Même si le nombre d'IVG est en hausse constante, l'accès à ce droit fondamental est à relativiser selon votre classe sociale, ou le lieu où vous vivez.
En 1975, des millions de françaises recevaient enfin le droit d'avorter autrement qu'avec un cintre. Portée par Simone Veil, la loi ne fera pourtant pas taire ceux qui refusent aux femmes le contrôle de leur corps. Il faudra d'ailleurs instaurer en 1993 un délit spécifique d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Où en est-on 44 ans après ? Il y a eu 217 536 avortements réalisés en 2019 en France continentale. "Le taux de recours est à son niveau le plus élevé depuis 1990 et atteint 15,6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans en métropole" estime la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES). Sa nouvelle étude sur l'IVG basée sur les données 2019, dirigée par Annick Vilain, est l'occasion de faire le point sur ce droit fondamental encore très contesté.
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En France, un accès toujours inégal à l'IVG
La nouveauté de l'étude est l'établissement d'un lien entre avortement et niveau de vie, jamais étudié auparavant. La DREES a en effet pu avoir accès à une nouvelle base de donnée comprenant enquêtes de recensement, fichiers fiscaux ou électoraux. Stockées dans un serveur sécurisé, l'outil baptisé EDP Santé "offre la possibilité d’observer et d’analyser les différences de prévalence de pathologies et de leur prise en charge selon les caractéristiques socio-économiques" illustre la DREES.
Appliqué à la problématique de l'IVG, ce croisement de données a permis d'établir ce constat : "les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les plus aisées.". Plus précisément, les femmes faisant partie des 10% de la population qui ont le plus faible revenu ont 40% de chances supplémentaires de devoir recourir à un IVG par rapport aux femmes ayant un niveau de vie médian. "Elles n'ont pas accès à un médecin et n'ont pas accès aux soins. Donc encore moins à une contraception qui leur convienne", regrette Marianne Niosi, présidente de la fédération Île-de-France du Planning familial, interviewée par France Info.
Hausse des avortements en 2019 : "Quelle que soit la personne qui essaie d'avorter, c'est de plus en plus compliqué", déplore le Planning familial en Île-de-Francehttps://t.co/K8uf9c95Hl pic.twitter.com/EOgl4qLp9L
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Plus d'IVG, moins de mineures : le Centre-Val de Loire dans la moyenne
Si l'on s'intéresse au chiffre brut, la région Centre-Val de Loire est celle où l'on a réalisé le moins d'IVG : 7 128, soit à peine 3% des IVG réalisées en France sur l'année. Mais, rapporté au nombre d'habitants, le taux de recours est de 14.3. Bien plus, par exemple, que la Bretagne ou les Pays de la Loire.
Bien sûr, tous les départements ne sont pas logés à la même enseigne. Depuis 2017, c'est l'Eure-et-Loir qui est premier sur le taux d'IVG avec 16.3. En 2019, 1408 avortements ont été pratiqués dans le département. Comme pour le reste de la France, la pratique est en constante augmentation. Les données publiées en open data par la DREES permettent une comparaison avec l'année 2016. Chez nous, la hausse la plus importante a eu lieu entre 2017 et 2018, avec 416 avortements supplémentaires dans ce laps de temps.
La part des femmes mineures sur l'ensemble des IVG réalisées, elle, ne cesse en revanche de baisser, comme pour le reste de la France. Selon la DREES, "les campagnes de prévention sur la contraception et rôle de la pilule du lendemain qui s’est beaucoup diffusée" sont sans doute en partie responsables de cet état de fait, "mais nous n’avons aucune certitude", ajoute l'organisme de statistiques. En Centre-Val de Loire, la part des mineures concernées par un IVG est passée à 3.9%, contre 4.5% en 2018.
Médicamenteuse ou instrumentale : à chaque département sa méthode
En Centre-Val de Loire, on privilégie l'IVG médicamenteuse, qui depuis 2016 peut être pratiquée par des sage-femmes. Un peu plus de 50% des avortements dans notre région sont le résultat d'une petite pilule. Mais chaque département joue ses spécificités. En Eure-et-Loir, 539 femmes ont été accueillies pour leur IVG dans un cabinet libéral. Loin devant le Loir-et-Cher, par exemple, où à peine 35 patientes ont fait ce choix.
Dans le Loiret, ce sont les centres de santé ou de planification qui ont été plus sollicités que chez les voisins : 110 IVG ont été pratiqués dans ces centres. Dans le reste du département, ce chiffre stagne entre 1 et 11. Pas étonnant : selon la liste des structures pratiquant des IVG mise en ligne par la région, le Loiret est le seul département où est recensé un centre du planning familial.
En Indre-et-Loire, c'est la méthode instrumentale qui a été choisie par 791 femmes, contre 460 IVG médicamenteuses. Une donnée qui pourrait s'expliquer par un dépistage plus tardif des grossesses. En effet, les IVG instrumentales peuvent être pratiquées jusqu'à 14 semaines à partir de la date des dernières règles, contre maximum 9 semaines pour l'IVG médicamenteuse.
Avorter ailleurs, l'effet des déserts médicaux
9.2% des femmes du Centre-Val de Loire partent pratiquer leur avortement en dehors de la région. C'est le plus haut chiffre à travers la France et de loin : derrière, la Bourgogne-France Comté plafonne à 6.1%. Dans le lot, ce sont les Indriennes qui sont manifestement le plus à plaindre. En 2019, plus de 19% d'entre elles sont sorties de leur département pour avorter ailleurs, comme 17% des habitants du Cher, ou encore 15.3% des résidentes du Loir-et-Cher.
Un chiffre en augmentation dans ces trois départements, qui est à lier à l'offre de soin en Centre-Val de Loire. La région reste celle qui a la plus faible densité médicale de France. "Il y a de véritables déserts médicaux qui se sont développés en France (...) Pour des soins très simples comme une IVG, les femmes doivent se déplacer énormément", déplore Marianne Niosi.