"Femme scientifique de l'année" : la chercheuse Fariba Adelkhah, ancienne étudiante à Strasbourg, distinguée

Retenue contre son gré en Iran depuis juin 2019, l’anthropologue Fariba Adelkhah, diplômée de l’Université de Strasbourg et directrice de recherche à Sciences Po Paris, vient de recevoir le prix Irène Joliot-Curie dans la catégorie « femme scientifique de l’année ».

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Il est destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie en France. Le prix Irène Joliot-Curie a été attribué en décembre dernier à la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah pour l'ensemble de ses travaux de recherche en anthropologie et science politique. Une récompense qu’elle n’a pas pu commenter, ni dans les médias ni auprès de ses pairs. Interdite de prise de parole publique, cela fait 600 jours qu’elle est retenue en Iran, contre son gré.

"Elle ne peut pas se déplacer au-delà de 300 mètres de son domicile. Elle ne peut pas non plus recevoir de visite. Elle ne peut voir que sa famille la plus proche", raconte Hugues Dreyssé. Le directeur du jardin des sciences de l’Université de Strasbourg côtoie la chercheuse depuis qu’elle est arrivée en France dans les années 70.

"Elle venait directement de Téhéran d’une famille de la classe moyenne. Elle avait une attirance intellectuelle pour la France. A Strasbourg elle a d’abord suivi des cours de langues et elle y a obtenu une maîtrise d’ethnologie", poursuit-il.

 

 

Aujourd’hui, lui comme d’autres n’ont plus aucun contact avec celle qui est devenue directrice de recherche à Sciences Po. Arrêtée en juin 2019 dans son pays d’origine, elle est sous le coup d’une peine de prison de cinq ans pour "propagande contre le système" et "collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale", qu’elle effectue depuis le 3 octobre assignée à résidence, sous contrôle d’un bracelet électronique. Son compagnon Roland Marchal, spécialiste réputé de l'Afrique arrêté également en juin 2019 alors qu'il était venu lui rendre visite, a été libéré en mars 2020 dans le cadre d'un échange de prisonniers.

"C’est une femme d’une volonté extraordinaire. Elle est devenue une chercheuse reconnue au niveau international. Maintenant, enfermée dans sa demeure, elle a repris des cours d’arabe, elle traduit en persan ses publications. Elle a aussi une activité artistico-scientifique de collage de bois, entamée en prison, puisque c’est tout ce qu’elle pouvait y faire. Elle crée des œuvres qui exprime son point de vue sur la société".

Une chercheuse hors-normes

Loin de n’être qu’un symbole de soutien à la spécialiste de l'anthropologie politique de l'Iran post-révolutionnaire, ce prix, qui s'accompagne d'une enveloppe de 40.000 euros, est avant tout la reconnaissance d’une "femme de terrain", "dont la vocation et l’œuvre cherche à vous faire comprendre une société", avance à son tour le professeur Jean François Bayart, Président du comité de soutien à Fariba Adelkhah. "Elle a beaucoup travaillé en ne cessant de faire des enquêtes de terrain en Iran, mais également en Afghanistan. Elle s’est imposée comme une voix originale et indépendante."

"Elle a passé plusieurs mois au centre de l’Afghanistan, dans des conditions de vie très difficile pour étudier la situation des femmes Hazaras, une minorité chiite dont elle voulait étudier la relation avec la religion", cite en exemple Hugues Dreyssé.

Un engagement mené "avec une éthique extrêmement forte, chevillée au corps", qui a de quoi "particulièrement irriter les mollahs les plus conservateurs". D’autant plus que "l’anthropologie permet de mettre à jour des choses que certains ne voudrait pas voir".

Travailleuse pugnace, femme indépendante, mais aussi probablement monnaie d’échange vis-à-vis des autorités françaises, le cas de Feriba Adelkhah n’est pas "un cas unique" dans la communauté scientifique.

Les chercheurs de plus en plus malmenés

La médiatisation de sa récente récompense permet de révéler une situation de travail "qui se dégrade" pour les chercheurs en sciences sociales, dont la pression est grandissante sur les terrains de conflit.

"Aller sur des zones tels que l’Iran, sachant que vous n’êtes pas bien vu par le régime, c’est prendre des risques pour sa sécurité", reprend Hugues Dreyssé. "C’est de plus en plus difficile. Il y a une entrave de plus en plus grande mise sur eux. Au Moyen-Orient, notamment, mais aussi en Russie". En témoigne le cas d’un autre chercheur. Celui de l’irano-suédois Ahmadreza Djalali sur le point d’être exécuté en Iran, accusé d’espionnage au profit d’Israël, emprisonné depuis 2016.

Le comité de soutien à Fariba Adelkhah a réitéré son soutien à ces autres "prisonniers scientifiques",
notamment Ahmedreza Djallali. Il a également cité le cas d'Osman Kavala, né en France et figure respectée de
la société civile en Turquie détenu depuis octobre 2017 dans ce pays, dont une cour a invalidé l'acquittement vendredi après sa condamnation pour avoir soutenu des manifestations en 2013. 

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