Chartres : une chercheuse se bat pour la libération de sa collègue franco-iranienne, Fariba Adelkhah emprisonnée en Iran

La Chartraine Sandrine Perrot fait partie des chercheurs qui se battent depuis plus d’un an et demi pour la libération d’une anthropologue franco-iranienne, Fariba Adelkhah. Le compagnon de cette dernière a été libéré il y a près d’un an, le 20 mars 2020.

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"Très joyeuse, toujours pleine de vie, à faire une plaisanterie quand elle nous croise... C’est une figure très attentive aux autres, elle est dans le partage". La femme décrite, c’est Fariba Adelkhah, une anthropologue franco-iranienne réputée, détenue en Iran depuis juin 2019.

Celle qui en brosse le portrait, c’est Sandrine Perrot. Native de Chartres et habitant toujours l’agglomération chartraine, cette spécialiste en sciences politiques a travaillé sur les groupes armés puis sur la question du vote en Ouganda.

Depuis 2007, elle fait partie de la cinquantaine de chercheurs du centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI). C’est là qu’elle a côtoyé Fariba et son conjoint Roland Marchal.

Elle décrit ses collègues comme des personnes "marquantes" et "inspirantes" : "Ce sont des gens qui sont vraiment dévoués à leurs recherches". La Chartraine partage avec eux le goût du terrain : "C'est notre lien entre Fariba, Roland et les autres chercheurs du CERI, c’est vraiment notre marque de fabrique".

"On pensait qu'ils étaient morts"

Un terrain qui s’est pourtant révélé dangereux pour l’anthropologue franco-iranienne. Alors qu’elle vit la moitié du temps en Iran, elle est arrêtée Téhéran le 5 juin 2019. Venu lui rendre visite, son compagnon est également incarcéré.

Sandrine se rappelle de la "forte inquiétude" à cause de l’incertitude dans laquelle elle et ses collègues étaient plongés. "Cela a été long pour savoir qu’ils avaient été arrêtés. Au début, on pensait même qu’ils étaient morts. Cela a été encore plus long pour savoir pourquoi ils avaient été arrêtés. Ensuite il y a eu tout un travail pour qu’il puisse avoir accès à un avocat", enumère-t-elle.

Pourquoi Fariba Adelkhah a-t-elle été arrêtée ? A l’époque les autorités iraniennes avaient accusé la chercheuse "d’espionnage", "d’atteinte à l’ordre public", de "propagande contre le système" et de "complot contre la sûreté nationale".

Si les deux premiers chefs d’accusation ont été levés six mois plus tard, les deux derniers ont été maintenus, et l’universitaire a même été condamnée par la suite à cinq ans de prison.

"On n'est pas des têtes brûlées"

S’attendait-elle à être emprisonnée ? Difficile à dire pour Sandrine. "Elle faisait ses recherches depuis plusieurs mois quand elle s’est fait arrêter. Peut-on s’attendre à ça ? Je ne sais pas. On est toujours surpris de cet arbitraire qui nous tombe dessus alors qu’on fait notre travail. "

Elle balaye en tout cas toute prise de risque de la part de Fariba : "C’est une chercheuse expérimentée, une des meilleures spécialistes de l’Iran, elle est bi-nationale".

Et d’ajouter que "les chercheurs connaissent bien leur terrain, leurs limites, les endroits où il faut aller accompagné. On n’est pas des têtes brûlées, on arrive à jauger les risques que l’on peut encourir."

"Ce ne sont pas des espions"

La Chartraine et ses collègues se sont très rapidement mobilisés pour demander la libération du couple d’universitaires et ont créé un comité de soutien. Le plus difficile était "de savoir comme être utile sans nuire, car la situation était complexe, ils étaient au centre d’enjeux nationaux et internationaux qui les dépassaient complètement", se souvient-elle.

En plus des manifestations, séminaires et revues pour informer et sensibiliser sur la situation de Fariba et Roland, le comité a tenu à faire connaître leurs recherches.

"On les a emprisonnés à cause de leurs travaux, et nous voulions montrer que ce ne sont pas des espions ni des gens qui font de la politique, mais bien de vrais chercheurs", insiste Sandrine.

C’était pour montrer l’absurdité de ce qui leur est reproché, pour revendiquer la nécessaire liberté académique et le respect de cette liberté dans n’importe quel régime, en Iran ou ailleurs.

Sandrine Perrot

La Chartraine dépeint Fariba comme "extrêmement ancrée sur son terrain et dévouée à sa recherche". A ce titre, elle a d’ailleurs obtenu en décembre dernier le prix Irène Joliot-Curie dans la catégorie "femme scientifique de l’année", pour l'ensemble de ses travaux de recherche en anthropologie et science politique. Ce prix est destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie en France.

Plus de 650 jours de détention

Si Roland Marchal a été libéré il y a près d’un an (le 20 mars 2020) dans le cadre d’un échange de prisonniers, Fariba est toujours détenue dans le cadre d'une assignation à résidence, comme le rappelle ce tweet. 

Triste anniversaire : Fariba Adelkhah a été arrêtée il y a 650 jours. Fariba, tu nous manques et nous continuerons à nous battre pour ta libération inconditionnelle.

Sandrine et ses collègues continuent de se mobiliser pour soutenir au jour le jour l'anthropologue franco-iranienne : "On a organisé une chaîne de solidarité, en postant au moins un message par jour sur le site en espérant qu’elle puisse les lire. On essaye aussi de marquer les temps forts de sa vie quotidienne, par des vidéos, des écrits, des cartes… On veut lui montrer qu’on restera là jusqu’à ce qu’elle soit libérée."

Mais la chercheuse chartraine n’est pas très optimiste dans l'immédiat : "Tous les recours judiciaires sont épuisés. La seule chose qui pourrait arriver, c’est une grâce. Comme elle est devenue un cas très politique, la possibilité reste réduite." 

Même si l'élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis a apaisé les tensions, pour elle, rien ne pourra se passer avant l’élection présidentielle en Iran prévue en juin prochain.

Rappel des faits

5 juin 2019 : arrestation à Téhéran de Fariba Adelkhah et de son compagnon Roland Marchal, spécialiste réputé de l'Afrique venu lui rendre visite.

20 mars 2020 : Roland Marchal est libéré après neuf mois de détention, dans le cadre d’un échange de prisonniers.

16 mai 2020 : l’anthropologue est condamnée à cinq ans de prison pour "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale" et "propagande contre le système" politique de la République islamique d’Iran.

3 octobre 2020 : la Franco-Iranienne quitte la prison d’Evin et est assignée à résidence avec port d’un bracelet électronique. Sous surveillance, elle ne peut pas sortir à plus de 300 mètres de sa maison.

Décembre 2020 : le prix Irène Joliot-Curie 2020 - catégorie "femme scientifique de l’année" est décerné à Farida Adelkhah pour l'ensemble de ses travaux.

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