Le parquet de Paris a annoncé ce 6 avril avoir fait appel de la relaxe partielle des laboratoires Servier dans l'affaire du Mediator, un médicament tenu pour responsable de centaines de décès et l'un des pires scandales sanitaires français.
Le 29 mars dernier, les laboratoires Servier ont été reconnus coupables de "tromperie aggravée" et d'"homicides et blessures involontaires", mais relaxés des délits d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché et d'escroquerie. Ils ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 2,718 millions d'euros.
Le parquet, qui avait requis en juin 2020 un total de 10,228 millions d'euros d'amende à l'encontre de la maison-mère et de cinq sociétés du groupe pharmaceutique, a donc décidé de faire appel de cette relaxe partielle. Cet appel "concerne l'ancien directeur opérationnel et certaines sociétés du groupe Servier", précise le procureur de la République dans un communiqué.
Servier fait également appel
"Je prends acte de cette décision", a réagi auprès de l'AFP Me François de Castro, avocat des laboratoires Servier. "Nous ferons également appel", a-t-il précisé. Pour Charles Joseph-Oudin, conseil de plusieurs centaines de victimes directes, "cet appel était une décision voulue par mes clients et nous la saluons". "Dans la décision du tribunal, il y avait un élément très troublant: le fait que la sécurité sociale et les mutuelles ne soient pas remboursées de sommes très importantes", poursuit l'avocat.
La firme originaire d'Orléans et son ancien numéro deux, Jean-Philippe Seta, condamné lui à quatre ans d'emprisonnement avec sursis et à 90.600 euros d'amende pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires", mais relaxé d'escroquerie, seront donc
rejugés. Le tribunal a considéré que les sociétés du groupe et M. Seta sont "les auteurs d'une fraude d'une ampleur considérable et inédite, dont ont été victimes des milliers de patients", alors qu'ils "disposaient, à partir de 1995, de suffisamment d'éléments pour prendre conscience des risques mortels qu'ils faisaient courir" aux consommateurs du Mediator.
Condamnée à 303.000 euros d'amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator malgré sa toxicité, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps) avait indiqué qu'elle ne ferait pas appel.
Un second procès pour "homicides et blessures involontaires"
Mis sur le marché en 1976 pour le traitement du diabète mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a été prescrit à environ cinq millions de personnes et est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et mortelle. Sa commercialisation avait été finalement suspendue le 30 novembre 2009. Plus de 6 500 personnes s'étaient constituées parties civiles à l'occasion de
ce procès pénal, essentiellement pour "tromperie". Environ 180 millions d'euros de dommages et intérêts ont été attribués aux victimes en réparation des préjudices subis, selon de premières estimations.
L'instruction pour "homicides et blessures involontaires" est quant à elle toujours en cours et devrait donner lieu à un second procès.