“Notre hantise c’est de devoir choisir des malades” : les hôpitaux de Chartres et Dreux sous pression face à la 3e vague

Fin mars, l’Eure-et-Loir est le département de la région où circule le plus le Sars CoV-2. A la limite de la saturation, les hôpitaux de Chartres et de Dreux arrivent pour l'instant à faire face, mais ils espèrent qu’ils n’auront pas à faire bientôt le "tri" entre les malades.

260 le 16 mars, 324 le 23 mars, 368 le 30 mars… En Eure-et-Loir, le taux d'incidence - c’est-à-dire le nombre de cas positifs au coronavirus pour 100.000 habitants - ne cesse de grimper, et d’être supérieur à tous les autres départements et métropoles de la région.

Seule lueur d’espoir cette semaine : le taux de positivité a baissé, passant de 10,30% mardi dernier, à 9,60% ce mardi.

Face à cette 3e vague de la Covid-19, les hôpitaux de Chartres et Dreux ont ouvert chacun 6 lits de réanimation et de soins intensifs supplémentaires. Ils ont aussi déprogrammé environ la moitié des interventions non urgentes au bloc opératoire, pour pouvoir justement libérer des lits et du personnel.

Des malades de plus en plus jeunes

Pour l’instant, les équipes hospitalières d’Eure-et-Loir arrivent à faire face à l’afflux de patients, grâce aux lits supplémentaires mais aussi en raison de l’âge des malades.

Les gens accueillis en service de réanimation sont beaucoup plus jeunes, de 40 à 60 ans, détaille Yvon Le Tilly, directeur adjoint des hôpitaux de Chartres. Qui dit plus jeune, dit plus de capacité à surmonter la maladie. Au lieu de passer plusieurs mois dans un lit de réanimation, ils y restent quelques semaines tout au plus.” Il explique notamment ce rajeunissement par la vaccination des personnes âgées et vulnérables.

Le Dr Florent Bavozet, chef du service de médecine intensive et réanimation à l’hôpital Victor-Jousselin de Dreux, constate le même phénomène : “On a 15 malades, 11 en réanimation et quatre en soins intensifs. On arrive à faire une ou deux sorties par jour, et on a une ou deux entrées par jour. Donc pour l’instant on tient”.

S’il explique lui aussi ce roulement par la baisse de la moyenne d’âge - de 65/66 ans lors de la première vague à 59,6 ans actuellement -, il est aussi très inquiet face à l’état de ces patients de plus en plus jeunes.

Un tiers a moins de 55 ans, ce n’est pas négligeable. Surtout, on a des patients qui n’ont aucun facteur de risque (pas de diabète, pas de problème de surpoids, pas d’hypertension) et qui se retrouvent avec une forme très grave de la maladie”, souffle-t-il.

"C'est l'enfer"

Pour l’instant on n’a pas à le faire, mais si cela continue, on va être amenés à faire des choix parmi des patients, et des patients qui sont jeunes”, alerte le chef du service réanimation. C’est ce que n’importe quel médecin craint : s’il vous reste un lit et que vous devez choisir entre deux malades... C’est l’enfer.

Notre hantise, c’est de devoir choisir des malades. 

Dr Florent Bavozet

Il fait écho à une tribune publiée dans Le Monde par neuf réanimateurs de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris qui agitent le chiffon rouge du tri entre les patients.

Le chef de la réanimation à Chartres, le Dr Pierre Kalfon, déclarait également à l’Echo Républicain : "Nous avons pu faire face à toutes les demandes, qui sont actuellement en augmentation, grâce à des transferts internes de patients. Mais je ne peux pas garantir [que] nous n’ayons pas une situation aussi difficile qu’en Ile-de-France, d’ici quinze jours à trois semaines."

Le personnel "pas extensible"

 “Ils pourraient en arriver à faire des choix difficiles. Tout l’enjeu aujourd’hui, c’est d’éviter cela et d’anticiper”, abonde Yvon Le Tilly. Le Dr Florent Bavozet en appelle au “civisme” et espère de son côté “une prise de conscience” de la population.

Le risque de devoir trier les patients s'explique par la hausse de la contamination, la virulence des variants, mais aussi par la saturation des hôpitaux.

S’ils ont pu jusque-là créer des lits supplémentaires et réorganiser les équipes médicales et paramédicales, ils ne sont plus en capacité de le faire. “Le personnel n’est pas extensible, avertit le chef du service réanimation de Dreux. “En soi, on ne devrait pas pouvoir gérer autant de lits.” Un personnel soignant empreint d'une certaine lassitude et d'une indéniable fatigue après un an de combat contre le virus.

Des transferts pas exclus

Quant au transfert des patients vers d’autres établissements de la région, ce n’est pas si simple. “Quand ils sont dans une phase aiguë, les patients ne sont pas transportables car il faut les mettre sur le ventre, ils ont des médicament excessivement forts, ils ont un niveau d’oxygène au maximum, explique-t-il. Donc on ne peut pas prendre le risque que leur état se dégrade sur un transfert potentiellement long. Or pour aller à Tours, il faut 1h à 1h30 en héliporté, 3h par la route”.

Il calcule que sur les 15 malades du service, un ou deux seulement seraient transférables.

Du côté des hôpitaux de Chartres, le transfert des patients “n’est pas exclu, cela fait partie des adaptations prévues”, confie Yvon Le Tilly. Mais il assure que l’établissement a encore une petite “marge de manoeuvre” pour créer une poignée de lits supplémentaires. Il y en a 24 actuellement contre 18 en temps normal ; lors de la première vague, 29 places avaient été ouvertes.

 

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