Témoignage. "Je suis entré dans la résistance à 15 ans, dès que les Allemands sont arrivés chez nous ! " Raymond Labbé, 99 ans, raconte

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Raymond Labbé, 99 ans, se souvient très bien de ses années dans la résistance qu'il a rejoint à 15 ans.
A la veille des 80 ans de la Libération de la Touraine, le photographe tourangeau Gabin Bruneau, passionné d'histoire, a souhaité rendre hommage à Raymond Labbé, 99 ans, résistant dans une section près de Château-Renault de 1940 à 1945. Pour celà, le photographe a pris samedi 11 mai une photo du résistant survivant dans les mêmes conditions que celle prise avec ses compagnons d'armes le 16 juillet 1944 à Morand en Indre-et-Loire. ©Marine Rondonnier, Benoît Bruère, François Belzeau

Ce samedi 11 mai, Raymond Labbé, entré dans la résistance près de Château-Renault en Indre-et-Loire à l'âge de 15 ans, a posé pour une photo hautement symbolique. Le photographe tourangeau Gabin Bruneau a souhaité lui rendre hommage en reproduisant le cliché original pris en juillet 1944 à Morand.

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C'est pour ses années d'engagement que le photographe tourangeau Gabin Bruneau a souhaité rendre hommage à Raymond Labbé. "C'est peut-être un des derniers résistants de la première heure encore en vie", raconte le photographe. "Il est important qu'on le remercie et qu'on raconte son histoire aux jeunes générations pour ne pas oublier ces années sous l'occupation et comment ces hommes ont sacrifié leurs années de jeunesse pour libérer notre pays". 

Et quel plus bel hommage de la part d'un photographe passionné d'histoire qu'une photo calquée sur celle prise le 16 juillet 1944 dans la cour de la ferme de la chaîne à Morand. "Chaque détail compte, même l'heure de prise de vue pour avoir les mêmes ombres. Je souhaitais obtenir un cliché quasiment identique mais avec le seul survivant du groupe Raymond Labbé. "

Les accessoires et le cadre identiques à ceux de 1944

Le photographe a donc fait appel à ses amis collectionneurs pour dénicher le même drapeau français, presque la même traction et les mêmes armes. Un pistolet-mitrailleur sten et un fusil-mitrailleur Bren prêtés par un collectionneur. Ces armes étaient parachutées par les Anglais dans le bois de la chaîne juste derrière la ferme pour soutenir les résistants. 

La photo originale de juillet 1944, Gabin Bruneau l'a trouvée dans le livre "1939-1945 Château-Renault et son canton : ce qu'ils ont vécu" écrit par deux passionnées de l'Histoire de la Résistance Emmanuelle Bataille et Line Gay.

Dans leur livre paru en 2021, elles ont consacré de nombreuses pages à Raymond Labbé et se sont longuement entretenues avec lui. Ce qui les a le plus marquées, c'est son engagement total pour la cause de la résistance et son sang-froid malgré son jeune âge.

"Quand il partait pour un sabotage, il décomposait son sten en quatre parties qu'il cachait dans son manteau parce qu'il n'avait pas confiance en ses voisins. Il le cachait aussi à ses parents. C'est fou. Il était tellement jeune", raconte Line Gay. "C'est un monsieur qui nous a beaucoup aidées. Il a une mémoire d'éléphant et à chaque fois que je le vois il a une nouvelle anecdote à nous raconter. On n'a pas pu tout mettre dans le livre". 

Des larmes discrètes

Pour Raymond Labbé, poser seul sans ses camarades pour cette photo presque 80 ans après est très émouvant. "Ça me fait drôle parce que je ne pensais nullement qu'on ferait une chose pareille. C'est très bien. Je remercie tout le monde", tient à dire l'ancien résistant en s'excusant pour les larmes qui coulent discrètement le long de son visage.

