Le maire de Prudemanche (Eure-et-Loir) a pris un arrêté pour interdire d’uriner à moins de 5 mètres d’une parcelle cultivée. Une réponse drôle mais engagée à la polémique sur les zones minimales d’épandage des pesticides.
A Prudemanche (Eure-Loir), petit village de 263 habitants, il vaut mieux se retenir en cas d’envie pressante. Depuis le 16 septembre dernier, il est interdit d’uriner à moins de 5 mètres d’une parcelle cultivée, d’une mare, d’un puits et d’un cours d’eau répertorié sur la carte IGN au 1/25.000.
Ceux qui malgré tout se risqueront à soulager un besoin naturel, s’exposent à une amende de 50 euros voire "à la saisie des moyens incriminés" en cas de récidive.
Si l’arrêté municipal du maire Alain Massot prête à sourire, il a tout de même été déposé en bonne et due forme à la sous-préfecture de Dreux où il a de grandes chances d’être annulé.
Qu’importe pour le premier magistrat de la ville, qui espère simplement "dénoncer quelques vérités" avec un peu d’humour. "Une cinquantaine de maires en France a pris des arrêtés pour interdire les pesticides à plus de 150 mètres des habitations. J’estime que ces arrêtés sont complètement idiots et ridicules car ils condamnent l’agriculture dans bien des régions. Des maires se permettent de prendre des arrêtés sans avoir aucune compétence dans le domaine. Je soupçonne que ce soit fait la plupart du temps dans un but électoral."
Création d’une ZNP (Zone non-pissée)
Pour Alain Massot, maire depuis 2014 et également agriculteur, "la pollution n’est pas ciblée à un endroit. Nous avons dans notre organisme tout un tas de composants chimiques qui sont interdits en agriculture donc considérés comme dangereux. Elle est tout autour de nous dans les produits ménagers, les cosmétiques, les médicaments".
Des substances chimiques qui se retrouvent, in-fine, dans nos urines. C’est donc en toute logique qu’Alain Massot a pris la décision, selon les mots utilisés dans son arrêté, de délimiter une "ZNP" ou "zone non-pissée" afin d’empêcher ses administrés et les visiteurs de la commune d’épandre cette pollution invisible aux abords des cultures.
"Quand on voit qu’on nous interdit des molécules dans les champs alors qu’elles sont encore autorisées sur la tête de nos enfants … alors là je voudrais bien comprendre !" enfonce plus sérieusement, le maire de Prudemanche.
"On est surement une agriculture les plus respectueuses du monde pour l’environnement et des plus performantes et on veut nous faire croire qu’on travaille comme des cochons."
Outre la blague visant à démontrer que la pollution chimique n’est pas l’apanage des agriculteurs, le maire de Prudemanche souhaite surtout dénoncer "le climat actuel" qu’il juge "profondément anti-agriculture" : "La profession est déjà en détresse à cause des changements climatiques et des prix de vente qui sont historiquement bas. On a régulièrement des agriculteurs qui se suicident et des jeunes qui ne veulent plus s’installer".
Selon Alain Bassot, qui affirme ne faire partie d’aucun mouvement politique ni syndicat, il faut arrêter de faire passer les agriculteurs pour des "pollueurs qui balancent des quantités de produit sans discernement". "Si on utilise des produits chimiques, c’est parce qu’on est contraints de le faire pour préserver notre production" explique-t-il. "Nous avons des réglementations qui sont strictes. On n’a par exemple pas le droit de traiter en cas de vent de plus de 19 km/h mais en réalité, on ne traite pas au-dessus de 10 km/h parce que l’agriculteur a quand même du bon sens".
Ces dernières semaines, de nombreux maires ont pris des arrêtés anti-pesticides. Sans valeur légale puisque ne relevant pas des compétences d’un premier magistrat de la ville, ces arrêtés ont tout de même permis de faire bouger les lignes. Le 9 septembre 2019, le gouvernement français a lancé une consultation sur un projet de loi visant à interdire l’utilisation de pesticides à moins de 5 mètres des habitations.