauffé c’est fini. Je suis le premier à me faire livrer des pizzas, mais ce n'est pas le même type de restauration. Chaque restaurant est différent."
"Ça varie énormément d'un établissement à l'autre, tout dépend des services de livraisons", confirme Sandrine Ferrand. A la campagne en particulier, le système du click and collect n'est que très peu adopté, et les entreprises dédiées à la livraison quasiment absentes. Selon elle, le système du click and collect ne représente guère plus que 10 à 20% des recettes normales pour ceux qui s'en tirent le mieux. "Quand on fait les comptes des salariés que vous faites venir, les charges, ça ne couvre pas tout."
Des conséquences à long terme
En attendant une hypothétique réouverture des restaurants, le secteur touche des aides nationales et régionales. Outre les prêts garantis par l'État, certains restaurateurs peuvent également faire appel au fonds "Renaissance" mis en place par la région Centre-Val de Loire. Pour certains, ces aides "couvrent bien" les lacunes financières, "pour d'autres moyennement, et d'autres encore moins bien", estime Sandrine Ferrand.
La faute, comme le précise Jerry Gras, à système de forfait qui ne permet pas une bonne répartition. "Un resto qui est à dix mille euros de frais fixes, il touche dix mille euros, et les propriétaires ne peuvent pas se servir de salaire. Un restaurant qui a entre trois et quatre mille euros de frais va quand même toucher dix mille. Il aurait été très très simple de dire à tout le monde, on calcule la marge et on rembourse la perte d’exploitation."
Mais ces aides financières masquent les conséquences à long terme de la crise sur le secteur. Il y a d'abord les conséquences morales et psychologiques, que tous les restaurateurs citent mais qui vont être difficiles à mesurer. Et il y a les conséquences sur la formation et l'avenir du métier. Privés d'entreprise, les apprentis ont du mal à dénicher des moyens de s'entraîner avec des professionnels malgré la mise en place de stages entre octobre et décembre. "Le lien social, la motivation des jeunes vont mal", craint la présidente régionale de l'UMIH.