Le confinement lié à la crise du coronavirus a entraîné une forte baisse de la pollution sonore, au point que Pascal Dhuicq, un habitant d'Eure-et-Loir, président d’une association dédiée aux sons de la nature, a pu réaliser près d’une centaine d’heures d’enregistrement.
Pendant le confinement se sont multipliées les vidéos d’animaux se baladant dans les villes comme des canards, des renards ou des daims. Mais ils ont aussi su se faire à nouveau entendre. C’est ce qu’a noté Pascal Dhuicq. Cet habitant de Saint-Piat, membre actif d’Eure-et-Loir Nature, a commencé à enregistrer les bruits de la nature au début des années 90. Il propose de les écouter sur son blog MémoTopic, et préside aujourd’hui l’association Sonatura, une revue sonore dont la vocation est la découverte des sons de la nature.
Pendant le confinement "il était possible de réaliser des enregistrements impossibles à réaliser avant", assure-t-il. En se référant aux études réalisées par Bruitparif, un centre d'évaluation du bruit en Ile-de-France, il estime que la pollution sonore a baissé de 60 à 90%, avec la diminution importante de la circulation routière mais aussi ferroviaire et aérienne.
Pendant le confinement, il y avait le même type de fond de sonore qu’on a un dimanche matin à l’aube.
100 heures d'enregistrement
Pascal a donc pu s'en donner à coeur joie, et réaliser des enregistrements de la nature quasi quotidiennement sur de longues périodes sans que ceux-ci ne soient parasités par un avion qui survole la zone ou un camion qui passe : "J'ai dû atteindre la centaine d’heures d'enregistrement au total alors qu’un mois de mars ou avril normal, je peux à peine enregistrer une dizaine d'heures."Et il n'a pas eu besoin d'aller très loin de chez lui pour entendre différemment les animaux. Il prend l'exemple d'un oiseau, le rouge-queue à front blanc. "Il s'adapte au bruit ambiant en ville, explique le passionné de nature. Il fait partie des espèces qui se placent 'plus haut' (en fréquences et en altitude) pour se faire entendre. Pendant le confinement, il chantait dans le noyer ou les haies du jardin." Une fois que le chantier a redémarré à côté de chez Pascal, l'oiseau s'est placé sur des arbres plus grands.En cas de difficulté de lecture, vous pouvez écouter le son en cliquant ici.
"Je n'en avais jamais entendu"
Au début du confinement, il a également été sollicité par des membres d’Eure-et-Loir Nature au sujet des hiboux moyens-ducs mâles. "C'est un oiseau qui a un chant très sourd, très étouffé, très doux mais à peine audible en temps normal, même dans une nuit calme. Dans notre environnement assourdissant, dans la vallée de l’Eure, on n’entend pas ces hiboux.""En début de confinement, j'en ai entendu moi-même à trois endroits, alors que je n'en avais jamais entendu, poursuit Pascal. D'autres habitants m'en ont aussi parlé. D’un coup, on a entendu plein de hiboux mâles le soir, et donc on est capable de repérer les lieux de reproduction."En cas de problème de lecture, vous pouvez écouter le son en cliquant ici. Il sera disponible dans le prochain numéro de Sonatura, dont le thème sera le confinement.
Une meilleure reproduction pour les crapauds
Autre espèce qui était en fin de période de reproduction au début du confinement : le crapaud commun. "Les crapauds ont un chant très doux, très calme, c'est un petit gloussement qui porte peu", analyse-t-il.En plus d'être écrasés par les voitures quand ils traversent les routes au moment de la reproduction, ces animaux voient leur saison des amours perturbée par le bruit de la circulation. "Les crapauds se réunissent près des mares, ils gloussent ensemble, pas très fort, décrit Pascal. Dans une nuit calme, cela permet aux autres de se diriger et de trouver leur lieu de reproduction. Mais quand une route couvre ce phénomène acoustique, cela diminue la capacité des crapauds à converger vers ce lieu."
Ces animaux ont donc pu mieux s'orienter vers les mares de reproduction grâce à la baisse de la pollution sonore due au confinement.En cas de difficulté de lecture, vous pouvez retrouver le son en cliquant ici.
Tracteurs et éoliennes
La parenthèse sonore enchantée a duré surtout les 15 premiers jours du confinement pour Pascal. Malgré des conditions d'enregistrement très favorables, il a rencontré des difficultés en Beauce avec le passage des tracteurs, dans le secteur de La Conie à cause d'un parc éolien, ou encore à proximité d'une friche à cause d'un silo industriel.Il ne désespère pas que chacun fasse des efforts - comme troquer un taille-haies à moteur contre un mécanique, ou qu'un groupe de voisins passe la tondeuse en même temps - pour ménager des temps calmes et laisser la nature reprendre ses droits.