La dissolution de l'Assemblée nationale prononcée par Emmanuel Macron le 9 juin annonce des élections législatives anticipées, mais pas que. 2 000 collaborateurs parlementaires se voient licenciés dans la foulée. Avec son lot d'inquiétudes.
"Je ne suis actuellement plus en poste, vous pouvez me contacter sur mon numéro personnel, le 06 ...", au bout du fil*, les boîtes vocales des collaborateurs parlementaires sont mises à jour, ou sonnent dans le vide.
Bal de cartons dans les couloirs de l'Assemblée
Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, c'est un bal de cartons et de valises à roulettes. Les 2 000 collaborateurs parlementaires quittent le navire, contraints et forcés. C'est la loi, leur député n'exerce plus, ils sont licenciés. "C'est brutal", reconnaît Léa Martinez, collaboratrice de Luc Lamirault (Horizon - Eure-et-Loir). "C'est une vraie fourmilière ici d'habitude, actuellement c'est étrangement calme" souligne Emmanuelle Dupas, attachée parlementaire d'Henri Alfandari (Horizon - Indre-et-Loire), alors qu'elle débarasse son bureau. "Le silence est pesant".
La #dissolution c’est aussi ça :
— Charles Fournier - Député sortant de Tours (@cfourniereelv) June 11, 2024
Le licenciement violent de nos collaborateurs. Le déménagement forcé de nos bureaux à l’Assemblée, sans nous fournir des cartons et des bennes. Une campagne législative à mener en même temps en 20 jours.
De qui se moque-t-on? pic.twitter.com/EXeOtFBbeh
Dès l'annonce de la dissolution prononcée par Emmanuel Macron au soir des élections européennes, le 9 juin 2024, toutes et tous connaissent le couperet : "On savait que ça signifiait qu’on était licencié" explique Laure Merendon, attachée parlementaire de Fabienne Colboc (Renaissance - Indre-et-Loire).
"À la signature du décret dans la nuit, les mandats s’arrêtent, les contrats tombent" poursuit Fabien Brunet, attaché parlementaire de Christophe Marion (Renaissance - Loir-et-Cher). Concrètement, en attendant les résultats des législatives anticipées, l'hémicycle est vide, et les collaborateurs licenciés.
Ce vendredi 14 juin, des bennes étaient installées afin de permettre à chacun d'y centraliser ses déchets, selon l'une des collaboratrices interrogées.
Un CDI avec une fin annoncée
C'est le cas à chaque élection "mais d'habitude on a trois mois pour se préparer, là, tout doit être fait en une semaine" explique Léa Martinez. Le CDI d'un collaborateur est conditionné au mandat son député.
Je travaillais sur des sollicitations de citoyens, sur des dossiers locaux. C'est difficile d’expliquer aux gens qu’on n’est plus en capacité de les aider. Je suis redevenu un citoyen sans légitimité élective.
Fabien Brunet, attaché parlementaire de Christophe Marion (Renaissance 41)
Alors que chacun récupère les dossiers en cours dans son bureau, rend son ordinateur, puis les clés de son bureau, la frustration règne : "On laisse des gens sans solution à leur apporter. On reçoit des mails de relance" regrette Fabien Brunet. Si la vie parlementaire est en suspens, celle des Français se poursuit.
Jeu de chaises musicales pour certains
Ceux dont le député part en campagne, ont le droit de laisser leurs cartons dans les couloirs, pour les autres, il faut débarrasser le plancher avant mardi 18 juin au soir. C'est le cas de Léa Martinez "c'est la première fois que je m'inscris à France Travail". Le sourire est encore là, mais l'avenir reste flou "il me faut trouver un autre parlementaire avec qui travailler".
La lettre de licenciement est, pour tous, en route. Les indemnités varieront quant à elles en fonction de l'ancienneté de chacun.
On est un peu choqués, mais surtout inquiets pour l'avenir du pays.
Léa Martinez, attachée parlementaire de Luc Lamirault (Eure-et-Loir)
"Il ne sera pour moi pas question de travailler avec un ou une député du Rassemblement National" assure déjà Léa Martinez.
Ceux qui repartent en campagne se disent en revanche combatifs. "C'est la seule priorité" résume Laure Merendon, "on est déterminés, on y va, et on verra ensuite comment on gère".
C'est un métier passionnant, mais avec une part d’imprévisibilité qu’il faut accepter. Et je l’accepte. Sans savoir si je vais pouvoir reprendre et finir ce qu’on était en train de gérer.
Fabien Brunet, attaché parlementaire de Christophe Marion (Renaissance 41)
La dissolution comme un coup de poker, c'est aussi une plongée dans l'inconnu pour ces milliers de collaborateurs.
*France 3 Centre-Val de Loire a contacté des collaborateurs de l'ensemble des formations politiques représentées dans la région. Les personnes interrogées sont celles qui ont répondu à nos sollicitations.