Dans un rapport, le ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriuculture livrent leurs prescriptions pour mettre fin à l'engrillagement de la Sologne.
C'est un problème qui se posait déjà en 1991. Cette année-là, le syndicat mixte de la Sologne évoque formellement le problème des clôtures1, un phénomène que l'on appelle aujourd'hui "engrillagement". Les clôtures, relèvent le syndicat "constituent un problème envers la circulation du grand gibier ; enlaidissent le paysage et nuisent à l’image de la Sologne et son développement touristique", entre autres.
1 Source : rapport ministériel "L'engrillagement en Sologne, synthèse des effets et propositions"
Pourtant, près de 30 ans plus tard, force est de constater que l'alerte n'a rien donné. Raymond Louis, de l'association Les amis des chemins de Sologne, le constatait encore en août 2018, devant des grilles posées à même le sol d'un chemin communal. "On voit ça couramment sur cette propriété. On va aller voir plus loin, mais en se méfiant (...). On pourrait des fois prendre une balle, parce que de l'instant où ils mettent ça, ils se servent du chemin de commune comme allée de tir".
La chasse, le nerf de la guerre
Car c'est bien le coeur du problème : la chasse. Avec ses 100 000 km2 , la Sologne est une terre historique pour les chasseurs. A tel point que les propriéraires terriens mettent en place des clôtures dans le but de piéger les animaux. Plus de 3000km de grillage ont poussé partout dans la région, surtout posés par des grands patrons du CAC40. Pas facile de s'attaquer à ce nid de pouvoir et de conflits d'intérêts2.
2 Source : La Sologne engrillagée - enquête de Corinne Banrosa, Pierre-Dominique Lepais, Céline Girardeau. Documentaire ci-dessus.
Mais le gouvernement a décidé d'intervenir. Dans un rapport, présenté le 4 décembre, les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture viennent en renfort du préfet de la région. Le document aborde la question de l'engrillagement comme une "atteinte à l'identité de la Sologne".
Les auteurs balaient également l'argument du droit de propriété. "Contrairement à ce qui peut parfois être allégué, le droit de se clore n'est pas un droit absolu. Les principes et les modalités de la clôture ne sont pas à la discrétion du propriétaire." Certaines clôtures, estiment les ministères, "constituent un abus de droit touchant aux libertés fondamentales."
Un coup au porte-monnaie
Alors, les autorités tapent cette fois du poing sur la table. Le rapport de Dominique Stevens et Michel Reffay formule un ensemble de recommandations destinées à couper l'herbe sous le pied des chasseurs les moins scrupuleux.
- Interdire toute introduction de grand gibier dans l’espace naturel
- Etendre le droit commun de la chasse à l’ensemble des territoires chassés, y compris les enclos
- Permettre aux agents habilités de contrôler tout l’espace naturel, y compris les enclos
- Interdire toute forme d’agrainage ou d’affouragement en tout lieu de l’espace naturel (techniques visant à attirer les animaux à un endroit donné avec des graines et des baies, ndlr)
- Interdire la chasse dans les enclos hermétiques
- Raffermir la lutte contre les poses illégales de grillages, notamment les nasses à gibier
- Rendre obligatoire, dans le schéma régional d’aménagement du territoire, les conditions de construction des clôtures, en imposant notamment leur déclaration préalable
- Augmenter la fiscalité foncière et immobilière dans les espaces hermétiquement engrillagés
- Créer un label "Chasse naturelle de Sologne"
En frappant dans le porte-monnaie, ces mesures se veulent très dissuasives. L'interdiction de la chasse dans les espaces hérmétiques était d'ailleurs une mesure souhaitée par le réalisateur et fervent défenseur de la Sologne Nicolas Vanier. Interrogé par la République du Centre, le 15 novembre, il estimait qu'il s'agissait là de "la solution la plus efficace, testée avec un immense succès en Wallonie".