Avec ses 436 hectares arborés au cœur de la Brenne, le parc animalier de la Haute-Touche abrite 130 espèces des cinq continents. Il accueille notamment la plus grande collection de cervidés d’Europe. Pendant la trêve hivernale, les 40 employés continuent de soigner leurs 1500 pensionnaires et préparent la réouverture. Plongée dans leur quotidien.
Les grilles se sont fermées pour le public mi-novembre, pour rouvrir le 5 avril 2025. La saison est à l’hibernation pour les petites cistudes d’Europe du parc animalier de la Haute-Touche, dans l'Indre. La tortue d’eau est l’emblème de la Brenne, mais le reptile fait partie des espèces menacées.
Dans la nurserie, 150 œufs éclosent chaque année. Une pouponnière unique en France, qui permet de repeupler des zones humides. En attendant, Céline Cotterell, soigneuse référente pour les élevages conservatoires, pèse et mesure les dernières nées, avant de les mettre au réfrigérateur : "ça peut surprendre, mais c’est le meilleur moyen pour réguler leur température jusqu’à leur réveil au printemps".
Pas de répit pour les services techniques
Derrière le laboratoire, à l’abri des regards, Frédéric Martin et ses équipes œuvrent chaque jour à l’entretien du parc. Lorsqu’il n’y a pas de public, le service en profite pour assurer la maintenance des véhicules, réparer des clôtures, tailler la végétation et surtout, aménager de nouveaux espaces. Dans l’enclos des Gaur, deux gros chênes fragilisés par la dernière tempête sont immergés dans le petit étang, et serviront de perchoir pour de grands oiseaux.
Les techniciens vont aussi, pendant l’hiver, créer un nouvel observatoire et installer des cages pour isoler certaines espèces volatiles en raison du risque sanitaire de la grippe aviaire.
Chaque année, la réserve accueille 70 à 80 nouveaux animaux. En cette fin d’année, c’était Noël avant l’heure pour Bahati, le jeune mâle guépard. Zuri, en provenance de Montpellier va lui tenir compagnie, après le décès, de vieillesse de son congénère. La femelle découvre son nouvel habitat, étape par étape.
"D’abord elle va passer une journée dans le petit enclos toute seule" explique Sandrine Laloux, soigneuse des carnivores. "Elle fera connaissance avec Bahati à travers le grillage, puis le lendemain, elle ira découvrir le grand parc, mais toute seule parce que Bahati il risque d’être un peu collant au début".
"C’est un transfert qu’on a préparé depuis six mois au moins"
Amandine Soyer, assistante de collection
Il y’a autant de départs que d’arrivée. Laya est née il y’a un an et demi. La femelle panda roux doit former un nouveau couple, à Bristol, en Angleterre. Le coordinateur pour l’Europe de l’espèce a suivi sa croissance et s’est attaché à lui trouver un compagnon, toujours dans le but de la meilleure conservation de cette race menacée d’extinction.
Grâce au travail de Sandrine et Anaïs, ses deux soigneuses, Laya a suivi des séances de "training". "Nous l’habituons à entrer volontairement dans la cage, pour éviter toute capture qui pourrait s’avérer traumatisante" explique Patrick Roux, éthologue, spécialiste du comportement animal.
Avant le long voyage de Laya de l’autre côté de la Manche, les équipes s’assurent que tous les papiers sont en règle. "ll y a les certificats médicaux" énumère Amandine Soyer, assistante de collection "et les autorisations douanières car en plus, elle sort de l’Union Européenne. Des papiers et encore des papiers, oui, ça doit faire six mois au moins que l’on prépare ce transfert".
97% des 110 espèces de lémuriens sont en voie de disparition
Parmi les dernières arrivées, Liana, une femelle lémur couronnée de 6 ans, en provenance du parc zoologique de Wroclaw en Pologne. Les échanges sont fréquents avec les zoos du monde entier pour cette espèce très menacée, en particulier à cause du trafic animal.
Ils sont, avec les Maki Catta ou les Lémur Vari, la vitrine de la mission principale de la réserve : la conservation des espèces. Patrick Roux explique qu’"il y’a aujourd’hui environ 110 espèces de lémuriens à Madagascar, et que 97% de ces espèces-là sont en voie de disparition".
"il faut des dizaines d’années avant de pouvoir relâcher des animaux dans la nature"
Patrick Roux, éthologue, spécialiste du comportement animal
Le parc indrien travaille donc en étroite collaboration avec les autorités sur place. "Nous sommes bien aidés par la diplomatie" précise Patrick Roux. "C’est l’avantage d’être un parc public, puisque nous sommes administrés par le Muséum National d’Histoire Naturelle. Une fois qu’on a trouvé les bons contacts, on doit étudier le terrain, quelles espèces on peut réintroduire, combien, et ensuite lancer tout le processus de protection de l’environnement, de l’aide aux populations… en fait ça peut prendre des dizaines d’années avant qu’on relâche des animaux".
Un coffre-fort génétique
365 jours sur 365, les équipes sont au chevet des animaux. Il y’a les naissances, la croissance, les bobos, les décès… et les mésententes parfois, au sein d’un même groupe. Chez les gnous à queue blanche, un jeune mâle commence à prendre de l’assurance et risque de chahuter avec son père, comme ce serait dans la nature.
"On doit donc le changer d’enclos, et le préparer à devenir lui aussi géniteur, en mixant la génétique puisqu’il ne risquera plus de se reproduire avec ses sœurs ou des animaux de la même lignée", explique Katia Ortiz, chef vétérinaire de la réserve.
Une fois endormi, le gnou bénéficie d’un check-up complet : vaccins, collyre dans les yeux et prise sang. "On va conserver quelques flacons dans un congélateur, et ce sang sera très précieux pour conduire une étude spécifique à cette race".
Car pour chaque espèce en voie d’extinction, il existe à l’échelle européenne et mondiale un coordinateur scientifique, missionné pour assurer la meilleure variabilité génétique possible.
En filigrane de leur travail au quotidien, les professionnels du parc ont un autre rôle essentiel : la sensibilisation à la protection de l’environnement. Grâce à sa superficie et son aménagement, la réserve offre aux animaux de grands espaces, et au public d’être à leur contact.
Anthony Cirefice, le directeur, développe : "Si on est en immersion dans la nature, on est davantage dans l’émotion, et donc davantage réceptif aux messages qu’on va diffuser. Et on va quitter la réserve en ayant dans un coin de la tête envie de mener ne serait-ce que des petites actions à la maison qui iront dans le sens de la protection de la nature".
Pour en savoir plus :
Réserve zoologique de la Haute-Touche
Le Parc rouvre au public le samedi 5 avril 2025