Au début des années 50, des milliers de soldats américains débarquent à Châteauroux dans le Berry. Aujourd’hui, l’US Muséum retrace cette époque qui a marqué une génération de Castelroussins.
Imaginez cette petite ville de province, quelques années après des années de guerre, qui voit arriver 7000 militaires de l'US Air Force dans leurs belles et grosses voitures, cigares et dollars à la main. Ils seront jusqu'à 10 000 à travailler sur la base aérienne.
Après la seconde guerre mondiale, en pleine guerre froide plusieurs bases militaires des alliés de l'OTAN s'installent sur le territoire français, essentiellement des bases de l'armée américaine.
Les soldats américains connaissent déjà les terres berrichonnes. Depuis la fin de la première guerre mondiale, Châteauroux possède un aérodrome au lieu-dit "la Martinerie" et une école de pilotage qui a formé près de 300 élèves pilotes américains. La situation stratégique centrale et une météo clémente toute l’année avec peu de brouillard et peu de vent séduisent les Etats-Unis qui décident d'établir une base de l'armée de l'Air dans l'Indre en 1951. Châteauroux devient alors le pivot du dispositif américain en Europe Occidentale.
Le rêve américain
Nouvelle langue, nouvelles coutumes, les Berrichons découvrent aussi la modernité. Tiraillés dans les premiers temps entre fascination et inquiétude, ils adoptent rapidement ces nouveaux habitants et envient leur mode de vie d’Outre-Atlantique.
La ville est complètement transformée. Il faut construire 410 logements. La cité de Touvent sort de terre. Les Américains exigent retrouver le confort de vie laissé en Amérique. Leurs logements sont équipés de placards, arrière-cuisine, passe-plat, baies vitrées, toilettes, eau courante et du chauffage central ! Et d'un emplacement pour garer leur voiture de 6,20 mètres de long ! Soit la taille pour garer deux voitures d'aujourd'hui !
Jean-Claude Prot, président de l’association "Châteauroux, c’était l’Amérique" était enfant dans les années 50. Il se souvient : "C'était révolutionnaire ! Ils ont apporté les nouvelles technologies de l’époque, tout ce qu’on voit dans une cuisine maintenant et même les vêtements de couleurs !"
"J’en garde un souvenir merveilleux. Nous, les gamins, nous étions à la porte de l’épicerie américaine avec les 25 cents trouvés par terre et on demandait aux Américains d’aller nous acheter du cola. Ils sortaient avec une délicieuse glace à l’eau. J’en ai encore l’eau à la bouche !"
Jean-Claude Protprésident de l’association "Châteauroux, c’était l’Amérique"
La ville s'anime. En fin de journée, les Cabriolets, Buick et autres Cadillac envahissent les rues du centre-ville. Les bars se remplissent. Jazz, rock, l’ambiance nocturne enchante les Castelroussins. Ils découvrent également les hamburgers. C'est certainement à Châteauroux qu’a été cuisiné le premier sandwich américain sur le sol français. Joseph Gagné, ancien GI débarqué en Normandie ouvre en 1952 un restaurant, Le "Joe from Maine" en plein cœur de la cité pour régaler ses compatriotes.
Né France – Châteauroux
Aujourd'hui, 4803 Américains possèdent un passeport sur lequel il est mentionné : Né France - Châteauroux.
De 1951 à 1967, la mairie de Châteauroux a célébré 452 mariages entre une Française et un Américain, soit un mariage tous les 15 jours pendant 16 ans !
Régulièrement, des Américains font le voyage dans le Berry pour découvrir leur ville de naissance. "Ceux qui ont passé leur adolescence en France reviennent avec beaucoup de nostalgie. À peine descendus du train, ils nous demandent si on a des nouvelles de Micheline, de Jacqueline... Comme si on connaissait toutes les filles de l'époque." raconte avec beaucoup d'amusement Jean-Claude Prot.
L'US Museum, conservatoire d'une période magique
Il y a quelques années, un mécène américain anonyme offre à sa ville de naissance la flamme de l’amitié, une sculpture en bronze de 3 mètres. Jean-Claude Prot se dit alors qu'il faut faire quelque chose pour faire revivre ces années magiques aux Castelroussins et Américains nostalgiques, et surtout pour transmettre ce passé aux jeunes berrichons. Il crée alors l'association "Châteauroux c’était l’Amérique" avec Mike Gagné, le fils du restaurateur du "Joe from Maine" puis ils ouvrent l'US Museum.
Uniformes, objets du quotidien (appareils électroménagers, vaisselle, jouets, produits d'entretien et alimentaires), coupures de presse, photos ou objets plus insolites comme le sifflet de la military police utilisé pour rappeler à l’ordre les soldats qui avaient (un peu) trop fait la tournée des bars, le musée retrace cette époque si chère aux Berrichons, mais aussi aux Américains.
Tous les objets du musée ont été donnés soit par des Français ou envoyés par des Américains qui ont gardé pendant toutes ces années des souvenirs de leur vie castelroussine. Comme cette Américaine née à Châteauroux qui a fait "don" récemment d'un morceau de tissu. Jean-Claude Prot n'en revient toujours pas : "C’est un morceau de tissu d'un des sièges du bar "L’Imprévu" qu’elle avait arraché et gardé toutes ces décennies".
L'US Museum n'est pas seulement un musée. C'est aussi un lieu de rencontre et d'échanges avec les membres de l'association qui racontent avec nostalgie et passion cette période grandiose qu'ils ont vécue.
Article initialement publié le 17/07/2023