Fermeture des marchés en Centre-Val de Loire : personne ne comprend les règles

Ouverts ici et fermés là. Les critères semblent varier d’un département à l’autre concernant les dérogations pour l’ouverture des marchés. Les élus de la région Centre-Val de Loire ont l’impression que les règles sont floues. Et les professionnels subissent.

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Alors c’est non. Puis c’est oui. Puis c’est non finalement, sauf si… Si la situation n’était pas dramatique, on pourrait s’amuser de la façon dont la fameuse doctrine macroniste du « en même temps » est appliquée pour la fermeture des marchés. Mais les élus et les commerçants ont vu les listes publiées par les préfectures de ceux qui sont autorisés à ouvrir et ils n’ont pas envie de rire.

Sur le document préfectoral révélé mardi soir, il était écrit noir sur blanc que le marché organisé le mercredi à Beaugency (Loiret) était autorisé alors que celui du samedi matin était interdit. Résultat ?

Pas un radis et pas un commerçant n’étaient en place le mercredi matin sur une place du Martroi aussi déserte qu’un jour d’alerte nucléaire. On leur avait plutôt laissé entendre que seul celui du samedi serait autorisé et ils avaient été prévenus trop tard pour être en place le mercredi.

À quelques kilomètres de là, Pauline Martin, maire DVD de Meung-sur-Loire (Loiret), a aussi découvert avec amertume que sa demande de dérogation pour l’unique marché de la ville, le dimanche matin, a été refusée.

Je suis furieuse et dépitée. Dimanche dernier, nous avons organisé un marché avec une sécurité assurée par les élus et tout s’est très bien passé. Mais le préfet considère qu’on a suffisamment de commerçants à Meung-sur-Loire. Notre situation est pourtant la même qu’à Beaugency. Pendant ce temps là, on autorise les Halles Châtelet d’Orléans à ouvrir, et même le dimanche ! Je me suis manifestée de manière extrêmement virulente auprès du préfet pour lui dire que les critères ne sont pas clairs.

Et finalement c'est oui...

Confrontée à un refus ferme et définitif, l’élue a commencé à mettre en place un roulement pour permettre aux commerçants du dimanche de venir vendre chacun leur tour leurs produits sous les halles. Avant d’apprendre dans la journée de jeudi que les représentants de l’État avaient changé d’avis et autorisaient son marché à ouvrir le dimanche suivant…

Présidente de la communauté de commune et vice-présidente du conseil départemental, Pauline Martin connaît les rouages de la politique et aura su plaider sa cause là où d’autres n’auront pas les capacités de le faire. Les préfectures disent ne faire des exceptions que pour les marchés des quartiers populaires et des zones rurales isolées. Mais les exceptions existent. Elles sont nombreuses et il est difficile d’en comprendre les motivations.

Plus au sud de la région Centre-Val de Loire, Francis Monchet maire SE de Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) est tout aussi colère que sa collègue du Loiret mais pour une raison différente car lui ne souhaite pas ouvrir le marché de sa ville qui n’aura donc plus lieu :

Dès que j’ai entendu l’annonce du Premier ministre, j’ai immédiatement fait un arrêté pour le suspendre. J’ai été encouragé par un médecin qui m’a dit que la situation était dramatique, qu’il fallait à tout prix éviter les rassemblements de plus de deux personnes. Les commerçants pourront quand même faire des livraisons et nous avons un supermarché en ville. Mais, derrière ça, le gouvernement interdit puis met en place des dérogations en laissant les préfets et les maires se débrouiller, ce qui nous met en mauvaise posture. Soit c’est interdit, soit ça ne l’est pas. Je suis très en colère parce qu’on est confronté à un discours qui n’est pas clair.

"C'est déjà dramatique"

Si elles suscitent l’incompréhension d’une partie du monde politique, les injonctions contradictoires ont « en même temps » des conséquences directes dans le monde économique. Depuis le début de la semaine certains ont déjà commencé à perdre beaucoup d’argent comme Matthieu Ménard qui dirige un abattoir de poulets à Ouchamps (Loir-et-Cher.)

Chaque semaine, 14 000 volaillles passent par son entreprise qui emploie 25 salariés, avant d’être commercialisées sur les marchés de la région mais aussi des Pays de la Loire et d’Ile-de-France.

"Pour nous, la situation est déjà dramatique, explique-t-il. Depuis l’annonce d’Edouard Philippe, nous faisons 40% de chiffre d’affaires en moins. Immédiatement, un client nous a appelés pour annuler une commande 400 poulets qui devaient partir près de Saumur. Le lendemain on nous annulait 600 poulets Label rouge en préparation. Et je les comprends puisqu’ils ne savent plus s’ils vont pouvoir travailler. J’ai l’impression qu’en Loir-et-Cher, l’interdiction est appliquée de manière très stricte alors que ça me semble plus souple ailleurs."

La marchandise s’accumule donc dans les stocks. Certaines livraisons peuvent éventuellement attendre quinze jours mais ensuite elles ne seront plus consommables.

"J’ai encore des commandes mais je n’ai plus le volume suffisant pour rentabiliser la production, poursuit-il. Je vais devoir « bouffer » la trésorerie que mes parents et moi avons mis trente ans à construire et quand il n’y en aura plus, on sera mort. Certains de mes clients ont aussi une trésorerie très faible. Ils ne pourront jamais repartir. Et pendant ce temps là, on autorise les gens à s’entasser dans les supermarchés…"

Selon la durée de la crise, c’est toute la filière qui risque d’être déstabilisée de manière durable car les volailles qui devaient être abattues prochainement vont rester dans les poulaillers. Et celles qui devaient être installées ensuite en prévision des fêtes de fin d’année risquent de ne pas être prêtes à temps. Mais ça, Matthieu Ménard s’en occupera plus tard.

Son souci du moment est de trouver le gel hydroalcoolique qui normalement doit équiper les camions de livraison. Récemment, il a commandé sur internet des masques « hors de prix » pour protéger ses salariés. Ils ne sont toujours pas arrivés…
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