A tout juste 74 ans, le sénateur centriste d’Indre-et-Loire Pierre Louault a annoncé lundi 27 mars 2023 qu’il ne serait pas candidat à sa succession aux prochaines élections sénatoriales, prévues en septembre. Il met ainsi fin à une carrière politique bien remplie. Nous lui avons posé trois questions.
Maire pendant quarante et un ans du petit village de Chédigny, dans le Sud Touraine, ancien 1er vice-président du conseil départemental d’Indre-et-Loire, président de l’association des maires de ce même département pendant 17 ans, et actuel sénateur d’Indre-et-Loire, Pierre Louault est assurément une figure politique marquante de la Touraine. Il annonce "vouloir mettre un terme à sa carrière politique nationale", dès la fin de son mandat, en septembre prochain. Il restera toutefois conseiller municipal du village aux mille rosiers.
- Pourquoi avoir choisi ce moment pour quitter la vie politique ?
Au départ je m’étais dit que 74 ans était un âge raisonnable pour arrêter. Mais beaucoup de maires me demandaient de ne pas les laisser tomber. Cela m’a fait douter. Il a bien fallu finir par trancher. Il n’y a pas de lassitude de la chose politique dans cette décision, mais c’est vrai que le climat actuel n’est pas de nature à remonter le moral aux élus de la République, quel que soit leur niveau. Beaucoup de maires se retirent, et il y a de plus en plus de comportements inacceptables dans une République comme la nôtre. Mais pour ma part je ne suis de toute façon pas du genre à capituler devant les dénigrements ou les insultes.
Simplement je vais avoir 74 ans, cela fait presque 47 ans que je suis élu et j’ai servi du mieux que j’ai pu ; il y a un moment où il faut savoir s’arrêter.
- Le rapport des hommes politiques avec les citoyens semble se tendre aujourd’hui. D’après-vous s’agit-il d’une simple incompréhension ou bien est-ce toute la démocratie représentative qui est remise en question ?
D’abord, je crois qu’il y a une fatigue après avoir traversé la période compliquée du Covid, des gens confinés et du manque de liberté, puis la crise ukrainienne. Ensuite, il y a le problème de notre constitution, qui a été écrite pour une configuration classique gauche-droite. Elle n’est en réalité pas conçue pour permettre de gérer une France divisée en trois, ce qui offre au mieux une majorité de 40% et non plus de 50 %. C’est d’autant plus difficile que les Français ne sont pas habitués à un système de coalition, à la différence d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Espagne. C’est une difficulté pour le pays et pour le gouvernement quel qu’il soit. Il faudra que l’on trouve rapidement des réponses à cette situation nouvelle.
S’il y avait une majorité claire et indiscutable, il n’y aurait pas cette tentation de défiance. Certains, à droite comme à gauche, ont intérêt à déstabiliser un pouvoir politique démocratique, et cela me gêne beaucoup. J’avoue que certaines interventions ou certains comportements, notamment à l’Assemblée nationale, où même des hommes politiques ne respectent plus rien, m’interrogent beaucoup. Je suis agacé par cette situation. Je n’ai jamais subi cela en 46 ans de carrière : j’ai eu à travailler avec des gens qui étaient parfois très éloignés de mon parti, cela ne nous a pas empêché d’œuvrer ensemble dans l’intérêt du pays. J’ai l’impression que c’est bien différent aujourd’hui.
Reste que, pour les Français, la vraie crise de société c’est de se dire qu’il n’y a pas de solution, et donc que la seule issue est se désintéresser de la chose politique. Il faudrait trouver le moyen de les aider à prendre conscience qu’une démocratie, il faut absolument la défendre ! Cela passe par un changement de personnel politique, bien plus que par un changement d’institutions. Il faut trouver une nouvelle génération d’acteurs politiques qui fassent leurs preuves et qui redonnent confiance aux Français.
- Quels sont vos meilleurs souvenirs politiques, et quel mandat vous a le plus passionné ?
Je me suis totalement passionné pour les mandats locaux. Je me suis rendu compte que si on a un projet pour sa commune, pour son territoire et si on parvient à rassembler les gens autour de ce projet, on arrive à faire des choses formidables, comme cela s’est par exemple passé dans mon village, à Chédigny. Et lorsque, président de Loches-Développement, j’ai été accompagné par les autres maires de cette communauté de commune, on a pu ensemble faire aboutir des projets merveilleux en matière de développement économique, en passant en 15 ans de 6500 à 9500 emplois salariés sur notre territoire.
Autre fierté, la création d’un Centre communal d’Action sociale, où j’ai fait travailler ensemble le système social institutionnel avec le milieu associatif. Car la richesse d’une civilisation, d’un territoire, c’est la diversité dans les moyens d’intervention. Faire travailler ensemble des bénévoles, qui ont des moyens limités mais efficaces, avec des institutions, plus à l’aise financièrement mais beaucoup plus rigides dans leur fonctionnement, cela permet d’aller beaucoup plus loin. L’avenir d’une gouvernance, c’est ça : avoir un projet et rassembler les gens.
Quant à mes mandats parlementaires, c’est peut-être un aspect où je suis un peu déçu parce que c’est compliqué de faire évoluer les mentalités ; en France on légifère trop et dans trop de détails. On veut tout réglementer et notre pays en crève.
Pour moi les mandats nationaux, c’est fini. Je resterai seulement conseiller municipal de Chédigny et rien de plus. Je continuerai ce mandat local parce que au fond c’est cela ma passion.