Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe a annoncé ce mercredi 12 juin que le projet de loi sur la "PMA pour toutes" sera examiné fin septembre à l'Assemblée nationale. Quelle est la position de vos députés sur cette question ?
L'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. La PMA, également appelée assistance médicale à la procréation (AMP), est une série de techniques médicales manipulant des spermatozoïdes et ovules afin d'aboutir à une fécondation, explique l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Jusqu'ici réservée aux couples hétérosexuels en âge de procréer, l'étendue de la PMA a été discutée lors des États généraux de la bioéthique.
Aucun consensus n’a été trouvé lors des consultations et auditions publiques qui se sont déroulées de janvier à mai 2018. Mi-juillet, le Conseil d'Etat a ensuite rendu son rapport et conclu que rien ne s’oppose à l’extension de la PMA d'un point de vue juridique.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins vient de rendre publique sa position sur la question. Selon un responsable interrogé mercredi dans le journal La Croix, l’institution ne se prononce pas contre l’extension de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules.
Ce mercredi 12 juin, le projet de loi bioéthique, qui comprend l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, sera examiné à l'Assemblée "dès la fin septembre" a annoncé Edouard Philippe, lors de sa déclaration de politique générale. "Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de débat serein, profond, sérieux, à la hauteur des exigences de notre pays. C'est mon ambition en tout cas", a lancé le Premier ministre, recevant une ovation debout d'une partie de l'hémicycle.
Et vos élus ?
Comment se positionnent vos députés sur ce projet de loi ? La rédaction de France 3 Centre-Val de Loire est allée les interroger.
Êtes-vous favorable à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes ? Sous quelles conditions (âge, remboursement) ? Que pensez-vous de la notion de "droit à l'enfant" ? Quelle est votre position concernant la Gestation pour autrui (GPA) ? 15 de nos 23 députés ont répondu à ces questions. Nous publions leurs réponses dans leur intégralité.
"Ma réponse est "pour", pour plusieurs raisons. D’abord, c’est un engagement de campagne clair du candidat Macron, marqué noir sur blanc et je suis pour qu’on réalise la totalité de nos engagements. Sur le fond, je pense qu’on est dans une situation de discrimination depuis plusieurs années.
La première PMA a dû avoir lieu quand je n’étais pas encore né. C’est réservé aux couples hétérosexuels depuis des décennies, alors que la technique existe. L’objectif, c’est de l’ouvrir. Je pense qu’il ne s’agit pas d’un débat de civilisation qui dépasserait la raison. C’est une lutte contre une discrimination, à l’aide d’une technologie qui existe déjà.
Ça pose des sous-questions techniques, le don, l’âge, le statut des parents… Il ne faudra pas les bâcler, les aborder sereinement. Mais sur le principe même, je dis oui sans hésitation. Il s’agit ensuite de voir dans le détail comme on va le gérer.
Je suis favorable à son remboursement. On ne va pas créer une ouverture de droits en créant une nouvelle inégalité entre ceux qui sont remboursés et les autres. Je pense aussi qu’il faut aligner les statuts et prendre les références d’âge qu’on applique déjà aux couples hétérosexuels. Le régime est rôdé depuis des décennies, alignons-nous. Mais je ne suis pas dogmatique sur le sujet.
Aujourd’hui dans notre société, il n’y a pas un permis d’avoir des enfants, on ne distribue pas une carte de validité. On ne l'interdit pas aux personnes qui sont fragiles ou avec des difficultés sociales. Le fait de dire qu’il y aurait la bonne ou la mauvaise famille, moi ça me choque profondément. Il n’y a pas un modèle parental idéal qui serait le seul à avoir la légitimité morale à avoir un enfant. Ce serait introduire une sorte de permis, qui me paraît délirant : ce serait le début de l’eugénisme. Aujourd’hui, vous voulez avoir un enfant, vous pouvez, rien dans notre droit ne vous en empêche.
Le nombre de familles monoparentales qu’il y a en France, quand elles entendent les hommes politiques se dire : "Est-ce qu’une femme seule peut avoir un enfant ?", elles sont scandalisées. Comme si les familles monoparentales étaient des sous-familles… Ne rentrons surtout pas dans ce débat-là, le droit à l’enfant existe déjà. Il y a des milliers de modèles de famille en France, il faut les respecter et ne pas introduire une échelle de valeurs ou une gradation de moralité.
