Ce vendredi 7 juin, s'est ouverte au château du Clos-Lucé, à Amboise, l'exposition "Léonard de Vinci et les parfums à la Renaissance". Un voyage multisensoriel à travers l'Europe du 15e siècle, et une nouvelle manière d'apprécier le génie du maître italien.
On savait Léonard de Vinci peintre et ingénieur. On le savait aussi architecte et anatomiste. Pour aller plus vite, on pourrait dire qu'il était un touche-à-tout. Si ce n'est un génie, purement et simplement. Mais l'une de ses facettes n'a suscité l'intérêt que plus récemment. Car le maître italien était aussi un passionné et un créateur de parfums.
Sauf qu'il y a "des milliers de pages écrites par Léonard de Vinci, donc les quelques pages sur les parfums demandaient interprétation", explique Pascal Brioist, professeur à l'université de Tours. Il est commissaire, avec son collègue Carlo Vecce, de l'exposition "Léonard de Vinci et les parfums à la Renaissance", ouverte au public ce vendredi 7 juin au château du Clos-Lucé.
Du Caucase jusqu'en Touraine
L'expérience est "culturelle, artistique, olfactive, multisensoriel", défend François Saint Bris, directeur du Clos-Lucé. L'exposition permet de découvrir les expérimentations de Léonard, qui a lui-même dessiné des alambics et mis au point des recettes de parfums. "C'est un fils illégitime, qui n'a pas le droit d'aller à l'université, donc il construit toute sa carrière pour être reconnu, notamment à la cour, explique Pascal Brioist. Et à la cour, il y a toute l'industrie de luxe, notamment les parfums."
Grâce aux dessins de Léonard de Vinci, ses alambics ont pu être reconstitués, tout comme certaines de ses recettes, qu'il crée sur une période d'une dizaine d'années, entre Florence et Milan. En réalité, il est "difficile de dire" si le maître a mis en action ses idées et utilisé ses alambics. "Ce qui est certain, c'est que ces recettes sont typiques de la révolution qu'on a à la Renaissance, avec de la distillation d'agrumes dans de l'alcool, ou de la macération de fleurs", poursuit le professeur tourangeau.
Mais l'exposition pousse les choses plus loin, et invite à un long voyage. Carlo Vecce, professeur de littérature à l'université de Naples, défend ainsi une théorie, affirmant que la mère de Léonard était une esclave venue du Caucase. Ce voyage est reconstitué olfactivement au Clos-Lucé. "Sa mère a amené avec elle les parfums sauvages de sa terre, les odeurs primaires de la nature, les herbes, l'humidité, la terre, défend-il. Tout ça, on le trouve dans ses tableaux."
L'odeur de "La Dame à l'hermine"
Résultat : des bornes de senteurs sont éparpillées tout au long du parcours, pour saisir l'odeur du monde de Léonard, et de ce que ses œuvres représentent. "C'est extraordinaire", lance une visiteuse, sortant son nez d'une de ces bornes, devant un tableau représentant un citronnier. "Je ne connais pas d'endroits avec beaucoup de citronniers, mais il y a une senteur puissante de citron, un peu fleurie." Le hasard fait bien les choses, pour cette passionnée de parfums, venue au Clos-Lucé ce vendredi après-midi parce que "la carte n'est pas passée au Château-Gaillard" le matin même.
Et là voilà à découvrir ce qu'aurait pu sentir La Joconde, ou La Dame à l'hermine. Pour cette dernière, l'exposition a sa théorie. "Son collier, on pourrait penser qu'il est fait de perles ou de petites pierres noires, décrit Carle Vecce. En réalité, ce sont des petits boulets d'ambre noir." Et l'ambre noir a une odeur assez puissante, que le visiteur peut découvrir.
L'exposition présente, en tout, une soixantaine d'œuvres venues de France et d'Italie, avec des dessins de Léonard, des peintures de ses élèves et des cours du 15e siècle, ainsi que des objets à parfum d'époque. Elle est ouverte, au Clos-Lucé, ancienne demeure du maître, jusqu'au 15 septembre 2024.