Le Tours Volley Ball accueille Chaumont ce samedi 13 mai, en match retour de la finale du Championnat de France de Ligue A. Après la claque subie à l'aller (3-0), il faut gagner pour ensuite jouer la saison sur un ultime set (golden set) samedi soir.
Il a toujours le sourire, malgré la pression du résultat. Marcelo Fronckowiak nous a reçus chez lui pour un long entretien et pour parler de volley-ball, de la vie, de la relation à l'autre et de musique.
A l'aube de la finale retour du championnat de France, l'entraîneur brésilien du TVB est confiant et déterminé. La pression n'a pas d'emprise sur lui, même si elle plane dans un club où la culture de la gagne est omniprésente.
Le coach, arrivé à Tours en 2021, n'a pas évacué les questions, il a répondu avec sincérité. Après un 11e titre en Coupe de France remporté en avril 2023, le TVB doit s'imposer face à Chaumont, dans sa salle Grenon, ce samedi 13 mai pour valider "tout le travail", une très belle saison et à la clé, un 9e titre de Champion de France.
Après une année particulière, vous avez renoué avec un titre et la victoire en Coupe de France ?
Marcelo Fronckowiak : C’est toujours important de valider tout un travail avec des titres et je suis heureux que nous ayons remporté la Coupe de France. L’an passé, on a fini avec un sentiment très mitigé [ndlr. 3 finales en championnat de France, en Coupe de France et en Coupe d'Europe, et 3 défaites]. On a fait un parcours incroyable en Coupe d’Europe et on perd en finale face à Monza.
En finale de Coupe de France, on est champion pendant 3 minutes et finalement les arbitres reviennent avec un challenge vidéo et on finit par s’incliner. La fin de saison est délicate, il y a beaucoup d’usure physique et mentale
Cette saison n’a pas été sans difficulté ?
C’est une saison difficile avec beaucoup de blessés au départ. La chance ne nous sourit pas trop dans la première moitié. En Champions League, Zeljko Coric se blesse à l’échauffement (NDLR : face à Friedrichshafen en 8e de finale) avant de rentrer sur le terrain. Cela nous a coûté beaucoup. Mais l’équipe a su se reconcentrer.
La Coupe nous donne un sentiment de réussite, de succès et de soulagement. Et on veut gagner cette finale. On va tout donner pour redevenir Champions de France. Mais dans la durée, la régularité, le travail proposé à Tours est de très haut niveau : on est premiers de la saison régulière, qualifiés en Ligue des Champions la saison prochaine. Notre ADN est d’être en Europe. Si on ne gagne pas cette année le championnat, on gagnera à nouveau ce titre dans les prochaines années.
Comment vous sentez vous à Tours et allez-vous vous inscrire dans la durée un peu plus ici qu’ailleurs ?
D’abord c’est un plaisir d’être en France. J’adore la culture française, la langue française. Et le volley français était très important pour moi. Au début des années 80, au Brésil il y a le début de la fièvre du volley. Du Brésil, j’ai appris à connaître les Alain Fabiani, Philippe Blain, Laurent Tillie quand ils font 6e en 1986 aux championnats du monde organisés en France. J’ai eu envie de travailler sur place et de connaître cette culture. J’ai eu l’opportunité d’exercer à Tourcoing. Face à moi, j’ai dû affronter Tours. Et cette équipe, c’était le top. Une équipe qui a changé l’histoire du volley au niveau français, européen et mondial.
Quand la proposition de Bruno Poilpré et Pascal Foussard arrive, je travaille alors en Pologne. J’ai dit oui tout de suite. Je savais qu’avec ce staff (technique et médical) et la structure, je pourrais montrer la qualité de mon travail. Mais la responsabilité à Tours est très très grande. Il y a un passé derrière moi. C’est marrant, Vladimir Alekno (entraîneur Franco-Biélorusse) est passé par Tours : il est champion olympique. Giampaolo Medei (entraîneur Italien), Cédric Enard, Patrick Duflos, Hubert Henno : ils sont tous passés par Tours et ailleurs, ils font du très bon boulot. S’inscrire dans la durée, c’est travailler dans la régularité et pouvoir avoir des titres de temps en temps.
C'est dur cette pression à supporter à Tours ?
