COVID-19 : 2020-2021, une année hors-norme au Centre Hospitalier de Tours, les soignants dressent le bilan

Entre le premier cas de COVID-19 confirmé le 4 mars 2020 (une patiente de 73 ans) et le deuxième déclenchement du Plan blanc le 10 mars 2021 (20% des activités déprogrammées), le CHRU de Tours revient sur une année hors-norme pour tout le système de santé français.

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Puisque l'on a beaucoup comparé la lutte contre le coronavirus à une guerre, le Professeur Patat, à la tête de la Commission médicale d'établissement (CME) choisit de filer la métaphore :

"Lorsque le premier patient nous est arrivé début mars 2020, nous sommes partis en campagne. Le jour du confinement, le 17 mars, il y avait 25 malades au CHU, mais lors du pic, début avril, nous en comptions 150, dont 50 en réanimation. A l'époque, on se réorganisait au jour le jour, la solidarité était extrême, on ne pensait qu'à lutter contre cette maladie. Et à la fin du printemps, nous avions le sentiment d'une campagne victorieuse. Entre fin juin et mi-juillet, aucun nouveau malade n'a été hospitalisé."

Mais le répit sera de courte durée, et les soldats du CHRU vont vite déchanter :

"Depuis de nombreux mois, nous accueillons en permanence entre 80 et 90 patients, nous sommes entrés dans une guerre de tranchées, poursuit le Pr Patat. Nous ne sommes plus dans le même enthousiasme, plus personne ne voulait se retrouver dans la renonciation aux soins, dans les déprogrammations. Le CHU n'est pas dimensionné pour faire face à une telle charge supplémentaire, d'où les difficultés que nous connaissons aujourd'hui."

Le Pr Louis Bernard, responsable de la prise en charge médicale, a été lui aussi très marqué par l'arrivée de l'épidémie sur notre territoire. :

"On a attendu longtemps les premiers patients, voyant arriver la vague depuis l'Est ou l'Italie. Puis nous avons accueilli les premiers malades, une étape difficile. Tout le monde se tournait vers moi pour savoir quoi faire, comment les prendre en charge. L'adrénaline coulait dans nos veines, on ne comptait pas nos heures. Et puis il y a eu le premier décès, une personne âgée, isolée, en quarantaine derrière deux portes. Tout le personnel était très perturbé, notamment par cette housse qu'il fallait mettre immédiatement, par méconnaissance. Comment laisser mourir ainsi une personne seule, sans famille? Heureusement, les choses ont évolué, aujourd'hui on autorise les visites."

Un autre regard sur les personnes âgées

Au total, sur cette année terrible, 1324 patients COVID ont été pris en charge au CHRU de Tours. L'épidémiologiste Leslie Grammatico-Guillon relève que la létalité (mortalité) y est de 10%, "bien en dessous de la létalité au niveau nationale. L'efficacité de la prise en charge a permis de limiter les dégats au niveau local." 

Les formes graves de la maladie touchent essentiellement les personnes âgées. Et le professeur Bertrand Fougère, chef de gériatrie, constate une évolution à ce sujet :

"Cette crise a beaucoup changé le regard des soignants et de la société en général sur les personnes âgées. Cela a mis en lumière le gros travail à faire sur ce que nous appelons "l'âgisme", une forme de discrimination envers les plus âgés. Il y a beaucoup de discussions autour de leur prise en charge, ce qui est positif. Il faut rappeler que l'âge médian des personnes atteintes de COVID-19 hospitalisées en France est de 73 ans. Au dessus de 75 ans, on risque 6 fois plus d'être hospitalisé, 10 fois plus de mourir..."

Depuis le 14 mars 2020, le service de réanimation du professeur Pierre-François Dequin a pris en charge 306 patients, atteints d'une forme sévère de COVID-19 :

"La première admission a eu lieu le 14 mars 2020, avec un pic très marqué en avril et baucoup de patients transférés de l'Ile-de-France ou des départements voisins. Un deuxième pic a eu lieu en octobre-novembre, et depuis de longs mois, nous restons sur un plateau très élevé. Il y a beaucoup de lassitude aujourd'hui. Il faut rappeler que lors de la première vague, la France était confinée, la plupart des opérations, hors urgences, étaient déprogrammées. Nous avions des moyens dont nous ne disposons plus aujourd'hui".

