CRS au sein de la compagnie de Saint-Cyr-sur-Loire, Nicolas a été amputé de la jambe gauche suite à un grave accident de la route. Cette "pénalité de la vie", il en a fait une force. A 37 ans, il rêve d'or aux prochaines paralympiades.
"Se dépasser" : c'est dans cette catégorie que Nicolas a été récompensé par la Mutuelle des forces de l'ordre le 10 mars dernier. Une "médaille de l'engagement" qu'il a reçue pour son illustration dans le tir de précision et la poursuite de carrière après un grave accident de moto qui lui a fait perdre une partie de sa jambe gauche. "Je suis pas Captain America ou Iron Man, je veux pas de ce rôle de héros. Je suis juste un fonctionnaire de police qui veut continuer de servir son pays". Mais avant d'en arriver à cet état d'esprit, le chemin a été long.
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Un accident qui va changer le cours de sa vie
Nicolas est arrivé au sein de la compagnie de Saint-Cyr-sur-Loire en 2016. Originaire d'Angers, c'est la proximité avec sa ville d'origine qui l'a convaincu de venir s'installer dans l'Indre-et-Loire. Il a alors 31 ans.
Le 9 juillet 2018, aux alentours de 15h30, alors qu'il sortait d'une séance de tir de précision, une voiture lui a coupé la route à hauteur de Varenne-sur-Loire, dans le Maine-et-Loire. "Je suis passé par dessus la voiture et je me suis retrouvé dix mètres plus loin. J'ai réussi à enlever mon casque sans trop regarder mon état pour éviter d'entrer dans un état de choc". Si cela avait été le cas, il pense qu'il n'aurait pas été apte à prendre de véritables décisions pour assurer sa survie. Et lorsque la conductrice est sortie de son véhicule pour lui venir en aide, "je pleurais seulement de peur de ne jamais revoir mon fils qui venait de naître".
Très vite, j'ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même après cet accident
Nicolas, CRS à Saint-Cyr-sur-Loire
Par chance, une infirmière de l'hôpital de Saumur, qui conduisait la voiture de derrière, a pu lui venir en aide avant l'arrivée des secours. Une fois sur place, les pompiers ont installé de grandes bâches pour éviter qu'il soit exposé au public. "J'avais réussi à m'asseoir pour protéger mes organes vitaux et tenter de survivre. Je pense vraiment que mon pronostic vital était plus ou moins engagé à ce moment-là". En urgence, il est transporté par le SAMU.
"Mieux vaut une bonne prothèse qu'une mauvaise jambe"
A l'hôpital, le chirurgien du service orthopédique lui disait qu'il risquait de marcher avec une canne jusqu'à la fin de ses jours, que peut-être il boiterait et qu'il ne pourrait sans doute plus courir. Les opérations s'enchainent, sans effet et au prix de "douleurs extraodinaires" jusqu'à ce que le verdict tombe : il faudra amputer sa jambe gauche au niveau du tibia. "J'étais à moitié conscient de ce qu'il se passait. Mais d'après le médecin, j'aurais répondu "j'ai toujours rêvé d'être un pirate". Je vivais plutôt bien les choses" rit-il à l'autre bout du fil. Comme il le dit, "mieux vaut une bonne prothèse qu'une mauvaise jambe".
Les mois de juillet et août 2018, Nicolas les passera en rééducation, à apprendre à vivre "dans un nouveau monde, celui du handicap". Une période facilitée par sa condition physique puisqu'avant son accident, le CRS pratiquait la musculation, la course à pied, la natation et la boxe française. Lorsqu'il raconte son histoire, il n'apparait comme impacté d'un point de vue moral, comme s'il avait accepté tout de suite ce handicapt à vie. Cependant, une question le hante : celle de sa carrière. "Là-dessus, les CRS ont fait un travail extraordinaire en me laissant la possibilité d'exercer. Pas dans les mêmes conditions évidemment, mais aujourd'hui je me suis découvert une passion pour le tir de précision".
Il y a eu des doutes sur ma faculté à reprendre et assurer ma mission au quotidien, maintenant je veux être un vecteur de positivité et de possible
Nicolas, CRS à Saint-Cyr-sur-Loire
Plus épanoui que jamais
Dans la rue, Nicolas n'a pas peur de montrer sa prothèse. "Je fais de la pédagogie quand les enfants me montrent du doigt. Je leur dis que j'ai eu un gros bobo et que pour le réparer, les médecins ont mis une jambe de robot". Dans les salles de musculation, il confie que les gens ont du mal à croire que l'on puisse faire autant de sport dans ces conditions.
Mais pour la famille du trentenaire, accepter le handicap a été compliqué durant les premiers temps. "Concernant mon épouse, il a fallu passer au-delà du regard des gens sur la vie à deux". Pour lui, son plus grand rêve, c'était de pouvoir marcher et prendre soin de ses enfants. Son fils de 4 ans, né peu de temps avant l'accident, mais aussi sa fille de 3 ans, qui elle, ne l'a jamais vu lorsqu'il était encore valide.
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Au fil des années, le CRS a même pardonné à la personne qui l'a renversé. "Je la rencontre de temps pour lui offrir un café et un croissant" s'amuse-t-il. "Elle ne cesse de me dire qu'elle a de la chance d'être tombé sur moi. C'est une dame qui a été traumatisée par l'accident et le fait que je sois toujours debout physiquement et psychologiquement, ça l'a aidé à surmonter cette épreuve". Malgré son état second au moment de l'accident, il se souvient encore de la façon dont cette personne s'est mise à genoux devant lui pour qu'il repose sa tête sur ses jambes. "Je peux presque dire que c'est une amie et je pense qu'on sera toujours un peu liés".
Aujourd'hui, Nicolas donne des conférences à la mission d'accompagnement des blessés de la Police Nationale. "J'anime par le biais du témoignagge un temps de reconstruction par le sport. Ce sont des gens blessés, physiquement ou psychologiquement en mission au sein de la police". Et à ces personnes, il leur parle de son prochain objectif : les Jeux Paralympiques de Paris 2024 auquel il aimerait participer avec l'équipe de France. Il s'entraîne pour cela 1h30 cinq fois par semaine sur son lieu de travail mais aussi chez lui avant de passer les sélections au Centre National de tir sportif de Châteauroux dans le courant de l'année 2024. Rien ne semble donc arrêter celui qui a juste eu affaire à "une penalité de la vie".