Au volley, il n’y a pas de match nul. Nous sommes habitués. A partir du moment où tu bosses, tu as des résultats même si parfois tu ne gagnes pas les finales comme l’an passé. Mais on est fier d’avoir fait cinq finales en deux ans depuis mon arrivée. La pression fait partie de mon métier. Je dois bosser, analyser les statistiques, donner de l’énergie aux joueurs.
Je dois essayer de "driver" comme on peut. Après, il y a le management humain et la question émotionnelle, psychologique. J’ai toujours dit que la performance, elle est liée à : la technique, la tactique, savoir lire le jeu, une bonne condition physique et un mental d’acier comme on aura samedi soir face à Chaumont. Mais la pression fait partie de mon métier.
Comment est ta relation avec Pascal Foussard, le directeur général du TVB ? Et quel est l’homme ?
Pascal, c’est quelqu’un de très important pour le volley-ball Français. Ce n’est pas seulement important pour la construction de ce club, le Tours Volley Ball. Même si le Tours Volley Ball, c’est Pascal Foussard. Nous tous, nous commençons à penser quand il va prendre sa retraite. Quand j’étais à Tourcoing, c’était dur. Mais on a toujours gardé le lien, on s’échangeait des infos. J’espérais qu’un jour, on aurait une relation professionnelle et c’est le cas aujourd’hui. C’est aussi une relation de respect avec une personne qui n’aime pas perdre.
Mais c’est quelqu’un qui a développé des compétences incroyables pour le management du sport, humain, du club. Je dis "chapeau" et je le respecte beaucoup même si parfois c’est difficile, il peut être très dur mais il ne se cache jamais. Mais on a établi une relation ouverte, directe et honnête. Et heureusement on a des personnes comme lui. Le volley prend de plus en plus d’importance en France : la France est championne olympique. Si la France est championne olympique, c’est grâce à Tours, grâce à Pascal Foussard.
L’après Pascal Foussard sera difficile pour Tours et le volley Français ?
J’ai signé pour 3 ans de plus en fonction de lui et de la proposition de Bruno et Pascal. Même s’il ne sera plus présent 8 heures par jour, j’espère qu’il pourra continuer à faire du consulting et participer à la vie du club. Il va préparer et aider à faire la transition avec la personne qui va le remplacer pour faire passer la culture du travail. Pour la fédération et l’équipe de France, pour le TVB, j’espère qu’on profitera de son héritage. Combien de managers sont champions olympiques ? Il y en a très peu. [NDLR : Pascal Foussard a été sacré champion olympique avec l’équipe de France en tant que manager, et quittera le TVB en juin 2024].
Quelle équipe, quel groupe pour l’an prochain ?
On a des supers joueurs. Mais s’ils ont une belle proposition financière, c’est normal qu’ils partent. Luke Perry est parti l’an passé, on a rien pu faire pour s’aligner. Après la législation française est défavorable : nous en France on paie le prix de cette loi qui protège socialement mais il y a beaucoup d’impôts. Et partout où je vais en Europe, c’est moins cher pour les clubs.
Cela pénalise les clubs français car on respecte la même législation et le cadre réglementaire qu’un ouvrier normal. Et le sport de haut niveau, ce n’est pas la même chose. Souvent, de belles prestations de nos joueurs passés par Tours sont finalement valorisées plus tard ailleurs. Après de faire des changements de temps en temps, c’est normal. La relation entre nous, elle est très intense. On passe plus de temps entre nous qu’avec nos familles.
Vous aimez la relation à l’autre, vous êtes en permanence dans l’échange, comment voyez-vous la vie ?
Je n’arrive pas à imaginer ma vie sans être en relation avec les gens. Je partage en Français avec vous en ce moment. Mais si j’étais en Afrique, en Pologne, en Russie… je vais toujours faire un effort d’aller vers l’autre, de parler la langue. Les rapports humains sont très importants pour moi et ils me construisent. Dans un monde difficile, il faut se mettre à la disposition : « qu’est-ce que je peux apporter ?.
Se mettre disponible pour construire c’est un peu romantique et un peu fou. Je l’ai appris avec mes parents et je le partage avec ma femme, mes enfants avec les gens qui passent dans ma vie. Le bien commun, la bienveillance. Nous on est heureux, on est bien installés, on n’a pas de gros problèmes….on a un gros match à jouer samedi mais c’est un bonheur. Alors il faut se réjouir de cette possibilité !! (rires)"