Le travail au noir a bondi de 234 % en Centre-Val de Loire

L'Urssaf redresse 20 millions d'euros en 2021 en Centre-Val de Loire pour travail dissimulé, c’est trois fois plus qu'en 2020. L'organisme a augmenté son contrôle via notamment des opérations ciblées sur des fraudes au travail détaché. Il prévoit, dans les prochains mois, de viser les abus concernant les dispositifs d'aides économiques liés à la crise sanitaire.

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Il est de ces communiqués de presse qui interpellent plus que d'autres. Le texte envoyé par l'Urssaf du Centre-Val de Loire le 28 mars est de ceux-là. Dans la région, en 2021, les redressements opérés par l'organisme représentent 19,96 millions d'euros. Une somme rondelette, mais c'est surtout son évolution qui tape dans l'œil : le chiffre est en augmentation... de 234% par rapport à 2020.

Alors hyperactivité des services en 2021 ou procrastination aiguë en 2020 ? Directeur de l'Urssaf du Centre-Val de Loire, Julien Floc'h assume : "Il y a eu une augmentation de moyens importante l'année dernière dans la lutte contre le travail illégal."

Chaque année, explique-t-il, l'organisme tient un arbitrage interne pour répartir ses moyens. Soit vers le contrôle des déclarations d'entreprises, où les redressements "sont souvent liés à des erreurs déclaratives, d'ailleurs on les rembourse dans 20% des cas". Soit vers la LCTI, ou lutte contre le travail illégal. Et cette année, il y a eu "un rééquilibrage", explique le directeur, à destination de la LCTI.

Perte de droits et concurrence déloyale

En 2021, l'Urssaf du Centre a ainsi réalisé 200 contrôle ciblés, soit 130% de plus que l'année précédente. Pas de quoi justifier une augmentation de 230% des montants recouvrés. Pour ça, il faut aussi une stratégie tournée vers "les dossiers à forts enjeux". Sous-entendu, des enjeux financiers, économiques et salariaux.

Selon Julien Floc'h, sur 20 millions d'euros redressés pour travail illégal en 2021, 9 millions concernent trois entreprises temporaires bulgares, ayant fraudé au détachement. Il explique le mécanisme :

En Europe, un salarié a le droit de travailler où il le souhaite. Si il vient en France, il peut continuer à verser des cotisations dans le régime du pays d'origine, mais uniquement si il vient de manière temporaire. Et dans certains pays, les cotisations sont beaucoup moins élevées qu'en France.

Julien Floc'h, directeur régional Urssaf Centre-Val de Loire

En l'occurrence, les entreprises redressées étaient des "structures éphémères artificielles", qui ont embauché selon le directeur plus de 2 000 salariés au régime bulgare. Bien plus avantageux pour les trois sociétés, pas vraiment pour les travailleurs. "Ils étaient donc lésés dans leurs droits, auraient dû bénéficier d'une protection sociale française, cotisé pour le chômage et la retraite", détaille-t-il. Et puis qui dit travail dissimulé dit concurrence déloyale pour les autres boîtes du secteur. 

Pour ces trois seules entreprises, l'Urssaf du Centre a monopolisé deux inspecteurs LCTI pendant près de six mois, et a mené 200 auditions. "C'est sur ce genre d'opérations à fort potentiel qu'on souhaite se focaliser", assure Julien Floc'h. Et, pour y parvenir, l'Urssaf dispose de moyens de plus en plus importants de la part de la législation : "On a accès à beaucoup de bases, on peut demander aux banques, et on fait un travail assez efficace avec la police, la gendarmerie, le fisc, les impôts, qui nous donnent des infos et dessus, on peut opérer des redressements."

Dracula ou Robin des bois ?

Le directeur souligne par ailleurs le côté donnant-donnant de l'Urssaf, souhaitant se dégager de l'image vampirique des frères Rap-tout des Inconnus. Ainsi, chaque année, l'organisme recouvre 8 milliards de cotisations dans la région. Des euros qui, "si ils arrivent chez nous le matin, sont sur le compte des Français le soir, en passant par l'Assurance maladie, les CAF, les retraites, les Assedic... On garantit le financement de la protection sociale".

Voilà pourquoi il estime justifiée la sévérité des punitions lors de non-respect de ce cercle. Ainsi, une entreprise recourant au travail dissimulé pourra faire l'objet de poursuites civiles, pénales, d'amendes importantes, de taux de pénalité de recouvrement très fortes, et plus encore. Dans certains cas, vont lui être redemandées des aides publiques versées sur les cinq dernières années. "Elle a voulu jouer, elle a perdu, juge Julien Floc'h. Si l'entreprise n'est pas vertueuse, l'État n'a pas à l'être.

En plus de ces grosses opérations ciblées, l'Urssaf Centre-Val de Loire devrait aussi, dans un futur plus ou moins proche, s'intéresser aux fraudes aux dispositifs d'aide lors de la crise Covid, notamment le chômage partiel abusif. "Par construction, dès qu'il y a un nouveau dispositif, tous les malveillants peuvent potentiellement en abuser", regrette-t-il. Depuis le début de la pandémie, l'Urssaf dit avoir fait sa part. Elle a accordé un milliard d'euros de reports de cotisations à des entreprises de la région, dont 400 millions n'ont pas encore été récupérées. En revanche, pas d'exonération.

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