Les déprogrammations ne sont pas sans conséquences

Le CHRU vient de déclencher son deuxième Plan blanc (après celui du 2 avril 2020), en déprogrammant 20% de ses activités. Le Dr Eric Pichon, pneumologue, en redoute les conséquences :

"Lors du premier confinement, le monde s'était arrêté, tout tournait autour du COVID. Puis les patients ont commencé à revenir, avec parfois des pathologies plus sévères du fait de retards de diagnostic. Il a fallu les prendre en charge, mettre en place des parcours de soin, avec des tensions fortes en lits sur les secteurs non-COVID. Il faut trouver au quotidien des solutions via des prises en charge en ambulatoire, chronophages et sources de tensions dans le personnel."

On parle beaucoup des morts imputables au COVID, mais il ne faudra pas méconnaître le nombre important de décès hors COVID, en lien avec cette épidémie et le retard de diagnostic ou de prise en charge.

Dr Eric Pichon, pneumologue

La vaccination en seule porte de sortie

Le Pr Bernard rappelle qu'il n'existe toujours pas de méthode curative :

"Nous ne disposons que d'une méthode préventive, la vaccination, sous réserve qu'il n'y ait pas trop de mutants et que les vaccins restent efficaces et bien tolérés. On s'est adapté au fil du temps, avec par exemple la cortico-thérapie, ou une ventilation moins agressive, ce qui a permis de sauver des patients. Mais il n'y a toujours pas de solution miracle en thérapeutique. C'est pourquoi il est extrêmement important de ne pas baisser la garde en matière de recherche, de bien jouer notre rôle hospitalo-universitaire, car de nombreux produits curatifs arrivent à l'essai. Et le virus n'a probablement pas dit son dernier mot."

Au 15 mars 2021, 13 111 injections vaccinales ont été réalisées au CHRU de Tours, ce qui correspond à 8774 personnes. 3923 d'entre elles sont des professionnels de l'établissement. Plus de 60% du personnel est ainsi déjà vacciné.

Spécialiste des maladies infectieuses, L. Grammatico-Guillon considère que la mise en oeuvre de la campagne vaccinale (28 décembre en Indre-et-Loire) est un exploit :

Il ne faut pas oublier que l'on a découvert cette maladie il y a seulement un peu plus d'un an...Le développement de vaccins a été réalisé dans des temps records et l'on peut espérer aujourd'hui une sortie à cette crise. Il y a peut-être enfin une lumière au bout du tunnel.

Dr Leslie Grammatico-Guillon

 

D'une façon générale, tous les intervenants lors de ce bilan saluent la solidarité des personnels dans ce combat contre le coronavirus, leur capacité d'adaptation, le décloisonnement des services et des professions. Mais tous soulignent aussi l'épuisement, la lassitude qui ont fini par s'installer dans cette crise qui semble interminable.

S'il se félicite de la mise en place du plateau commun COVID, le Dr Eric Pichon constate le manque, notamment, de personnel non médical : "la pénurie en ressources humaines a été le fil conducteur de cette année".

La directrice générale du CHRU elle-même, Mme Marie-Noëlle Gérain-Breuzard, reconnaît que "tout s'est fait au prix de nombreux efforts, un coût humain qui se traduit aujourd'hui par la lassitude et la fatigue des équipes. Sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les personnels ont dû répondre à des sollicitations importantes.".  Quant au coût financier direct, elle l'évalue à 23,7 millions d'Euros.

Cette crise a été l'accélérateur de beaucoup d'évolutions majeures, et la directrice générale insiste sur "l'adaptabilité du Centre Hospitalier, une structure à laquelle on prête habituellement beaucoup de lourdeurs, de rigidité."

 

 

Soignants, malades, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe. 


 

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