"J'ai senti son dernier souffle" : au procès du Médiator, les premiers plaignants racontent

Frédéric Boussinot et ses deux enfants ont vu mourir leur compagne et mère, victime du Médiator. A la barre, ils racontent, et dénoncent. 

Ils sont ceux qui ont traîné les laboratoires Servier devant le tribunal. Frédéric, Guillaume et Lisa Boussinot étaient à la barre ce 5 novembre pour livrer leur témoignage. Pascale Sarolea a perdu la vie à 52 ans, après avoir pris du Médiator. C'est six ans plus tard, en 2010, que Frédéric, son compagnon, et leur deux enfants, portent finalement plainte. 
 

"Son dernier souffle"


Pascale Sarolea a pris le Mediator de 2002 à 2004, pour perdre du poids. L'effet est impressionnant : elle fond de 13 kg en un peu plus d'un an. Mais dès l'été 2002, elle souffre d'une hypertension artérielle. En décembre 2003, elle a des difficultés respiratoires et on lui découvre une insuffisance aortique sérieuse. A 1h30 du matin, le 8 mars 2004, Pascale Sarolea n'arrive plus à respirer. 

"J'ai senti son dernier souffle", raconte Lisa Boussinot, qui avait pris sa mère dans ses bras pour la rassurer, pendant que son père appelait les secours. Pascale Sarolea meurt d'un oedème aigu du poumon. 

A la barre, Frédéric, Guillaume et Lisa rendent hommage à la mère de famille, une femme à l'énergie débordante, tournée vers les autres. Son mari et elle s'étaient recontrés pour la première fois au collège, en 6ème. Elle lui a plu tout de suite. "Mon coeur se serre quand je vous parle d'elle", confie Frédéric Boussinot. 
 

Le "système Servier"


Ce n'est qu'en 2010 que la famille découvre que le décès de Pascale n'est pas un coup du sort. Cette année-là, Frédéric Boussinot tombe sur un article de la Dr Irène Frachon, qui a révélé le scandale. Elle y décrit les effets secondaires du Mediator. La famille fait le lien. 
 

"Donc derrière la mort de ma mère, il y avait des responsables", raconte Lisa, qui parle d'une voix sûre, avec un débit rapide, comme pour ne pas laisser l'émotion l'envahir. "On décide d'entrer dans un combat judiciaire", explique la trentenaire, qui est elle-même avocate. Elle a d'ailleurs démissionné de son cabinet pour pouvoir assister au procès, qui s'étale sur sept mois.

Envers les laboratoires Servier, c'est la colère qui s'exprime. Colère de cette indemnité "indécente" de 38 000 euros, proposée par la firme. Colère contre le "système Servier", une entreprise entreprise "mafieuse" qui a "trompé" les médecins, les patients, discrédité les victimes et tenté de corrompre les lanceurs d'alertes, selon les mots de Guillaume Boussinot. 
 

Tête baissée


Un homme manque à l'appel, et cela blesse les victimes. Jacques Servier, grand pope de la firme, décédé en 2014, envers lequel Lisa Boussinot ne mâche pas ses mots. "Un homme cupide, mysanthrope, cynique", dénonce-t-elle pendant que le représentant de la firme, Emmanuel Canet, griffone sur un carnet. La tête baissée. Jean-Philippe Seta, l'ex-numéro 2, est entouré de plusieurs gardes du corps.

Une "débauche de moyens" pour Lisa Boussinot, qui ironise sur "une armée d'avocats, une armée de dactylos, une armée d'agents de sécurité qui est insupportable". Servier protège ses plates-bandes. "Les vies abîmées ? On s'en fout, tout simplement", juge la fille de Pascale Sarolea. 

Avec Pascale Sarolea, c'est la première fois que le tribunal abordait un décès lié au Mediator. Au total, les cas de 94 victimes, dont quatre homicides, vont être évoqués dans les semaines à venir. Cela va être "éprouvant humainement", a prévenu la présidente, et aussi "fastidieux". Mais la famille Boussinot fait confiance au tribunal pour délivrer un jugement en forme d'alerte.

"Aucune vie ne doit être sacrifiée au nom de l'argent", souhaite Lisa Boussinot. 
 
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