Pour en finir avec les battues aux renards, l'association One Voice attaque en justice 12 arrêtés préfectoraux

En l'espace d'un mois, entre juin et juillet 2024, le préfet d'Indre-et-Loire a signé pas moins de 12 arrêtés autorisant des battues administratives de renards. Inacceptable pour One Voice, qui attaque ces arrêtés devant le tribunal administratif d'Orléans.

Après un long combat, également devant les tribunaux, contre le déterrage des blaireaux (vènerie sous terre), One Voice s'en prend maintenant aux arrêtés préfectoraux sur les renards. Dans la foulée de la Nièvre, où des battues aux renards ordonnées à l'été 2022 ont été déclarées illégales par le tribunal administratif de Dijon, l'association porte son regard sur une série d'arrêtés pris dans le département d'Indre-et-Loire.

"Ces animaux sont les cibles d’un acharnement sans borne : classés 'espèces susceptibles d’occasionner des dégâts' dans de nombreux départements, traqués par les chasseurs toute l’année, ils font l’objet de battues administratives ordonnées par les préfets un peu partout en France", écrit One Voice sur son site internet.

Le renard, susceptible d'occasionner des dégats ?

Depuis la loi Biodiversité de 2016, en effet, les animaux auparavant traités de "nuisibles" sont devenus des "espèces susceptibles d'occasionner des dégats" (ESOD). Elles sont soumises à une réglementation particulière, autorisant leur destruction, par tir ou piégeage, en dehors de la période de chasse (on ne parle pas de chasse en ce qui concerne les ESOD, mais de destruction...). La finalité de leur destruction est toujours -en théorie- d'éviter des dommages, notamment pour l'agriculture.

En France, 9 espèces animales indigènes (c'est à dire non introduites par l'homme) sont classées en ESOD : la fouine, la martre des pins, la belette d'Europe, la pie bavarde, le corbeau freux, la corneille noire, l'étourneau sansonnet ,le geai des chênes et, donc, le renard roux.

Concrètement, ce passage de "nuisible" à "ESOD" n'a strictement rien changé à son triste sort, le renard fait l’objet d’une véritable traque. Chasse, battues administratives, tirs de nuit, piégeage, déterrage… au total, entre 600 000 et un million de renards sont tués chaque année en France.

"Il n'y a aucune logique, on marche sur la tête, se désole Nicolas Yahyaoui, chargé de campagne-juriste pour One Voice.

On sait que les renards se nourrissent de campagnols, mais on vient nous dire qu'il y a trop de campagnols, qu'il va falloir les éliminer. Dans le même temps on continue à massacrer les renards, c'est complètement paradoxal !

Nicolas Yahyaoui, One Voice

Une "sale bête enragée voleuse de poules"

Pour les associations qui défendent la vie sauvage, le classement de renard en ESOD est une aberration, une conception archaïque, la subsistance d'une époque où ce magnifique canidé était perçu comme "une sale bête enragée voleuse de poules."

Un classement qui va à l'encontre des données scientifiques les plus récentes sur cette espèce aux nombreuses qualités écologiques, qui joue un rôle d'auxiliaire pour les paysans. Selon l'Association pour la Protection des animaux sauvages (ASPAS), le renard est "un allié important des agriculteurs" et représente une solution "gratuite et non polluante" aux infestations de rongeurs notamment. 

"Le renard est un maillon important de la chaine alimentaire", indique l'ASPAS, "en ce qu’il préserve l’équilibre entre prédateurs et proies. Également friand de végétaux, il participe à la dissémination des graines de diverses essences d’arbres par ses déjections".

Chaque année, un renard est capable d’attraper jusqu’à 6000 petits rongeurs qui détruisent les cultures et permet en ce sens d’éviter l’utilisation de produits toxiques néfastes à l’environnement pour la lutte contre les rongeurs.

Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS)

Depuis 2019, une pétition est en ligne, à l'initiative d'ASPAS, de One Voice et Anymal, pour demander au ministère de la transition écologique de retirer le renard de la liste des "espèces susceptibles d'occasionner des dégats". Elle a recueilli près de 500 000 signatures.

Par ailleurs, un recours devant le Conseil d'État est engagé pour obtenir ce retrait. En attendant sa décision, les mêmes associations continuent donc à attaquer devant les tribunaux les arrétés préfectoraux autorisant les battues administratives. Et, comme pour les blaireaux, obtiennent souvent gain de cause.

En ce qui concerne les arrêtés pris ces dernières semaines en Touraine, One Voice indique :

"Alors que ces décisions devraient être motivées de manière précise et détaillée, rien de tout cela ici. En tout et pour tout, le représentant de l’État se contente d’indiquer que les renards causent des dégâts… Comme toujours, aucune donnée ni aucun chiffre."

"Protéger" les perdrix... destinées à la chasse

 En réalité, pour l'association, ces autorisations administratives ont "pour seul but de satisfaire les demandes des chasseurs à peu de frais."  En ce qui concerne, par exemple, les arrêtés jugés illégaux dans la Nièvre, l'association estime que, "derrière l’objectif affiché de la protection de la faune et de la flore, ces autorisations de tuer étaient en fait destinées à 'protéger' les faisans et perdrix… achetés à des élevages et relâchés pour être tués quelques jours plus tard !"

Des renard déjà morts lorsque les arrêtés sont publiés

Mais la motivation réelle de ces battues aux renards n'est pas le seul problème. En Touraine, les arrêtés ont été publiés après-coup, une sorte de justification rétro-active :

"Les 12 arrêtés ont été publiés en juin et juillet, pour des battues dont certaines avaient eu lieu début mai, plusieurs semaines auparavant, s'insurge Nicolas Yahyaoui. On ne peut donc pas les attaquer en justice en urgence afin de sauver les renards, puisqu'ils sont déjà morts ! C'est absolument illégal, la règle est que les arrêtés entrent en vigueur au lendemain de leur publication. On fait donc quand même une action en justice, non pas en urgence pour empêcher la battue, mais sur le fond, en espérant que dans quelques mois le tribunal administratif viendra confirmer l'illégalité de ces arrêtés."

Et là aussi, une action est lancée en parallèle devant le Conseil d'État pour exiger que ces arrêtés soient publiés avant leur mise en œuvre. Ce qui permettrait aux associations de saisir le juge en urgence (procédure de référé) et d'éviter des morts de renards inutiles et illégales.

La préfecture d'Indre-et-Loire a été sollicitée par France 3 pour donner son avis sur toutes ces questions, une demande restée sans réponse.

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