Invasion précoce de pucerons dans les cultures de betterave sucrière, blé et orge : la récolte pourrait être impactée

Les pucerons sont arrivés très tôt cette année et ont dévasté les cultures de blé, d'orge et de betterave sucrière. Les dégâts sont importants et les conséquences pourraient être dramatiques : les rendements pourraient être amputés de 30 à 50 %.

"C’est un petit insecte qui peut être très dommageable". Ainsi s’exprime Stéphane Priou à propos du puceron. Cet agriculteur, à Avaray en Loir-et-Cher, cultive des céréales (blé tendre et blé dur, maïs, orge) et des oléoprotéagineux (tournesol, colza) sur 225 hectares.
 

Cette année, il a remarqué que ses cultures de blé ont jauni, qu'elles ne poussent pas et que le bout des feuilles est un peu rouge. Les signes sont caractéristiques : les pucerons ont attaqué la plante et l’attaque a eu lieu à l’automne dernier. Entre le 10 et le 20 octobre, il a réalisé les semis de blé. Les températures étaient alors agréables. Et puis, la météo s’est gâtée : il a beaucoup plu.

La terre était très humide, c’était impossible d’entrer dans les champs pour traiter les cultures avec un insecticide. Stéphane Priou

Les pucerons ont profité de la situation et ont envahi les jeunes pousses. La sentence est tombée au printemps,   au moment où la plante redémarre et reprend sa pousse : "Ces jours-ci on peut voir des plants jaunis. Les dégâts sont très importants : j’estime la perte de potentiel à 30 %."
 


Des rendements impactés

A 70 kilomètres de là, Olivier Legrand est agriculteur à Sougy dans le Loiret. Il cultive de la betterave sur 56 hectares. Vers le 15 avril, il a vu, lui-aussi, des pucerons en très grande quantité sur les premières feuilles de betteraves sorties de terre et qu’il avait semées fin mars. C’est un vrai problème pour cet exploitant et il sait déjà, vu le nombre de pucerons qu’il a pu observer, que les conséquences seront lourdes dans les mois à venir. Il estime la baisse de rendement entre 30 et 50 %.

Depuis l’interdiction des insecticides néonicotinoïde, les pucerons infestent à nouveau les cultures. C’est problématique pour toute la filière betterave-sucre. Le secteur ne va pas bien. La concurrence est rude, nous perdons de la compétitivité car le coût des traitements est important.
 


Historiquement, la betterave a toujours été confrontée à la jaunisse virale, un virus qui est transmis par le puceron vert du pêcher, le Myzus persicae et qui représente un grand danger pour cette culture. En 1988, en Centre-Val De Loire, en raison de l’invasion de ces pucerons, 25 % de la production de betterave sucrière a été perdue. A l’époque, il n’y avait pas de solution pour lutter contre ce puceron vert, vecteur de ses viroses. Cela a eu de graves conséquences pour les sucreries : privées de matières premières, elles ont vu leur activité diminuer très fortement. Pour essayer de juguler la pandémie, plusieurs techniques ont été mises en place et notamment celle consistant à utiliser des traitements de semence (la semence est traitée aux insecticides). La plante était ainsi protégée dès son plus jeune stade de développement (2 feuilles). De plus, seuls les pucerons ravageurs qui venaient se nourrir sur la plante, entraient en contact avec le produit insecticide. La semence contenait du "Gaucho", un insecticide néonicotinoïde très efficace et interdit depuis le 1er septembre 2018.

Depuis cette date, les pucerons sont de retour dans les cultures. Le phénomène varie en fonction de la météo : si l’hiver connaît de gros coups de froid, il y en a moins. Ce fut le cas en 2019. Mais si l’hiver est doux, ils reviennent en masse. C’est ce qu'il s’est passé durant ce printemps : les températures, en plein avril, sont dignes d’un mois de juin. Les producteurs de betterave doivent donc faire face à une présence massive de pucerons. Pour lutter contre la prolifération, les traitements insecticides autorisés se font par pulvérisation. Seuls deux produits sont efficaces et leurs effets sont limités dans le temps et réglementés dans leur utilisation. Les températures étant très clémentes, les pucerons recolonisent très vite les plantes après un traitement. 

Une grande inquiétude pèse sur la filière "betterave". On verra dans 8 semaines l’ampleur des dégâts. Une baisse de 20 % du niveau de productivité est prévisible. 10 % de la surface d’une parcelle infectée, c’est 3% de perte de rendement. Les cours mondiaux du sucre sont très bas. Tout cela cumulé peut mettre la filière en péril. Pierre Houdmon, Institut Technique de la Betterave

Les pucerons sont partout

Les pucerons infestent toute la zone de culture de la betterave dans notre région : l’an dernier, l’Institut Technique de la Betterave a noté que les pucerons sont arrivés très tôt à l’ouest de la région (Chartres) pour se propager vers l’est fin mai (Montargis). Cette année, depuis la levée des betteraves, les pucerons sont présents aux quatre coins cardinaux. Aucune parcelle de betterave n’échappe au virus. 100 % des plantes sont porteuses de pucerons, d’où l’inquiétude des professionnels.
Conséquences sur la plante : dès qu’elle contracte le virus, le métabolisme de la plante disfonctionne et elle ne pousse plus : elle jaunie et ne fabrique plus de sucre. Les symptômes apparaîtront à la mi-juin car la période d’incubation est de 6 à 8 semaines. Si la plante est malade : sa croissance s’arrêtera en juin au lieu de se poursuivre jusqu’en octobre.
 
La CGB, la Confédération Générale des planteurs de Betteraves a obtenu du Ministère de l'Agriculture l'autorisation d'utiliser le Teppeki (flonicamide) dès le stade 2 feuilles (au lieu du stade 6 feuilles initialement autorisé par l’ANSES le 28 avril) "afin d'apporter une réponse immédiate aux fortes infestations constatées en plaine."
La CGB a également demandé "de pouvoir appliquer un traitement supplémentaire de l’un des deux produits déjà autorisés (Teppeki ou Movento) pour couvrir, en cas de besoin, toute la période de sensibilité des betteraves aux pucerons verts."

 
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