C'est un fait établi par les chiffres. De toute la région Centre-Val de Loire, le département de l'Indre est proportionnellement le plus touché par les décès liés au Covid-19. Comment expliquer cette surmortalité ? Éléments de réponse.
C'est un constat qui peut paraître étonnant. Car si le département de l'Indre n'est pas celui où l'on compte le plus de décès dans la région Centre-Val de Loire, c'est bien celui qui enregistre le plus fort taux de mortalité. Selon le dernier bilan de l'Agence Régionale de Santé (ARS) du mercredi 29 avril à 20h, l'Indre comptabilise 130 décès, là où l'Eure-et-Loir en dénombre 165. Mais si l'on examine les chiffres de plus près, force est de constater que le taux de mortalité, au regard du nombre d'habitants, est bien plus important dans l'Indre.
Un constat malheureux qui pourrait s'expliquer par la démographie du département. L'Indre compte un nombre d’habitants âgés de plus de 80 ans assez important selon Christophe Lugnot, directeur de cabinet de l'Agence Régionale de Santé (ARS).
"Dans l’Indre, 60% des EHPAD ont eu au moins un cas de Covid-19. Le virus a circulé activement dans le département et quand il circule dans un établissement médico-social comme un EHPAD, sa rencontre avec des personnes âgées qui ont des comorbidités et qui sont affaiblies provoque des décès plus vite qu’ailleurs."
Des EHPAD vulnérables
Un fait parfois accentué par la configuration particulière de certains EHPAD. Sur les 41 établissements pour personnes âgées et dépendantes présents dans l'Indre, certains souffrent de l'agencement de leur bâtiment. C'est le cas de l'EHPAD de Buzançais qui est obligé de composer avec des chambres doubles et des chambres simples qui partagent une même salle de bains. A Buzançais, le virus s'est ainsi rapidement propagé.
Les mesures de confinement protège la population en général mais ne protège pas vraiment les gens dans les EHPAD
Christian Moreau, secrétaire de l'Ordre des médecins de l'Indre.
"Quand on confine les gens à domicile, si jamais le virus s’introduit dans la maison, seul un petit groupe est contaminé. Mais si par malheur le virus s’introduit dans un EHPAD, il y a un fort risque de contamination car même si les résidents sont confinés dans leur chambre, il y a beaucoup de circulation au sein de l’EHPAD", explique le Dr Christian Moreau.
On observe ainsi le même phénomène que sur les grands navires de croisière ou sur le porte-avion Charles de Gaulle où la promiscuité d'un grand nombre de personnes fait exploser le risque de contamination.
"Il y a aussi un problème de personnel et de recrutement avec des soignants qui interviennent dans différentes structures médicales et qui peuvent, sans le vouloir, multiplier les risques de propagation du virus", souligne Christophe Lugnot.
Indre versus Creuse
Mais l’explication par l’âge de la population dans l'Indre ne peut pas suffire lorsque l'on compare la situation avec la Creuse voisine. Les deux départements sont à peu près similaires en terme démographique et pourtant la Creuse compte seulement 10 décès en EHPAD contre 66 dans l'Indre selon les derniers chiffres des Agences Régionales de Santé (ARS).
"Il y a un autre facteur, c’est le facteur contaminant. Si le virus est arrivé dans notre département plus tôt que dans la Creuse et avant le confinement, il a eu le temps de se multiplier. C’est ce qu’il s’est passé dans l’Est mais ce n'est qu'une hypothèse, je ne peux pas le prouver", confie le Dr Christian Moreau.
Une hypothèse qui pourrait être confirmée ou infirmée par un important travail de recherche.
"C’est un travail d’épidémiologiste qui sera mené plus tard mais il faudra un certain temps de recul de plusieurs semaines voire de plusieurs mois pour avoir une vision assez claire et assez précise, y compris des taux de mortalité", commente Christophe Lugnot.
Un travail de recherche du patient zéro dans l'Indre qui n'est, pour l'instant, pas à l'ordre du jour. Il y a plus urgent à gérer.
