Tours : le plus ancien festival de cinéma LGBT de France sort un livre pour ses 30 ans

Juste avant les 30 ans du festival Désir...Désirs, sortie du livre "Festival Désir Désirs : un roseau sauvage" un ouvrage collectif qui dévoile les coulisses du plus ancien festival de cinéma LGBTQI+ de France, créé en 1993 avec les Cinémas Studio à Tours.

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Il a fallu 3 ans de recherches, de visionnages, dans 30 ans d’archives du festival "Désir… Désirs", pour permettre cette exploration du 7ème art, reflet des transformations et de l’évolution de la société contemporaine sur les thématiques LGBT et la place des femmes dans la société. Un ouvrage collectif mené par 9 auteur.rice.s, universitaires, sociologues, cinéastes, humoristes, bénévoles des Studio.

Désir…Désirs : un roseau sauvage s’accompagne d’une exposition dans les jardins des Cinémas Studio du 10 au 30 janvier 2023. "Tel un passeur de mémoire cette exposition a pour objectif de raconter le parcours d’un objet culturel et militant" nous confie Mickaël Achard, coordinateur du festival "Désir…Désirs" depuis 8 ans.

 Un festival contre l'ordre moral

C’est en 1992 que Philippe Perol et Rémi Lange, bénévoles aux Cinémas Studio, et impliqués dans la Maison des Homosexualités de Touraine, proposent au cinéma d’art et d’essai tourangeau, l’organisation d’un festival de cinéma gay et lesbien porté par leur association. "Autres désirs", la première édition du festival verra le jour en janvier 1993.

La volonté des 2 créateurs était de montrer que le désir ne suivait pas les règles de la société, que le désir était possible sans se tourner vers quelqu’un du sexe opposé.

"Autres désirs" interroge à ce moment précis, les représentations des  désirs et de la sexualité à travers les images. Cette année- là les grands cinéastes sont au programme avec Théorème de Pasolini, Querelle de Fassbinder mais aussi les Nuits Fauves de Cyril Collard sur la vie et la peur de toute une génération avec le VIH, l'attente de trithérapies pour lutter contre le Sida. A Tours les associations homosexuelles sont encore confidentielles mais chacun compte un ou des amis morts du Sida.

Mickaël Achard, coordinateur du festival depuis 8 ans, revient sur ce contexte historique de la création du festival en 1993. 

C’était une honte à l’époque, il fallait donner de la visibilité sur toutes ces thématiques là et montrer que les personnes minoritaires ne sont pas des monstres, et que les désirs, ces désirs-là sont normaux.

Mickaël Achard coordinateur du festival Désir... Désirs

Il ajoute : "C’était un contexte encore plus singulier à Tours car Jean Royer, le maire de l’époque, surnommé 'le père la pudeur' faisait campagne contre 'l’apologie des déviations sexuelles dans tout' et refusait d’aider ces associations. Des élus tenaient ouvertement des propos homophobes. Donc il y avait un axe militant dans le fait de créer un festival de ce type-là."

Pour cette 1ère édition, certains abonnés des Cinémas Studio avaient déchiré leur carte en signe de protestation mais le plus grand cinéma indépendant d’art et d’essai de France, n’a jamais lâché le festival qui   a acquis au fil des ans une réelle légitimité. Aujourd’hui c’est le plus ancien festival LGBTQI+ de l’hexagone.

Entre coming-out et peur de mourir du Sida

"Désir…Désirs et les Studio ont été précurseurs car aujourd’hui en France il y a une vingtaine de festivals sur ces thématiques en France, une visibilité  que n’imaginaient pas les créateurs de la 1ère édition, 30 ans plus tôt."

Ce 1er festival a vu aussi l’éclosion de cinéastes et des premiers coming-out filmés. Rémi Lange, un des cofondateurs du festival, raconte dans le livre, sa peur de mourir du Sida, sans laisser aucun témoignage. Avec sa caméra Super-8 il a voulu montrer ce qu’était la vie d’une personne gay. Tout le monde était touché dans la communauté et il y avait des morts enterrés chaque semaine. Son journal  intime filmé Omelette.

