La Sépant, la société d’étude et de protection de la nature en Touraine, a comparé des données du XIXe siècle et d’aujourd’hui sur les espèces végétales présentes en Indre-et-Loire. Les résultats sont sans appel.
Sur environ 1.500 espèces végétales d’Indre-et-Loire, 235 "ont régressé de manière significative", c’est-à-dire qu’elles ont perdu au moins 20% de leur aire de répartition. Par ailleurs, 73 plantes autrefois connues dans le département ont complètement disparu.Telle est la conclusion de la Sépant (la société d’étude, de protection et d’aménagement de la nature en Touraine), dans un rapport publié ce mois de juillet.
L’auteur de cette étude et chargé de mission de l'association environnementale, Damien Avril, a analysé une base de 3,5 millions de données, en comparant notamment des informations sur la période 1800-1950, et des observations de 1950 au milieu des années 2010. La Sépant en a tiré cette carte.
Une plante commune au XIXe totalement disparue
"235 espèces végétales, c’est 15% de la flore, cela peut paraître faible. Mais c’est quand même conséquent", assure l'auteur de l'étude. Des chiffres qui sont dans la moyenne régionale puisque d’après le rapport 2017 de l’observatoire régional de la biodiversité, 17 % des espèces végétales étudiées sont menacées.Parmi les plantes affectées, l’épipactis des marais, l’orchis punaise, toutes deux des orchidées. Un autre exemple est celui du troscart des marais. C’est une plante qui était "assez commune dans le département il y a un siècle, et on ne l’a jamais retrouvé", souffle Damien Avril.
L'élevage extensif protégeait la biodiversité
La principale cause du déclin de cette biodiversité, c’est l’activité humaine et le changement très rapide des pratiques après la Seconde Guerre mondiale. L’étude montre ainsi que 90% des espèces qui ont régressé disparaissent à cause de l’abandon des pratiques agro-pastorales d’élevage extensif. "Enormément d’espèces végétales et animales sont complètement liées au milieu géré traditionnellement par les éleveurs", explique Damien Avril.
"On a asséché les marais, converti les prairies en grandes cultures, utilisé massivement des engrais azotés", énumère-t-il, autant de facteurs qui ont entraîné la "perte des habitats", des milieux où se développaient ces espèces végétales.
La disparition d’élevage extensif est un gros problème pour la biodiversité.
40% des oiseaux nicheurs menacés
La biodiversité souffre en effet de la disparition des plantes qui sont à la base de la chaîne alimentaire. "On a des effets en cascade qui vont entraîner une perte massive de diversité d’insectes (qui pollinisaient ces plantes), puis d’oiseaux, de chauves-souris".Des effets qui se ressentent dans la région : 40 % des oiseaux nicheurs étudiés sont menacés selon l’observatoire régional de la biodiversité.
"On finira par voir les conséquences directes pour l’homme" aussi, prédit l’auteur de l’étude, en donnant l’exemple de la prairie humide visible sur la photo.
"C’est une véritable station d’épuration, et ça capte aussi énormément de carbone (1 à 3 tonnes par hectare et par an). Quand la prairie aura perdu une grosse partie de ces espèces, elle sera moins apte à épurer l’eau. Et la captation de carbone sera moins importante."
Des solutions à portée de main
Derrière ce tableau "effrayant", Damien Avril discerne pourtant des solutions à portée de main : au-delà "du politique qui doit s’emparer de la thématique", "chacun à son échelle peut dans son jardin essayer de maintenir une petite zone fauchée ; choisir de soutenir des pratiques agricoles qui sont à faibles intrants, basées sur peu d’engrais azotés", pressent-il.Un changement visiblement en cours. D’après un rapport de l’observatoire régional de la biodiversité, les surface cultivées en bio ont été multipliées par 10 en 20 ans.Le changement des comportements alimentaires, c’est une grosse partie de la solution.