Promis par Jean Castex, le plan d'aides aux agriculteurs après l'épisode de gel d'avril, chiffré à un milliard d'euros tout pile, a été dévoilé par le ministère de l'Agriculture ce 23 juin. Au programme : année blanche de cotisations, compensation des pertes et chômage partiel... entre autres.
Un milliard d'euros pour trois jours. Début avril, un épisode de gel avait ravagé les débuts de récoltes un peu partout en France. Bourgeons d'arbres fruitiers, pieds de vignes, grandes cultures... Rien n'a résisté aux températures négatives, atteignant ponctuellement les -7 degrés.
Selon le ministère de l'Agriculture, les dégâts à l'échelle nationale sont considérables, notamment du côté des arbres fruitiers. La production 2021 a ainsi chuté de 42% pour les nectarines, 43% pour les abricots et même 62% pour les cerises. Du côté des vignes, il faudra attendre les déclarations de récoltes le 10 décembre prochain pour obtenir des chiffres officiels, mais le ministère table sur une perte de 30%. Entre 20 et 30 000 hectares de grandes cultures ont également dû être ressemés, avec des pertes de rendement à la clé.
Pour faire face à la situation, le Premier ministre Jean Castex avait promis une enveloppe exceptionnelle d'un milliard d'euros pour venir en aide à la filière agricole. Ce mercredi 23 juin, le détail de ce plan a été présenté en conseil des ministres, et se divise en trois grands axes : la réponse à l'urgence, la compensation des pertes tout au long de l'année, et l'investissement dans la résilience à l'avenir.
1. Réponse à l'urgence
Ce volet, c'est celui qu'on connaissait globlement déjà. Il se divise en deux moitiés assez peu égales. Dans un premier temps, le gouvernement a déployé un fonds d'urgence de 20 millions d'euros, dédié aux entreprises agricoles dont la trésorerie ne suffira pas pour survivre. A ce stade, 8,7 millions ont déjà été dépensés, et le ministère promet que 14 millions d'euros auront été distribués à 5 400 agriculteurs d'ici à la fin juillet.
Deuxième moitié de l'enveloppe : une année blanche de cotisations sociales, qui devrait notamment concerner près de 30 000 viticulteurs, chiffrée à 170 millions d'euros délégués à la mutualité sociale agricole. Le taux de perte prévisionnelle des agriculteurs dirigera cette prise en charge des cotisations :
- jusqu'à 3 800 € pour des pertes de 20 % à 40 %
- jusqu'à 5 000 € pour des pertes de 40 % à 60 %
- jusqu'à 15 000 € pour des pertes supérieures à 60 %
Sont également prévues des exhonérations de taxes sur le foncier non bati, par dégrèvement dès la fin de l’été avant l’émission des avis d’imposition dans les départements les plus touchés. Le gouvernement signale également que 25 millions d'euros ont été versés depuis avril à 280 agriculteurs sous forme de prêts garantis par l'Etat, et que 1 600 demandes de chômage partiel, concernant 4 500 salariés, ont été déposés.
2. Compensation des pertes
C'est la partie la plus lourde du plan gel. Elle prévoit notamment un surcoût pour l'Etat de 130 millions d'euros, en déplafonnant le système de calamités agricoles qui prend en charge 40% des pertes, le passant à 500 millions d'euros. Le seuil de pertes pour toucher ces aides est notamment abaissé de 13 à 11%. Par ailleurs, les arboriculteurs dont les pertes prévisionnelles dépassent les 70% peuvent d'ores et déjà toucher des avances sur ces soldes.
Pour les autres systèmes de culture, les versements s'étaleront à partir de l'automne pour les grandes cultures, et au premier trimestre 2022 pour la viticulture, le temps de faire un bilan précis des pertes.
La compensation des pertes se fera aussi pour les entreprises de l'aval de la production, c'est-à-dire les entreprises agroalimentaires et les coopératives notamment. Si leur production dépend à 70% de zones touchées par le gel, elles recevront une aide de 50% de la perte, par rapport à une année de référence. Ce volet est arbitré à 150 millions d'euros.
Une part encore non-chiffrée doit également venir en aide aux agriculteurs assurés, via des compléments d'assurance. Objectif du gouvernement : que les non-assurés ne soient pas mieux indemnisés que les assurés, et encourager la souscription d'une assurance par les agriculteurs. Le budget global arbitré pour le moment pour le plan gel laisse environ 80 millions d'euros, qui seront dédiés totalement ou en partie à cette aide aux assurés. La décision devrait intervenir après délibérations inter-ministérielles.
3. Inverstir pour l'avenir
L'objectif affiché par le ministère est de miser sur la résilience des cultures françaises, face au dérèglement climatique. Il souligne ainsi que 81 départements ont été victimes de phénomènes de gel récurrents depuis dix ans, et que presque tous les autres en ont connu des ponctuels. Le plan gel prévoit un doublement de l'enveloppe "aléas climatiques", intégrée au plan de relance. Cette "aide à l’investissement dans le matériel pour faire face aux principaux aléas climatiques", comme le gel ou la sécheresse, devrait passer de 100 à 200 millions d'euros.
Communiqué ? | Présentation du « Plan #Gel » : les dispositifs de soutien aux agriculteurs et entreprises des secteurs agricoles et viticoles précisés en Conseil des ministres ⤵ https://t.co/s01OJj7IBI
— Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (@Agri_Gouv) June 23, 2021
Par ailleurs, le gouvernement promet deux réformes structurelles, dont le but sera une réponse plus rapide des pouvoirs publics après de telles catastrophes climatiques. La première devrait revoir les modalités du fonctionnement du régime de calamités agricoles, et est actuellement en discussion au sein du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Parmi les propositions évoquées, on compte le pré-zonage des territoires à risques au niveau national, l’harmonisation des barèmes au niveau régional, l'abaissement du seuil d'éligibilité et la hausse du taux d'indemnisation.
La deuxième réforme, qui pourrait voir le jour à partir de 2023, pourrait entraîner une refonte complète de la procédure et du fonctionnement de l’assurance récolte.