Raymond Labbé se souvient très bien du jour où la photo originale a été prise. "On est parti la veille avec des chefs de Saint Nicolas-des-Motets. Quand on est arrivé ici tout était prêt. C'est René Puget qui a pris la photo avec un appareil qu'il a trouvé ici. ll devait rentrer chez lui parce que c'était un agriculteur et que la moisson était aussi importante pour la France que deux ou trois "boches" en moins. Je dis "boches" parce qu'Allemand ça passe pas pour moi. Il a fait la photo avant de partir. Et nous le lendemain on allait attaquer Amboise".  

L'équilibre est fragile mais la mémoire est solide. À 99 ans, Raymond Labbé rayonne. Ce samedi 11 mai, l'ancien résistant est arrivé sous un soleil de plomb dans l'ancienne ferme où il se réunissait avec ses compagnons de la section il y a plus de 80 ans.

C'est là, dans la ferme de la Chaîne à Morand, à huit kilomètres de Château-Renault au nord de Tours, qu'ils décidaient et organisaient les actions à mener. Il n'était jamais revenu depuis.

On n'était pas appelé des résistants, on était appelés des terroristes par les Allemands.

Raymond Labbé, résistant dès 1940

Le vieil homme se souvient très bien des combats à Vouvray, Saint-Ouen-les-Vignes, Villedomer. Mais le souvenir le plus présent est l'occupation d'Amboise et la libération du château des Madères : "On y a fait une quinzaine de prisonniers allemands là-bas, des officiers et sous officiers", raconte-t-il d'une voix claire.

"On n'était pas appelés des résistants, on était appelés des terroristes par les Allemands. Ils ne voulaient pas se faire faire prisonniers. Mais soit ils étaient prisonniers, soit on les faisait sauter là-bas. On avait le docteur Kaps qui était alsacien et c'est lui qui a négocié avec les Allemands. Ils ont quand même fini par accepter d'être faits prisonniers. Mais ce n'était pas rien pour des officiers allemands d'être faits prisonniers par des terroristes..."

Ensuite, Raymond Labbé, imperturbable, revient sur son entrée dans la résistance. Il avait tout juste 15 ans en 1940. "J'étais peut-être un des plus jeunes résistants français. À l'appel du général de Gaulle ... je ne l'ai pas entendu mais ça a coïncidé. C'était le 18 juin 1940 quand les Allemands sont arrivés chez nous". 

Pour mes parents qui avaient fait la guerre de 14-18, Pétain était quelqu'un de bien alors que pour moi c'était un traître dès le départ.

Raymond Labbé, résistant à 15 ans

Il n'a alors pas d'autre choix et s'oppose à ses parents. "Pour mes parents qui avaient fait la guerre de 14-18, Pétain était quelqu'un de bien alors que pour moi c'était un traître dès le départ. Il était affiché à la maison. Il y avait sa photo. Quand je passais devant, je lui crachais dans la figure", poursuit-il avec un petit rire comme si la fougue de ses 15 ans était tout à coup revenue.

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Entretien avec Raymond Labbé, 99 ans, résistant de 1940 à 1945 à Morand près de Château-Renault en Indre-et-Loire ©Marine Rondonnier, Benoît Bruère

"J'avais dit à mon père, "tu changeras d'idée tu sais. Pétain c'est qu'un passage tu verras". Et quand les Américains ont débarqué en 42, et que Pétain a fait tirer sur les troupes américaines, alors là ils ont vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas quand même. Ils ont décroché la photo de Pétain  et j'ai dit à mon père : tu vois je te l'avais bien dit."

Ils ont tous survécu à la guerre 

Ses compagnons de résistance ont tous survécu à la guerre. "Personne de ce groupe n'a été ni tué, ni fait prisonnier. C'est incroyable", rappelle Line Gay. Ils sont tous décédés plus tard bien après la guerre. Raymond Labbé est le seul survivant après une vie de dur labeur comme jardinier. "Il n'y avait pas de motoculteur à l'époque. J'en ai retourné des centaines de mètres carrés de terre. Mais vous voyez ça ne m'a pas tué hein", conclut-il malicieux. 

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