Cette aventure cinématographique, militante mais aussi sociétale se dévoile à travers les 30 ans d’archives du festival. Mickaël Achard, coordinateur du festival fait partie de ceux et celles qui ont impulsé l’écriture du livre avec des écrivain.e.s, sociologues, journalistes,  humoristes et réalisateurs.

"Au départ on ne parlait jamais de gay, lesbien, de thématiques LGBT, c’était tabou car il ne fallait pas trop le montrer. Déjà ils osaient créer un festival comme ça ! Il ne fallait pas non plus être militant à outrance car sinon on pouvait faire peur, peut-être aux abonnés des Studio, aux élus, aux institutions, donc ce n’était pas possible."

Un festival ancré dans la société

Au fur et à mesure de la plongée dans la mémoire du festival, au fur et à mesure des années, l’évolution se fait sentir. En 1996 le festival devient "Désir…Désirs" Mickaël se souvient : "Au milieu des années 2000 on a commencé à parler des LGBT, le terme s’est aussi popularisé, il a été légitimé dans la société et maintenant on revendique le fait d’être le plus vieux festival de France sur les thématiques LGBT et la place des femmes dans la société."

"Le festival en lui-même a évolué, le lexique a évolué, les sujets abordés ont aussi évolué et ça fait écho aussi au cinéma qui a évolué en fonction de la société qui a changé."

Aujourd’hui la question des désirs est toujours au cœur du festival Désir…Désirs, un peu moins sur la question des sexualités mais plus  sur des questions d’identité, être transgenre, qu’est-ce qu’être un homme, une femme. Quelle est la place des minorités dans la société ?

Un cinéma plus inclusif

Le cinéma, en 2023, est-il devenu plus inclusif ? La réponse est oui pour Mickaël Achard. Il y a eu une évolution au même titre que la société est plus inclusive.

"Avant, on ne pouvait pas parler des personnes LGBT, elles étaient vues comme des monstres, les droits des femmes étaient assez limités. Plus la société a évolué, plus elle a inclus et donné des droits à toutes ces minorités- là, ça a eu un écho dans le cinéma et finalement les personnes LGBT, elles-mêmes ont décidé de faire des films sur ces sujets- là", explique-t-il.

Au début des années 1990, il y avait très peu de films qui ont eu un écho national ou international comme Les Nuits Fauves ou Philadelphia. Aujourd’hui il y en a beaucoup plus et Mickaël insiste aussi sur le contenu qui a beaucoup changé. Les premiers films traitaient beaucoup du SIDA et des violences, des discriminations subies par les homosexuels, des films dramatiques. "Aujourd’hui les personnes LGBT sont plus incluses dans la société et les histoires  sont un peu plus joyeuses et les sujets sont plus intersectionnels."

Avant on allait juste parler d’un gay en tant que tel, aujourd’hui on va parler d’un gay qui subit des conditions sociales particulières, qui peut être musulman. Donc il y a une rencontre entre plusieurs thématiques. C’est aussi en ça que le cinéma est plus inclusif

Mickaël Achard co-auteur du livre Désir...Désirs un roseau sauvage

Le livre Désir…désirs un roseau sauvage est disponible au Cinémas Studio et à la librairie Bédélire, un ouvrage passionnant, affiches , témoignages, happenings, pour tout connaitre sur ce festival hors normes et pour certains retrouver un pan de l’histoire de la société tourangelle. La présentation du 1er ouvrage consacré au festival sera accompagnée d'une exposition dans les jardins des Studio  du 10 au 30 janvier 2023.

Le festival Désir…Désirs revient du 18 au 24 janvier 2023, pour souffler les bougies de son 30ème anniversaire, une semaine cinématographique qui sera suivie d’évènements prévus sur toute l’année. T. Exposition d'affiches de Tom de Pékin à l'Hôtel Gouin à Tours du 18 au 25 février, premier salon du livre Queer début février, des spectacles, des soirées folles, un très bel anniversaire en perspective.

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