Impériales Wheels : "Trahison" et "gâchis", les salariés écœurés trois jours avant l'audience devant le tribunal de commerce

Les 180 salariés d'Impériales Wheels dans l'Indre, la dernière entreprise de fabrication de jantes en aluminium française, sont suspendus à l'arrivée d'un repreneur et aux conditions de reprise. L'intersyndicale souhaite mettre la pression trois jours avant l'audience devant le tribunal de commerce le 20 juin.

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"Il reste entre 11 et 15 palettes soit 300 ou 400 roues. Demain et après-demain le vernis. Et après c'est terminé" constate Bruno Bonnin, régleur chez Imperiales Wheels. " Une journée de boulot et c'est terminé oui...demain la production s'arrête. Décision ou pas décision, c'est pareil. C'est fini... le démantèlement et voilà," complète Olivier Darchy, conducteur de ligne sur le site de Diors.

Mobilisés ce lundi devant la nouvelle usine en construction au Poinçonnet, les salariés d'Impériales Wheeles n'y croient plus. Tour à tour, ils se confient au micro de France 3 Centre-Val de Loire :

"On nous pique nos procédés techniques pour les revendre aux autres et les gens, on les laisse sur le carreau," "C'est cuit là. Tout cet argent investi pour ce résultat, c'est hallucinant", "On a été trahis, on nous a vendu du rêve avec tout cet argent aujourd'hui qu'on en arrive là..."

Après une longue période d'incertitude en 2021, le dernier rachat remonte à 2022 par EDS Holding, au prix d'un important plan de sauvetage négocié, entraînant un plan social et une participation conséquente de l'État et des collectivités en termes d'aides publiques. Sur les 60 millions d'aides publiques, 5 millions ont été apportés par la région et 55 millions par l'État. 

Ce qui me choque, c'est qu'ils avaient promis qu'on allait faire des milliers de jantes avec l'argent qu'ils ont touché. [...] La question est où est passé l'argent ?

Xavier Auclair, salarié Impériales Wheels depuis 35 ans

À deux jours du CSE extraordinaire avant l'audience devant le tribunal de commerce de Villefranche- sur-Saône dans le Rhône du 20 juin, Xavier Auclair, salarié chez Imperiales Wheels depuis 35 ans résume : "Je pense que cette fois-ci c'est la fin là. Cela fait deux ans qu'on a été repris par ce que j'appelle des charlatans avec l'argent de l'Etat. Ce qui me choque c'est qu'ils avaient promis qu'on allait faire des milliers de jantes avec l'argent qu'ils ont touché. Mais aujourd'hui il n'y a qu'une ligne de production montée mais qui n'est même pas opérationnelle. La question est où est passé l'argent ?

Et son collègue d'ajouter : "On se bat depuis 13 ans pour garder notre outil de travail dont on est fier, il faut que ça reste en France mais là on n'y croit plus." 

L'attitude du repreneur dépendra du résultat des élections législatives

Et pourtant, ce lundi 17 juin était une date cruciale pour les salariés d'Imperiales Wheels dans l'Indre qui vivent leur quatrième plan de redressement judiciaire en 12 ans. 

En occupant l'entrée de l'usine en construction du Poinçonnet ce matin, l'intersyndicale souhaitait mettre la pression alors que se réunissaient les services de l’État, la direction actuelle, l’administrateur judiciaire et l'unique repreneur potentiel, un industriel allemand. Une réunion qui visait à exposer le projet de reprise.

À l’issue de la réunion, un représentant UNSA du personnel fait un bilan aux salariés réunis devant le site du Poinçonnet :

"Borbet (industriel allemand spécialiste des jantes alu depuis 1881) confirme son intérêt et son niveau de participation à hauteur de 20 000 euros. Il confirme aussi l'obligation d'avoir la preuve que le concept, l'îlot de moulage, fonctionne sur la roue AMG. Il confirme la validation possible de leur part pour fin juillet et d'une éventuelle intention d'offre à partir de mi-juillet avec pour objectif de finaliser si les résultats sont bons en septembre. À noter que l'attitude Borbet dépendra du résultat des élections législatives."

À cette dernière condition, des rires amers se font entendre dans l'assistance. Un élu CGT réagit : "Je ne vois pas ce que la politique vient faire dans un projet industriel. On se bat pour le maintien des emplois et pas des supra légales. Dans l'Indre, il y a 16 % de chômeurs. On est largement au-dessus de la moyenne nationale." 

Pendant cette réunion, l'administrateur judiciaire a demandé au repreneur allemand de se positionner sur deux points : un engagement financier supérieur à 20 000 euros pour atteindre les 180 000 euros et un financement des salaires jusqu'en septembre. 

À l’issue de cette réunion, l'administrateur doit décider du maintien ou non de sa demande de conversion en liquidation judiciaire pour l'audience devant le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône, ce 20 juin. 

Entre pression, avancée et peur 

Pour Thierry Pacome, délégué syndical CFE-CGC et représentant du personnel : "Il y a une avancée. Notre futur repreneur a besoin de temps. On lui demande de revoir sa copie côté financier". 

Pour un élu UNSA, " il n'y a que la partie technique qui intéresse le repreneur, le nouveau procédé de moulage qu'on met en route." 

Jean-Philippe Juin, ancien délégué CGT à la Fonderie du Poitou à Ingrandes (Vienne) qui a fermé le 30 juin 2022 prend le mégaphone et explique : "Je ne sais pas ce qu'il vaut votre repreneur. Mais j'ai l'impression qu'on ne se dirige pas vers une liquidation judiciaire jeudi. Il vient de dire qu'il s'engageait quand même un minimum. Donc l'administrateur judiciaire va devoir attendre cette fameuse offre au mois de juillet. Donc vous avez au moins un mois devant vous pour faire pression sur l'Etat et sur l'actionnaire."  

L'ancien responsable de la fédération métallurgie automobile ajoute : "On vit exactement la même histoire qu'à la Fonderie du Poitou. On a des donneurs d'ordre qui ont droit de vie ou de mort sur les sous-traitants, des sous-traitants qui subissent à la fois la baisse des prix et la baisse des commandes. On arrive à la situation d'Impériales Wheels où il n'y a plus assez de commandes et surtout pas de reconnaissance du travail de ces salariés."

Et de conclure : "Notre boulot, c'est de dire que ce n'est pas cuit. Il y a eu 60 millions d'euros d'argent public qui ont été mis sur la table il y a deux ans. Il reste dix millions à remettre. Donc l'État peut prendre la main, mettre les dix millions pour finir de monter les machines dans cette usine et demander à Stellantis et à Renault de tenir leurs promesses puisqu'ils avaient promis de mettre des volumes de pièces sur cette usine. "

Sur l’ancien site de production de Diors, les activités d’usinage et de fonderie ont été arrêtées définitivement jeudi 13 juin. 

La première période de redressement judiciaire s'achèvera le 22 août 2024.

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