Incubateurs de start-up, TPE ou PME, elles sont de plus en plus nombreuses à surfer sur l’innovation. Dans tous les secteurs d’activité, les entrepreneurs sont soutenus par les collectivités et les chambres consulaires de l’Indre et du Cher. Comment le Berry est devenu l'eldorado de l'innovation.
Dans un hangar discret sur la commune de Saint-Germain-du-Puy, deux constructions modulaires abritent une technologie de pointe. La succursale Berruyère de l’entreprise parisienne Vistory conçoit des mobile-clinics. C'est une sorte de micro-usines dans lesquelles on peut fabriquer, n’importe où dans le monde, des pièces de rechange grâce à l’impression 3D et un système de sécurisation des données informatiques.
Son principal client : l’armée française, via les fabricants sur Bourges, MBDA ou KNDS.
"Nos deux premiers modules ont été livrés, nous en préparons deux autres" confie Gaëlle Desfosses, berrichonne, associée et directrice commerciale de Vistory. "Mais on manque de place. Nous avons été labellisés France 2030 avec un projet de première usine, sur Bourges, en 2025."
Ici on a un soutien qu’on ne va pas retrouver à Paris où on est noyés dans la masse.
Gaëlle Desfosses, directrice commerciale de Vistory
Les ingénieurs parisiens apprécient de travailler loin de la capitale, comme Jean-Louis. "C’est facile sur Paris d’avoir accès aux pôles techniques, ici, c'est un peu plus rare, mais justement, il faut en profiter pour s’installer, apporter une plus-value sur le territoire et devenir pérenne."
Vistory prévoit de passer d’une dizaine de salariés à une cinquantaine, lorsque la nouvelle usine sera opérationnelle. Les institutions locales lui ont déroulé le tapis rouge. Communauté d'Agglomération de Bourges Plus, la région via l’agence Dev'up, et la CCI avec son programme "The Place". "Ce soutien, on ne va pas le retrouver à Paris" explique Gaëlle Desfosses. "Il y a tellement de choses à Paris que vous êtes tout de suite noyé dans la masse. Nous avons, ici, un accompagnement sur-mesure et c’est vraiment appréciable".
13 nouveaux projets d’innovation chaque année
Longtemps distancé par l’axe Ligérien, le Berry est désormais entré dans la course à l’innovation. Dans les Chambres de Commerce et d’Industrie, le dispositif "The Place By CCI" est opérationnel. Des experts permanents ou associés accompagnent les porteurs de projet, et leur donnent toutes les clés de la réussite.
À Châteauroux, Virginie Gailing apporte ses 20 ans d’expérience dans le design en France et à l’étranger. "J’arrive de Berlin et on m’a dit : mais qu’est-ce qui s’est passé dans ta tête pour débarquer dans le Berry ?" sourit-elle. "Moi, je pense que l’innovation de demain se fera aussi en milieu rural".
Dans les bureaux castelroussins, Laurie Liaume lance la commercialisation de son innovation : un bijou 2.0. Cette jeune entrepreneuse revisite le médaillon de famille en "porte photo connecté". "Derrière la nacre de Polynésie se cache une puce NFC, connectée à un espace de stockage sécurisé qui va nous permettre de préserver nos plus beaux souvenirs". Le pitch est bien rodé, et Lumissoly enregistre ses premières commandes à l’approche des fêtes.
À Vierzon, on révolutionne le secteur du jouet
Soixante millions de jouets seront vendus cette année à Noël. Quarante millions partiront à la poubelle au bout de huit mois. Cette triste réalité a conduit Morgane Longo à créer en 2019 Lib & Lou, la première plateforme de location en ligne.
Ça prend moins de place, on limite les achats tout en proposant des nouveautés régulièrement.
Laetitia, mère de Félix, 3 ans, cliente de Lib & Lou
"La seconde main représente 5% du marché du jeu" détaille l’entrepreneuse. "Toutes les études prouvent que la location suit l’évolution du marché de l’occasion, ça nous annonce de belles années devant nous".
Lib & Lou est hébergée dans les locaux flambant neufs du B3 à Vierzon. Tels les lutins du Père Noël, les préparateurs de commande gèrent le flux des jouets, par centaines, chaque jour, des quatre coins de la France. Le magasin compte 1.500 références, et 4.000 familles ont déjà adopté le principe.
La petite start-up joue dans la cour des grands : Smoby, Schleich ou encore VTech ont rejoint le projet. "Ça nous permet de tester nos nouveautés, leur solidité et leur ressenti" argumente Sandrine Roucheray, responsable marketing de la marque VTech.
Lib & Lou prévoit l’an prochain une nouvelle levée de fonds.
Le gibier connecté : une idée 100% Berry
Dans nos forêts, cerfs, chevreuils et sangliers pullulent. Paradoxalement, 70 à 80% de la viande de gibier consommée en France proviennent de Nouvelle-Zélande et d’Europe de l’Est. Ancienne agente d’assurances, Charlotte de Fougères a donc lancé en novembre 2023 la plateforme Gibier pour Tous, qui met en relation directe les chasseurs avec les consommateurs.
Premier partenaire de l’aventure : la Fédération des Chasseurs du Cher a enregistré en une seule saison 2.000 inscriptions, et 300 carcasses échangées. "Elles sont cédées ou vendues sur le lieu de chasse, entières, juste éviscérées" précise Willy Gerbaud, Directeur de la fédération. Avec l’entrepreneuse, ils se retrouvent régulièrement en comité de pilotage pour améliorer l’application, et mettre en place les outils de communication.
Je rêve de retaper une fermette dans les bois et d’y installer nos bureaux.
Charlotte de Fougères, créatrice de C2F Concept
Pour cette saison, l’application est aussi adoptée par les fédérations de l’Indre, l’Indre-et-Loire et de la Creuse.
En parallèle, Charlotte de Fougères continue d’innover en surfant sur l’évolution de la filière : à Salbris et à La Ferté-Saint-Aubin, ouvrent cet automne deux nouveaux laboratoires de transformation de viande de venaison. Elle lance donc une deuxième plateforme : Artemis Gibier, à destination des professionnels.
"Ça va nous simplifier les relations avec les chasseurs" se réjouit Matthieu Bourgueil, Directeur Associé de Nemrod Sologne. "Sur la partie administrative, plus d’erreurs possibles, car chaque carcasse sera identifiée". Un gage aussi de qualité pour la traçabilité.
Charlotte de Fougères envisage donc l’avenir avec sérénité. Cette amoureuse de la nature compte bien développer l’entreprise, en restant dans l’Indre. "Je rêve de retaper une fermette dans les bois pour y installer nos bureaux. Ce serait la première vraie pierre de ma Silicon prairie !"