ENTRETIEN. Amendement "anti-squatteurs" : pour Guillaume Kasbarian, "il faut être ferme sur la propriété privée"

Un amendement accélérant la procédure d'expulsion des squatteurs a été adopté à l'unanimité en commission le 16 septembre dans le cadre du projet de loi ASAP. Pourtant, alors que le nombre de sans-abris augmente plus vite que les efforts du gouvernement pour les reloger, la décision pose question.

Guillaume Kasbarian, député d'Eure-et-Loir, est le rapporteur du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), qui porte sur l'accélération d'un certain nombre de procédures administratives dans des domaines aussi variés que l'industrie, l'obtention du permis de conduire ou le droit au logement.

Le 16 septembre dernier, les députés ont adopté en commission et à l'unanimité un amendement proposé par l'élu eurélien, qui devrait permettre une éviction plus rapide des personnes occupant illégalement un logement secondaire ou occasionnel. Conçu pour "protéger la propriété privée" des Français, cet amendement intervient pourtant à une période où le mal-logement, pourtant une priorité du gouvernement, ne cesse de s'aggraver.
 
  • En tant que rapporteur de la loi ASAP, cet amendement "anti-squatteurs" vous tenait à coeur ?
Oui, notamment parce que je suis sensible à toutes les affaires qui se succèdent depuis des années sur le sujet. On voit des personnes qui ont économisé toute leur vie pour se payer un appartement ou une maison secondaire, voire même parfois principale, et se retrouvent embourbés dans des procédures judiciaires et dans l’incapacité de récupérer leur bien parce que des squatteurs ont décidé d’occuper les lieux, considèrent que le droit les protège, et les mettent devant le fait accompli. Ce sont des manœuvres complétement scandaleuses !

En Eure-et-Loir on a beaucoup de gens qui ont des résidences secondaires qui sont des petites maisons, sur des petits terrains, dans la vallée de l’Eure ou dans le Perche, et qui sont concernés. On a creusé le sujet et je me suis rendu compte que cela pouvait rentrer dans le projet de loi que je porte sur l’accélération et la simplification de l’action publique. Il s’agit de la protection des propriétaires et des locataires de ces résidences, j’ai senti qu’il y avait une urgence et ça aurait été regrettable de parler de simplification et de ne pas aborder ce sujet.
   
  • Qu’est-ce qui semblait coincer dans la loi actuelle ?
La réalité, c’est que la loi n’est pas précise sur sa définition de qui peut bénéficier d’une procédure accélérée pour récupérer son bien immobilier. Le plus souvent ça excluait la résidence secondaire. On a aussi regardé la procédure administrative, qui dans les faits ne donnait pas une obligation au préfet de vous répondre, et qui ne donnait pas de délai d’action pour mettre fin à l’occupation illégale.

Si la loi est votée ce sera très simple. En tant que propriétaire ou locataire, après avoir fait constaté l'occupation de votre logement et porté plainte, vous saisissez le préfet, qui va avoir 48 heures pour vous répondre et décider si vous êtes bien dans une situation d’urgence qui nécessite l’intervention de la force publique.

 
Il déclenche donc une mise en demeure des squatteurs qui leur est transmise et qui est publiée en mairie, ce qui leur donne a minima 24 heures pour partir, mais ça peut être plusieurs jours en fonction de circonstances particulières. Si au bout de ces 24 heures les squatteurs ne sont pas partis, le préfet doit alors saisir la force publique pour mettre fin à l’occupation illégale des lieux. Donc entre le moment où vous avez constaté que votre maison est occupée et le moment où les squatteurs partent, si les choses sont bien faites en trois jours les personnes sont parties.
 

Il faut être très ferme sur les principes du respect du droit à la propriété privée, et en même temps mener une politique sociale qui fait du logement social et protège



Après, si vous ne rentrez pas dans les conditions de cette procédure accélérée, ça ne veut pas dire que vous n’êtes pas dans votre bon droit, mais il faudra suivre le parcours judiciaire classique, qui lui prendra sans doute plusieurs mois. Mais la procédure pénale n’est pas l’objet du projet de loi. Ici, il s’agit d’une procédure d’exception qui se concentre sur des cas où il est nécessaire d’expulser rapidement pour vous éviter d’être en dehors de chez vous pendant des semaines ou des mois. Un terrain agricole, un bâtiment de bureaux occupés ou une ruine ne rentre pas dans cette procédure accélérée.
   
  • En 2017 la majorité a annoncé faire du mal-logement une priorité. Est-ce qu'il est opportun de faciliter l'expulsion de squatteurs, qui autrement sont à la rue ?
On peut faire les deux ! On peut tout à fait être être ferme sur le principe constitutionnel de la propriété privée, protégé par la Déclaration des droits de l’homme et qui fonde notre société. Le jour où vous avez le sentiment que vous pouvez piquer la propriété de votre voisin, et qu’il n’y a plus d’Etat régalien qui assure le respect de la propriété privée, on en arrive à se faire justice soi-même. On a eu des retours de certains maires qui s’inquiétaient de voir des milices émerger contre les squatteurs.

Il faut être très ferme sur les principes du respect du droit à la propriété privée, et en même temps mener une politique sociale qui fait du logement social et protège. Il y a des logements à loyer modérés et des dispositifs d’hébergement d’urgence. Le gouvernement a sorti 150 000 SDF de la rue depuis trois ans !
  

C’est pas la villa de Bernard Arnault que vous voyez squattée !

 
  • Mais étant données les circonstances, est-ce que vous n'avez pas l'impression d'être en décalage avec les attentes des Français ?
Non. Je pense que les gens sont très attachés au principe de propriété, et par ailleurs cette procédure s’applique aussi aux locataires. Et les gens qui ont des résidences secondaires c’est pas nécessairement des gens qui roulent sur l’or.

Les affaires que vous voyez passer, ce ne sont pas des logements  de milliardaires qui sont occupées, c’est pas la villa de Bernard Arnault que vous voyez squattée. Ce sont généralement des petits apparts, de petites maisons, qui proviennent du travail d’une vie, ou parfois d’un patrimoine. Quelqu’un qui a une petite maison dans le Perche ou dans la vallée de l’Eure pour venir se reposer le week-end ce n’est pas nécessairement des gens qui roulent sur l’or !


Prochaine étape du projet de loi : l'amendement doit être soumis au vote des députés de l'Assemblée nationale le 28 septembre prochain.
 
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