Le débat de l’ouverture de la GPA n’est pas à l’ordre du jour. Emmanuel Macron a dit en revanche qu’il fallait autoriser la reconnaissance des enfants né de GPA à l’étranger, qui sont largement issus de familles hétérosexuelles, et qui rentrent en France. C’est un autre engagement de campagne. Je crois que les choses sont claires.
Le premier écueil est d’en faire un débat sur-agité comme lors du Mariage pour tous, et éviter d’exciter les haines, les peurs et les mots blessants. Un processus législatif apaisé serait responsable de la part de la classe politique et des responsables de la société civile."
"Moi je n’y suis pas favorable à ce stade, parce que je ne comprends pas comment on va pouvoir accorder l’égalité à l’ensemble des couples étant donné que la PMA concerne les couples de femmes.
Pour moi ça risque d’ouvrir à la GPA, c’est pour ça qu’au départ la PMA avait été réservée aux couples stériles. C’était un cadre médical, pour corriger des défauts de la nature.
Si j’étais un homme en couple homosexuel, je demanderais l’égalité ! Et l’égalité pour un couple d’homme, c’est l’ouverture à la GPA. Et ça, j’y suis farouchement opposé. Aujourd’hui, de façon très hypocrite, tout le monde dit : on ne fera pas la GPA. Moi je me souviens aussi qu’il y a peu d’années, on disait qu’on n’irait pas vers la PMA… Je ne vois pas comment on pourra résister à la pression des couples homosexuels hommes dans leur désir d’enfant.
Il n’y a pas de droit à l’enfant. On peut avoir un droit à quelque chose de matériel, l’enfant est une personne humaine. Je comprends le désir d’enfants, qu’il soit très puissant et profond. Mais il n’y a pas de droit à l’enfant, pour personne.
On va raviver des tensions, ça ne me semble, en plus, vraiment pas le bon calendrier."
"Je ne suis pas favorable à une extension de la PMA, pour le moment. Pour une raison simple : il y a des couples stériles qui ne peuvent pas, et en particulier en région Centre, bénéficier d'un accompagnement de PMA. Je dis ça par rapport à mon parcours professionnel, j'ai été biologiste : il y a trop de couples qui n'ont pas cette possibilité.
Que dans un deuxième temps, on réfléchisse aux choses, mais qu'on assure d'abord au moins cela. Et la seconde chose, dont on ne parle jamais, c'est la réforme de l'adoption. Quand est-ce qu'on va enfin assouplir les règles de l'adoption en France ? Le nombre d'enfants adoptés est quasiment en constante diminution depuis des années, alors qu'il y a tant de familles qui souhaiteraient les accueillir. Personne n'en parle, c'est l'omerta absolue. L'ouverture de la PMA n'est pas l'urgence. On ne peut déjà pas prendre en charge tous les couples hétérosexuels.
Droit à l'enfant ? Mais vous vous rendez compte ? Il faut faire attention aux mots que l'on emploie. Un couple stérile a droit à un enfant aussi ! Qu'on ait un désir d'enfant, ça c'est un mot que je comprends, un mot normal. Il n'y a pas de droit fondamental, c'est une possibilité de la nature humaine, et quelquefois on se fait aider par la PMA.
[Sur le remboursement], il ne faut pas être hypocrite, on ne peut pas être professionnel de santé et créer des discriminations au sein de ce protocole de PMA. Il faut trouver un système de remboursement convenable, et adapté, évidemment le même pour tous.
La limite d'âge, c'est une vraie question. Mais dans un couple hétérosexuel, il y a des papas de 60 ans et des mamans de 30 ans. Comment vous allez dire à deux femmes de 50 ans que ce n'est plus le jour ? J'en appelle à la conscience des médecins qui sont derrière, de toute façon, la PMA a des protocoles, elle ne se fait pas n'importe comment. Il appartient aux médecins d'apporter ces éléments d''appréciation.
Je suis aujourd'hui et à jamais opposé à la GPA. C'est l'utilisation des organes des autres, j'y suis totalement opposé."
Note aux lecteurs
L'ensemble de nos 23 députés ont été contactés pour cet article. Les députés n'y figurant pas sont ceux qui n'ont pas voulu ou pas pu nous répondre, malgré nos relances.Cet article sera complété ultérieurement avec les témoignages manquants.
NB : les députés sont désignés non par leur groupe parlementaire mais par l'étiquette sous laquelle ils ont été élus.