Pour faire face aux difficultés d'approvisionnement en amoxicilline que rencontre actuellement la France, 47 pharmacies ont été autorisées à fabriquer elles-mêmes cet antibiotique particulièrement prescrit aux enfants. Parmi elles, une officine de Tours qui débutera bientôt sa production.
"J'ai envie de dire: Enfin !", se réjouit Annie Herbreteau, gérante d'une pharmacie qui fait partie des 47 autorisées par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) à fabriquer provisoirement et exceptionnellement de l'amoxicilline. "Les pharmaciens savent depuis très longtemps que les préparations existent. Ce qui est nouveau, c'est qu'on reconnaisse enfin officiellement qu'en cas de pénurie, on peut être sollicités et qu'on est habilités à le faire."
La pharmacie Vinci à Tours est une "pharmacie sous-traitante", c'est-à-dire habilitée et autorisée à préparer certains médicaments. Une pratique peu connue du grand-public mais qui ne date pourtant pas d'hier.
Depuis qu'Annie Herbreteau en a repris la gestion il y a environ 8 ans, il en a toujours été ainsi. "On prépare aussi bien des gélules, que des pommades, des suppositoires, des ovules ou des crèmes", détaille-t-elle.
Habituellement, ces préparations se font parce qu'un dermatologue veut, par exemple, mélanger plusieurs molécules et que ce mélange n'existe pas. Ou parce qu'il est impossible de trouver le dosage prescrit et nous, on adapte ce dosage à la pathologie et au poids.
Annie Herbreteau, pharmacienne
Une mesure "historique"
Le 4 janvier, 70% des pharmacies françaises étaient en rupture de stock d'amoxicilline, un antibiotique particulièrement prescrit aux enfants sous forme buvable pour traiter les otites et les angines bactériennes. Face à l'importante hausse des infections chez les enfants cet hiver, la demande a explosé et n'a pas, selon le ministre de la santé, "été anticipée par les industriels".
"On ne manque pas de matière première, ce qui manque c'est la production industrielle", confirme Annie Herbreteau, qui a pu se procurer les molécules grâce au réseau formé par les pharmacies sous-traitantes et les pharmacies de CHU.
"C'est d'ailleurs le syndicat national des pharmacies sous-traitantes qui a poussé auprès de l'ANSM pour pouvoir faire de la production pédiatrique et c'est historique que l'on puisse le faire dans une situation de pénurie comme celle-ci".
Dans sa pharmacie, huit personnes sont quotidiennement affairées à la préparation de médicaments. "Je pense que l'on pourra produire 200 préparations (ndlr: commandes d'amoxicilline) par jour sans problème", affirme la pharmacienne, qui espère pouvoir débuter la fabrication dans le courant du mois de janvier à l'issue d'un protocole de validation déjà bien avancé.
L'officine conditionnera alors le précieux antibiotique sous formes de gélules de 125 ou 250 mg en fonction des commandes. "Ce sont les pharmaciens qui nous contactent en fonction de leurs besoins et de leurs prescriptions". Elles seront ensuite acheminées dans toutes les pharmacies de France qui en feront la demande.
"On peut aussi travailler les corticoïdes et le paracétamol"
Le ministre de la Santé François Braun espère un retour à la normale "dans deux mois" mais d'autres médicaments manquent dans les rayonnages. L'ANSM enregistre également des difficultés d'approvisionnement voir des pénuries de sirops antitussifs, de corticoïdes et surtout de paracétamol, là encore, essentiellement sous sa forme pédiatrique: le doliprane en sirop.
"On peut aussi travailler les corticoïdes et le paracétamol", s'exclame la pharmacienne, qui regrette qu'une autorisation exceptionnelle n'ait pas également été délivrée pour ces médicaments. "C'est le propre des pharmacies sous-traitantes de pouvoir travailler toutes les molécules. Ca me paraitrait normal qu'on puisse en faire aussi puisque nous disposons de la matière première", argue-t-elle.
Une possibilité qui n'a pour l'instant été soulevée ni par le gouvernement ni par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament. Néanmoins, des mesures ont été prises pour tenter de réduire l'impact de la pénurie comme l'interdiction de l'exportation de certaines spécialités par les distributeurs et l'interdiction de la vente de paracétamol sur internet jusqu’à la fin du mois de janvier. Plus largement, les spécialistes du secteur plaident pour la relocalisation en Europe de certaines molécules car ce sont actuellement l'Inde et la Chine qui produisent 80% des principes actifs.