La loi de finances 2025 examinée à l'Assemblée nationale depuis ce lundi 21 octobre, prévoit une baisse de 30 % des crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). Une coupe drastique dans le budget des 770 radios associatives françaises comme l'emblématique Radio Béton à Tours qui doit fêter ses 40 ans l'année prochaine.
"C'est une coupe franche annoncée qui concerne plus de 700 radios sur le territoire national, une cinquantaine dans la région Centre-Val de Loire, une dizaine en Indre-et-Loire". En 25 ans de radio, s'il est habitué aux baisses de subventions, Thomas Cherrier, président de Radio Béton n'a jamais connu une telle situation.
Le FSER, 40 % des ressources des radios associatives
La Loi de Finances 2025 actuellement examinée à l'Assemblée nationale prévoit une baisse de 10 millions du FSER, fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Il passerait de 35,7 millions en 2024 à 25,3 millions en 2025. Soit une baisse de 30 %.
Créé en 1982, le FSER a pour objet de permettre aux radios associatives locales d'assurer leur mission de communication sociale de proximité auprès des territoires, grâce à des aides prévues par la loi. Il représente en moyenne 40 % des ressources des radios associatives. En contrepartie, la publicité ne devait pas dépasser 20 % de leur financement.
La FSER représente une large part des ressources de Radio Béton qui a fait le choix dès le début de fonctionner sans aucune publicitaire commerciale. "C'est notre ADN depuis le début. C'est une radio qui a été fondée par des punks. On tient à être cette voix contestataire et indépendante. lI n'y aura jamais de publicité sur Béton", martèle Thomas Cherrier, président de Radio Béton depuis 10 ans.
Cette indépendance était donc garantie par le fonds de soutien à l'expression radiophonique qui permet de financer les salaires de deux salariés en CDI et deux jeunes en service civique. "Une baisse des subventions de 30 % signifie une baisse d'un tiers de notre budget. Cela signifie qu'on va devoir potentiellement faire le choix d'un licenciement économique," déplore Thomas Cherrier.
Radio Béton compte environ 3 000 auditeurs par jour. Mais sa mission va au-delà des ondes. Elle porte notamment le festival Aucard de Tours et le marché de Léon. Elle organise des actions en faveur des publics discriminés, des ateliers pédagogiques dans les quartiers, met en avant les producteurs locaux et l'agriculture raisonnée." On est présent dans la mémoire collective des Tourangeaux. Ce n'est pas qu'une musicale même si la découverte de la scène locale est essentielle pour nous. On est dans tous les champs de la société et plutôt du côté militant," rappelle le président de Radio Béton.
Les salariés, piliers garants de l'identité de Radio Béton
Perdre un salarié sur deux pour une radio associative comme Radio Béton aurait de lourdes conséquences : "La radio perdrait son identité parce que les reportages de rue, l'agenda culturel et social, le montage les émissions, tout le quotidien d'une radio est fait par des salariés, les bénévoles travaillant la journée," explique Thomas Cherrié.
Les deux salariés de Radio Béton sont les piliers aux multiples casquettes de cette antenne contestataire née en 1985 dans un garage. Ils permettent aux 80 bénévoles de l'association de réaliser leurs émissions dans les meilleures conditions.
Ludovic Jay est animateur, technicien, réalisateur et formateur depuis cinq ans. Issu du monde associatif, il a choisi Radio Béton par conviction.
"Je suis d'abord venu pour la passion pour la musique et parce que c'est une radio locale qui organise des événements à l'extérieur comme Aucard de Tours. Ensuite, je me suis reconnu dans les valeurs humaines qui sont véhiculées et dans ce qu'on défend. On a plein d'émissions sur l'aspect sociétal, sur l'écologie par exemple", explique Ludovic Jay.
Mélissa Poupart est coordinatrice d'antenne, programmatrice et animatrice. Elle coordonne toutes les équipes salariées et tous les bénévoles. "L'annonce de cette baisse de subventions est un coup de massue qui arrive. On vit avec un gros nuage gris au-dessus de notre tête", confie la jeune femme qui a commencé ici via un service civique. "Je suis très inquiète pour mon emploi, mais aussi pour ceux de mes collègues. Je vois l'impact que ça a sur toutes les autres radios. "
Elle craint que cette coupe budgétaire entraîne la disparition d'une partie d'entre elles. Les radios associatives emploient environ 800 personnes en France.
Si elles disparaissaient, cela voudrait dire la perte d'une identité, d'une voix qui n'est pas celle des radios commerciales.
Mélissa Poupart, représentante nationale de la FERAROCK et salariée Radio Béton
Mélissa Poupart est aussi représentante nationale de la Fédération des radios associatives, la FERAROCK.
"Il y a des radios qui sont seules dans leur territoire. Si elles disparaissaient, cela voudrait dire la perte d'une identité, d'une voix qui n'est pas celle des radios commerciales. Elles ont une voix plus libre. Elles transmettent des savoirs et font beaucoup d'éducation aux médias," rappelle la jeune femme très investie. Puis, elle précise : "Elles apportent aux nouvelles générations une manière de faire, une manière de dire, une manière d'écouter aussi pour prendre en compte différentes positions."
Ludovic Jay confirme : "Elles sont essentielles pour la diversité de propos qui sont tenus dessus. Elles ont des opinions totalement différentes. C'est important que chacune de ces radios puissent s'exprimer."
Un amendement pour maintenir le budget du FSER voté par les députés
Une lueur d'espoir pour les radios associatives... Dans le cadre de la cadre de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation de l'Assemblée Nationale, les députés ont voté un amendement rectificatif à la loi de finances 2025. L'amendement porte à 12 millions d’euros supplémentaires le budget du Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER) prévu pour 2025.
"Cet amendement constitue un soutien essentiel à la préservation de l’avenir des radios associatives, véritables vecteurs de diversité médiatique et d'information de proximité. Cependant, ce vote n’est qu’une première étape dans le processus législatif", annonce l'association Les Locales, regroupant la CNRA - Confédération Nationale des Radios Associatives et le Syndicat National des Radios Libres (SNRL).
L'amendement devra encore être examiné en séance, à l’Assemblée Nationale, au Sénat et être adopté dans le texte final du Projet de Loi de Finances.