Il a vécu près de quarante ans en Berry. Jorge Carrasco, artiste bolivien, avait choisi ce lieu, après une vie trépidante. Le Menoux, petite commune du Sud de l’Indre, dont sa femme était originaire l’avait accueilli. On y visite son atelier et l’église décorée par ses soins.
Déjà 15 ans que Jorge Carrasco s’en est allé, laissant derrière lui son atelier, sa femme et ses enfants et une œuvre foisonnante. Depuis l’association "les amis de Carrasco" œuvrent pour sa mémoire et la création d’un musée, où les visiteurs pourraient découvrir la richesse de son travail, sa grande diversité et tout ce qui s’en dégage d’humanité.
Jorge Carrasco, le globe-trotter
Il était né le 4 mai 1919 à la Paz. Après avoir étudié les arts plastiques à l’académie des Beaux-Arts de la ville, il devient enseignant. Il commence ses voyages qui le conduiront dans divers pays du monde, notamment en Europe et plus particulièrement à Paris où il fréquente l’Académie de la Grande Chaumière, où il se lie avec de nombreux artistes et intellectuels.
C’est là qu’il rencontre Simone, sa future épouse et la mère de ses cinq enfants. Manko Vernier, un de ses petits-fils nous raconte : "Carrasco faisait un tour en Europe, il exposait un petit peu partout et notamment à Paris, et ils se sont rencontrés tout simplement parce qu’ils habitaient dans le même immeuble. Ensuite il l’a emmené en Amérique du Sud".
Après bien des voyages et des aventures, ils rentreront finalement au Menoux en 1967. Le village et la maison deviendront leur port d’attache. Jusqu’à sa disparition en 2006 à l’âge de 87 ans.
L'exposition au Couvent des Cordeliers
70 œuvres ont été choisies conjointement par la famille et les commissaires de l’exposition pour rendre au mieux la nature de son œuvre foisonnante.
"On a appelé l’exposition "l’Art c’est la vie". Le but c’était de montrer toutes les façons de voir la vie de Carrasco" nous confie son petit-fils.
Toute son œuvre elle tourne autour de ça ; La vie sous toutes ses formes. Il y a beaucoup la mort forcément. Ça va de choses très douces, de l’amour, jusqu’à des choses très dures.
Parmi elles une œuvre gigantesque de neuf mètres de haut et quatre de large, réalisée après la destruction des deux tours du World Trade Center à New-York en 2001, dans laquelle il parle des conséquences du 11 septembre.
"Ce qui revenait aussi beaucoup dans son travail c’est le un plus un égal trois, l’homme et la femme donnant naissance à un enfant, l’artiste et la matière à une œuvre, et ainsi de suite, ce fait de donner, c’est aussi ce qu’on retrouve dans l’exposition" ajoute-t-il.
Le Menoux, le petit village de l'Indre qui a inspiré l'artiste
Après avoir vu l’exposition, pourquoi ne pas se rendre dans le petit village berrichon qui l’a accueilli. Le Menoux est situé dans un des plus jolis coins de l’Indre, à deux pas de Gargilesse, non loin d’Argenton-sur-Creuse.
La visite de l’église entièrement décorée de fresques par l’artiste vaut le détour. Réalisée bénévolement entre 1968 et 1976, Carrasco fait là une œuvre géante ayant pour thème la création de l’homme et de l’univers. Une vision joyeuse et colorée du bing-bang, qui s’étend sur 400 m2.
L’association "les amis de Carrasco" organisent régulièrement des visites guidées du lieu et de l’atelier. Car c’est en arrivant ici que l’artiste s’est mis sérieusement à la sculpture.
Voir cette publication sur Instagram
"Il ne faisait pratiquement pas de sculpture en Amérique du Sud, et ça a été déterminant pour lui, car le travail de la pierre, c’est vraiment dans la deuxième partie de sa vie, quelque chose de fondamental dans son travail, ses recherches, ce qui lui prenait le plus de temps, même s’il continuait à peindre… Il pouvait aller chercher des pierres un peu partout en Europe, il avait ce côté un peu central, et je pense aussi ce côté assez calme, où il pouvait être dans la création sans avoir les tentations de la ville" analyse Manko Vernier.
Les sculptures de Carrasco sont en granit noir de Suède, en marbre de Carare, en ivoire de Rhodes, en onyx d’Argentine, en lave rapportée de Sicile. Elles parlent d’emblée au cœur et enveloppe le spectateur par leurs formes et la douceur paradoxale de leur toucher.
Les projets autour de l’œuvre de Carrasco
Dans sa famille et ses amis on sait que Jorge Carrasco souhaitait protéger ses œuvres de la dispersion après sa disparition. Même si toute sa vie il a dû en vendre pour faire vivre les siens, ses dernières années il s’inquiétait beaucoup nous confie son petit-fils.
Aujourd’hui, l’association a beaucoup de projets. Grâce aux soutiens locaux, et à la Région, je suis maintenant salarié. Notre première grande étape est de créer une fondation. Nous sommes en train de travailler sur ce projet très délicat, qui permettra de faire vivre l’œuvre, de la gérer et d’assurer toute la logistique administrative.
Manko Vernier
Il n’existe pas de catalogue raisonné de l’œuvre, et les acheteurs privés éparpillés dans le monde entier, ne vont pas être faciles à retrouver.
Dans un premier temps, il faut s’employer à répertorier très précisément tableaux et sculptures. L’association souhaite un musée au Menoux. Là aussi plusieurs hypothèses : utiliser la maison et l’atelier, ou construire un espace dédié. Tous savent que le musée était souhaité par l’artiste afin que le public puisse voir ses œuvres, qu’elles ne restent pas cachées.
En Amérique du Sud, Carrasco est aussi un nom qui résonne encore pour les amoureux de l’art "j’ai eu des péruviens il y a pas très longtemps, des mexicains aussi, des colombiens avant-hier, ça arrive de temps en temps". Mais ce qui satisfait l’association, c’est la fréquentation du village qui a doublé.
En Septembre, le plus gros événement de l’année organisé par l’association se tiendra les 17, 18, 19 septembre, avec visites guidées, concerts dans l’église, ateliers d’initiation artistique, et dégustation de spécialités boliviennes. Un festival qui attire chaque année de plus en plus de monde. Idéal pour coupler avec la visite de l’exposition des Cordeliers à Châteauroux qui fermera ses portes juste à la fin de ces trois journées d’animation.