Romain Bilquez, infirmier en service de réanimation dans une unité Covid-19, est un passionné d’échecs, membre du club de Chartres et tout jeune papa. Le weekend du 2 et 3 mai, il a participé à un tournoi d’échecs caritatif de 24 heures organisé pour la Fondation de France, et a fini 2e.
Les deuxièmes sur un classement sont parfois les premiers humainement. C’est le cas de Romain Bilquez, 34 ans. Cet infirmier en réanimation travaille dans une clinique des Yvelines, et depuis le début de la crise sanitaire, dans une unité Covid-19.
Il se souvient d’ailleurs du premier jour : "le service s’est rempli en 24 heures à partir du moment où on a eu l’autorisation de prendre des patients Covid. On est passés de 11 lits de réanimation à 20. Il y a un côté vraiment impressionnant, le fait que tout le monde soit en tenue, avec le masque de protection, avec la réorganisation."
Malgré toutes les précautions prises, plusieurs réanimateurs et urgentistes contractent d’ailleurs le virus. "Un urgentiste l’a eu et est décédé. Il était retraité depuis le mois de septembre et est revenu aider dans le cadre de cette pandémie."
Sa femme doit bientôt accoucher
A ce moment-là, la principale angoisse de Romain est d’être à son tour contaminé, car sa femme est enceinte de leur premier enfant et elle doit bientôt accoucher."On a limité au maximum les contacts à partir du moment où elle était dans le dernier trimestre de grossesse", raconte-t-il. "C’était bonjour de loin. Je me lavais sur le lieu de travail avant de partir, je revenais à la maison et je reprenais une douche."
Sa femme donne naissance le 22 mars à un petit Jules. "Par chance j’ai pu assister à l’accouchement", se réjouit Romain. Car c’est arrivé le dernier jour où la présence du conjoint en salle de travail était autorisée.
"C’était compliqué pour ma femme, la maternité était interdite aux visites, même au conjoint les quatre jours où elle était hospitalisée, explique-t-il. Avec la fatigue accumulée et le bébé, ce n’était pas évident, d’autant que les sages-femmes ne prenaient plus les nouveau-nés, même momentanément, à cause du virus."
Les échecs pour décompresser
Alors que sa compagne rentre chez eux, Romain doit continuer son travail quelques jours en attendant de prendre son congé paternité. Pendant ses permanences de 12 heures où il a interdiction comme tout personnel soignant de sortir de l’unité Covid, il a trouvé une façon bien à lui de décompresser pendant la crise : les échecs."Sur le téléphone, il y a plusieurs sites sur lesquels on joue : chess24.com, lichess.org, où il y a des joueurs du monde entier, et comme je travaille de nuit, je peux même à 3h du matin faire des parties", explique-t-il.C’est ma passion depuis toujours, cela fait 25 ans que j’y joue.
"Cela permet vraiment de couper, de penser à autre chose, analyse-t-il. C’est une fatigue psychologique qui est plaisante, parce qu’on prend du plaisir à jouer nos parties, c’est avant tout un moment de détente."
"Mettons le virus échec et mat"
Quelques jours plus tard, Romain s’apprête à prendre son congé paternité : "A partir du moment où j’ai fait ma dernière nuit, comme je savais que j’allais être en contact avec mon bébé, j’ai fait en sorte d’être testé pour être sûr de ne pas être positif. C’est bien tombé car c’était au moment de l’élargissement des dépistages", se souvient-il.Pendant son congé, Romain s’occupe de son bébé et fait en sorte de soulager au maximum sa femme. Mais les échecs ne sont jamais loin. Membre du club de Nogent-le-Roi, puis de celui de Chartres depuis trois ans, il décide de participer le weekend du 2 et 3 mai dernier à un tournoi en ligne de 24 heures. Un tournoi au nom éloquent : "Mettons le virus échec et mat".
Il s’agit en effet d’un marathon caritatif où les joueurs doivent enchaîner et gagner le maximum de parties. En parallèle, des animateurs commentent et appellent les spectateurs en ligne à faire des dons pour la Fondation de France.
"Une heure de pause pour le biberon"
Le tournoi a débuté le samedi 2 mai à 15h pour se finir le dimanche à la même heure. "Sur les 24 heures, j’ai dû faire une heure de pause pour donner le biberon, et ma femme pouvait continuer à se reposer", se souvient Romain. Sans dormir, il a enchaîné 221 parties.Il a terminé 2e sur 2.984 participants, et remporté un lot : un accès à des exercices et cours en ligne pour progresser : "Je pense que je vais l’offrir à une connaissance".
Sa mobilisation et celle des joueurs d’échecs ont permis de récolter 9.733 euros. Des dons peuvent encore être réalisés en ligne sur le site de la Fondation de France jusqu’au 10 mai.
Romain a encore quelques jours pour profiter pleinement de son bébé et de cette nouvelle vie à trois, avant de reprendre le travail mi-mai.