Après plusieurs décennies au pouvoir, les maires de Dreux et Châteaudun (Eure-et-Loir) ne se sont pas représentés aux élections municipales de 2020. Mais avec la propagation du coronavirus et le report du second tour du scrutin, ils sont toujours là et gèrent une situation inédite.
Alain Venot est l’un des plus anciens édiles d’Eure-et-Loir. Âgé de 73 ans, cet homme politique de gauche pensait tourner la page et quitter la mairie de Châteaudun, qu’il avait gérée de 1983 à 2008, puis de 2014 à aujourd'hui.Mais le coronavirus a changé la donne, avec le report du second tour des municipales et le confinement de la population.
Alain Venot prend la situation avec philosophie : "quelques mois de plus, ça n’a rien d’une corvée. Ce n’est pas ce que j’avais prévu mais c’est ainsi. Ma préoccupation majeure, c’est la situation dans laquelle nous nous trouvons et de gérer cela au mieux".
Gérard Hamel, 75 ans, est dans le même état d’esprit. Maire de Dreux (LR) depuis 1995, il avait prévu de prendre sa retraite fin mars. "Je la prendrai au mois de juillet, ce n’est pas dramatique. Je remplis mes fonctions sans aucune réticence surtout dans de telles circonstances."
"Personne n'était vraiment préparé"
Des circonstances totalement inédites pour l’un comme pour l’autre.Alain Venot, lui, ne "s’imaginait" pas devoir affronter une telle situation "extrême à laquelle personne, en tout cas pas moi, n’était vraiment préparé".J’ai vécu beaucoup de situations en 25 ans, mais jamais un fait d’une telle ampleur, aussi important et aussi grave. Notre responsabilité est de prendre les choses telles qu’elles sont et d’y faire face, constate le maire de Dreux.
Malgré cela, les maires de Dreux et de Châteaudun ont un avantage et pas des moindres : l’expérience.
"J’ai le réseau de tous les correspondants habituels avec lesquels je suis en contact (la préfecture, l’hôpital, etc.) que mon successeur n’aurait pas forcément eu, avance Gérard Hamel. L’expérience et le fait d’avoir tout ce réseau de partenaires sont un avantage pour prendre les meilleures décisions qui soient."
"Réactivité, organisation, sang-froid"
Un avantage, c’est aussi le regard que porte Alain Venot sur son expérience,La mairie de Châteaudun n’a d’ailleurs pas manqué de réactivité puisqu’elle a aidé la communauté professionnelle territoriale de santé du Sud de l’Eure-et-Loir (CPTS Sud 28) à mettre en place des centres dédiés aux suspicions de Covid-19, à Châteaudun et alentours, les premiers de la région Centre-Val de Loire. La municipalité a en effet mis à disposition des bâtiments et des agents, "pour organiser la circulation sur le parking, l’accueil des gens qui arrivent. Notre personnel désinfecte, fait l’entretien des locaux chaque jour".En termes de réactivité, d’organisation, de sang-froid. Cette campacité à répondre du mieux possible aux questions inhabituelles qui se posent.
Dreux touchée par la désertification médicale
Si la mairie de Châteaudun porte une attention particulière à la prise en charge des concitoyens, c’est notamment parce que le Dunois est un désert médical. Un phénomène qui touche aussi désormais Dreux.La mairie a d’ailleurs lancé plusieurs initiatives pour améliorer la situation, comme le bus santé. "Ceci étant, la désertification médicale ne peut pas se résoudre dans un temps très court dans la mesure où il faut le temps nécessaire pour former les médecins", rappelle Gérard Hamel.
Alors, il surveille de près l’évolution sanitaire dans sa commune : "j’ai au téléphone le directeur de l’hôpital de Dreux tous les soirs pour faire le point. La situation est pour l’instant maîtrisée, on ne manque pas de lits, les personnes sont bien prises en charge".
Les laboratoires dépendants de la Chine
Quand on lui demande ce qu’il tire comme enseignements de cette crise hors-normes, la maire de Dreux révèle qu’il a pris conscience de la dépendance de la France aux pays étrangers, au niveau de la fabrication des médicaments.La couronne de Dreux concentre d’ailleurs plusieurs entreprises pharmaceutiques : Norgine Pharma, Leo Pharma, Sophartex, Ipsen… "Je pensais qu’elles étaient autonomes ou presque", admet Gérard Hamel.
"En fait on s’aperçoit que, sauf une usine qui a son propre centre de recherches, nos laboratoires pharmaceutiques exploitent des molécules venant de l’étranger". Et d'ajouter : "pour la plupart de Chine, et nos laboratoires sont très dépendants de à ce niveau-là".
Le sens du devoir
Il espère que le moment du bilan post-crise permettra à l’Etat de mener une réflexion sur son indépendance économique.En attendant, la préoccupation essentielle qui anime les maires reste la protection de leurs administrés. Pour Gérard Hamel, les Drouais respectent les règles. Il n’a "pas eu à prendre de décision concernant un couvre-feu, je l’aurais fait si cela avait été nécessaire".
Alain Venot, quant à lui, salue "le sens du devoir de nos concitoyens".