Anciennement fabriqué à Gidy dans le Loiret, le scandale sanitaire du Mediator, médicament tenu pour responsable de centaines de décès, s'ouvrira lundi 9 janvier à Paris, deux ans après la condamnation des laboratoires Servier à 2,7 millions d'euros d'amende pour "tromperie aggravée".
"On repart quasiment à zéro", avertit Jean-Christophe Coubris, avocat d'environ 2.500 parties civiles, qui espère "avoir confirmation de la condamnation" de première instance et "obtenir a minima une indemnisation à la même hauteur" des victimes, dont beaucoup voient leur état de santé se dégrader.
Pour Martine Verdier, avocate orléanaise qui défend près de 200 victimes du Mediator, "Il est évident que toutes les victimes se seraient privé de cet exercice de voie de recours". Elle déplore que ce nouveau procès qui va durer six mois "surajoute a l'anxiété" des victimes qui sont déjà accablées par les effets du "produit en lui-même".
En mars 2021, à l'issue d'un procès-fleuve de plus de neuf mois interrompu plusieurs semaines pour cause de pandémie de Covid, les laboratoires Servier et leur ancien numéro 2, Jean-Philippe Seta, avaient été reconnus coupables de tromperie aggravée et d'homicides et blessures involontaires.
Le tribunal correctionnel de Paris avait notamment estimé qu'ils "disposaient à partir de 1995, de suffisamment d'éléments pour prendre conscience des risques mortels" liés au Mediator. Servier avait en revanche été relaxé des délits d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché et d'escroquerie, au préjudice notamment de la Sécurité sociale, ce qui a conduit le parquet de Paris et des parties civiles à faire appel.
Dans leur sillage, le groupe pharmaceutique avait lui aussi formé un appel contre le jugement. Condamnée à 303.000 euros d'amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator malgré sa toxicité, l'Agence nationale de sécurité du médicament elle, n'a pas fait appel.
Servier nie toujours" avoir délibérément trompé les patients et les médecins prescripteurs sur la dangerosité"
Mis sur le marché en 1976 pour le traitement du diabète mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator est accusé d'avoir provoqué de graves lésions cardiaques et de nombreux décès. La commercialisation de ce médicament, prescrit à environ 5 millions de personnes, avait été suspendue fin 2009.
"Les laboratoires Servier et M. Seta contestent toujours avoir délibérément trompé les patients et les médecins prescripteurs sur la dangerosité" du Mediator, indique à l'AFP François De Castro, l'un de leurs avocats. "Ces arguments, qui ont été écartés par le tribunal en première instance, restent aujourd'hui la ligne de défense des laboratoires, ce qui questionne la façon dont ils ont reçu le jugement et en ont tiré les enseignements", estime Charles Joseph-Oudin, avocat d'environ 1.200 parties civiles.
L'avocate orléanaise Martine Verdier elle, assure qu'elle sera "extrêmement attentive en ce qui concerne les victimes qui vivent un vrai parcours du combattant depuis presque 13 ans et qui ont vraiment besoin que ce procès s'arrête et que le groupe Servier cesse de continuer à contester ce qui, pour elles, est incontestable."
Un nouveau procès-fleuve
De nombreux témoins ont de nouveau été cités à comparaître: une centaine au total, dont soixante à la demande de Servier. La pneumologue Irène Frachon, qui avait révélé au grand public l'ampleur du scandale sanitaire, reviendra elle aussi à la barre. Celle qui a publié le 4 janvier une bande-dessinée retraçant l'affaire confie tout de même à l'AFP avoir "perdu confiance dans la capacité de la justice à condamner ce type d'infractions à la hauteur de la gravité des délits commis".
Le dossier comporte "plus de 7.500 parties civiles. La plupart espèrent être indemnisées pour le préjudice d'anxiété liée à la "tromperie aggravée" pour laquelle est jugé le laboratoire. Seuls une centaine de dossiers visent une réparation pour "homicides et blessures involontaires". Une webradio sera mise à leur disposition pour suivre le procès, selon le parquet général.
Ce procès en appel s'étalera jusqu'à fin juin, avec deux journées et demie d'audience par semaine, dans la salle "grands procès" du Palais de justice de Paris, qui a accueilli ceux des attentats du 13-Novembre puis de Nice.